Catherine Samba Panza: La pauvreté n’est pas une fatalité

«La République Centrafricaine était déjà en crise en l’an 2000, date du Sommet du Millénaire, à l’entame du processus.
Elle portait déjà les stigmates d’un traumatisme lié aux effets des crises des années 90 et qui se sont poursuivies les décennies suivantes. Cette instabilité politique quasi permanente a placée la population centrafricaine dans une situation de vulnérabilité extrême avec des indicateurs socioéconomiques effrayants. Il n’est pas besoin de les rappeler ici. Dans ces conditions, il était difficile pour mon pays d’honorer les engagements volontairement pris, même si l’amélioration de quelques indicateurs en 2010, notamment la scolarisation des filles, l’accès à l’eau potable et la santé maternelle ont suscité un certain espoir, pour ensuite être démentie en 2012, avec la dernière crise, plus meurtrière et plus dévastatrice. La RCA s’est donc radicalement éloigné de la trajectoire des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), devenant un Etat fragile et vulnérable avec plus de 80% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Cette pauvreté est entretenue et renforcée dans certaines zones du pays où sévissent encore des groupes politico-militaire qui entretiennent l’insécurité et s’adonnent au pillage des ressources et des recettes de l’Etat. Au moment où les engagements que nous avons tous pris à travers les OMD vont arriver à leur terme et que nous nous apprêtons à nous engager pour les Objectifs du développement durable (ODD) post 2015, il faut se rendre à l’évidence : aucun des huit objectifs visés n’a pu être atteint par la RCA, à la veille de la date butoir du processus.
Pourtant, des efforts ont été globalement fournis pour inscrire l’agenda des OMD dans les priorités nationales, notamment à travers l’alignement des politiques sectorielles et l’élaboration des Documents de stratégie de réduction de la pauvreté axés sur les OMD.
De manière spécifique, le gouvernement de la transition ayant pris la mesure des enjeux a élaboré un programme d’urgence pour le relèvement durable de la RCA sur la période 2014-2016. Une stratégie met en œuvre un processus multidimensionnel permettant de couvrir à la fois les secteurs de la sécurité, du respect des droits humains, de l’environnement, ainsi que le volet social, les activités génératrices de revenus et la gouvernance financière.
Dans cet élan, le rapport national élaboré par le gouvernement de la transition fait un bilan sans complaisance, des défis que nous n’avons pu relever et prend en compte les nouveaux enjeux tout en soulignant l’ampleur  des efforts à déployer afin d’engager les ODD sur une  base solide.
Sans faire l’impasse sur nos engagements, je suis aussi ici et surtout pour vous parler de l’avenir, de la possibilité de créer les conditions d’une Centrafrique débarrassée des démons de la division, des fléaux de la pauvreté et de la marginalisation économique, pour mieux servir d’écrin au nouvel horizon qui s’ouvre à nous.
Aussi, je déclare solennellement que mon pays souscrit aux 17 Objectifs du Développement Durable post 2015 qui ont mobilisé durant des mois tous les Etats. Mais nous savons tous que les défis qui nous attendent sont considérables. Nous avons en effet conscience de l’impérieuse nécessité d’accomplir le travail inachevé de l’agenda des OMD, notamment en ce qui concerne la santé maternelle et infantile ainsi que l’élimination des multiples formes de discriminations et de violences subies par ses femmes, les jeunes et autres groupes de populations. De même que nous devons intégrer l’étape suivante et autrement dit, maintenir nos efforts sur les nouveaux objectifs relatifs aux ODD.
Ces objectifs qui concernent des domaines aussi variés que les droits humains, l’environnement, la jeunesse, l’autonomisation des femmes, l’égalité des s*e*xes, la santé, la promotion du partenariat public privé, la sécurité, devraient faciliter la mise en place d’un nouveau pacte social en phase avec les aspirations profondes des communautés  tel que révélées lors de la signature du pacte pour la réconciliation nationale et la refondation de la République Centrafricaine.
En ce qui nous concerne, l’ensemble des acteurs du développement socioéconomique de mon pays, à commencer par le gouvernement, sera mobilisé pour que des actions pertinentes soient réalisées.
La pauvreté n’est pas une fatalité. La situation en République Centrafricaine n’est pas désespérée. Tout en partageant les mêmes préoccupations que l’ensemble des Etats fragiles, la RCA a su démontrer dans son histoire récente sa volonté de se transformer et de devenir un Etat responsable du bien-être de ses populations.
Sous mon impulsion, les actions gouvernementales, appuyées par la communauté internationales, ont permis de créer un environnement favorable à la réconciliation nationale, à la reprise du fonctionnement de l’administration publique et à la reprise des activité socioéconomiques sur l’ensemble du territoire. Tout cela doit vous conduire à porter un regard nouveau, sur un peuple qui se relève et qui, tel un sphinx, renait de ses propres cendres.
La volonté de dialogue, de paix et de refondation de l’Etat a ainsi été démontrée à la face du monde par le peuple centrafricain. Mais la volonté seule ne suffira pas, sans un réseau de partenaires engagés à soutenir les efforts de développement des pays.
Une Centrafrique avec moins de précarité pour les populations et la perspective d’une prospérité partagée demain. C’est cela que nous voulons tous pour nous même, pour nos enfants, nos petits-enfants et toutes les générations futures. Cette Centrafrique est désormais possible, est à portée de main, et se construit chaque jour à travers les actes de progrès qui permettent d’inverser les tendances négatives et d’envisager un mieux vivre et, pourquoi pas d’un bien vivre de nos populations vulnérables.
Tout cela n’est possible qu’avec une paix durable et une certaine stabilité des institutions chargées de diriger le pays.
A quelques jours de la fin de 2015, année butoir pour la réalisation des OMD, nous devons mener des actions urgentes et vigoureuses, travailler avec conviction et détermination à la réalisation des ODD. Autrement dit, semer les graines de l’espérance pour préparer, en Centrafrique comme ailleurs, et pour toutes les populations vulnérables à travers le monde, un monde plus juste et plus harmonieux. »

Catherine Samba Panza
Chef de l’Etat de la transition de la République Centrafricaine, Allocution à la Réunion de haut niveau sur les Objectifs de Développement Durable, en marge de la 70e Assemblée générale des Nations Unies.

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