Épilogue : Retour triomphal de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire

Laurent GBAGBO et Charles Blé Goudé

Annoncé depuis quelques semaines, l’ancien président ivoirien arrive à Abidjan ce jour après plus de dix années d’absence et sera accueilli, sauf changement, par l’ex-président Henri Konan Bédie.

Pour un événement, ce retour en est un. La présence nombreuse des médias internationaux en est un indicateur. On dénombre plus de 200 journalistes accrédités dont certains pour vivre et raconter le retour du miraculé ce la Haye. Certains journalistes sont partis de très loin, à l’instar de Florence Richard, arrivée des Etats-Unis d’Amérique. De par sa symbolique et la stature de l’homme qui retrouve sa Côte d’Ivoire natale, un pays qu’il a quitté il y a plus d’une décennie, contre son gré, à la suite de la crise post-électorale qui a fait plus de 3000 morts, la Côte d’ivoire va vivre aujourd’hui un moment important dans son histoire politique. Le retour de l’ex-président est, quels que soient les cas de figure, l’un des événements majeurs qu’a connu ce pays depuis une décennie.

Petit rappel des faits : à la suite de l’élection présidentielle de 2010, Alassane Ouattara, le candidat du Rdr, avait été proclamé vainqueur, de même que Laurent Gbagbo, le candidat du Fpi, donné gagnant à 51 % par le conseil constitutionnel. Une grave crise politique s’en était suivie et les armes avaient parlé. Le vaincu a été envoyé à la Cpi où il fut innocenté au terme d’un long procès de plus de neuf ans.

Depuis l’annonce de la date de son retour, la question est sur toutes les lèvres: comment va se passer l’accueil de Laurent Gbagbo ? Y aura-t-il un officiel ivoirien de rang ministériel à sa descente d’avion ? On le saura dans quelques heures, avant que l’impressionnant convoi annoncé s’’ébranle vers son QG. L’itinéraire du convoi publié par Kone Boubakar, le président du Comité opérationnel pour l’accueil du président Gbagbo prévoit un circuit, qui montre que l’ex-président va passer dans les communes et quartiers peuplés d’Abidjan. Entre autres, ancien Koumassi, Treichville, le plateau, Cocody, Carrefour la Vie, l’Ena, 7eme tranche vers le café de Versailles, pour s’achever à Atoban, non loin du commissariat du 30eme arrondissement, QG de campagne du candidat ne 2010.

Des tractations avec le pouvoir d’Abidjan ont amené les deux camps à s’accorder sur l’essentiel : Le retour de l’ex-président doit être perçu comme des prémices pour une réconciliation nationale. La mobilisation est donc grande dans le camp de Gbagbo, où des réunions se sont tenues ces dernières semaines pour rendre la journée du 17 juin mémorable. Le sujet est sur toutes les lèvres dans la ville d’Abidjan et s’est déporté sur les plateaux TV pour savoir quel accueil il fallait réserver à l’enfant de Koudou. La mobilisation est perceptible, de nombreux militants ont fait le déplacement de Mama, le village du président, par bus, pour accueillir leur frère et parent. Plusieurs dizaines de bus sont annoncés ce jour à Abidjan en provenance de Gagnoa, Ouragahio, et Galebre, pour une mobilisation à l’aéroport d’Abidjan.

Sobre dans un moment important

Malgré l’insistance de certains proches et militants de louer un avion pour son retour, l’homme de Mama, a choisi la modestie. Le vol de Brussels Airlines qui ramène l’ex-prisonnier de Scheveningen dans les faubourgs de La Haye, va se poser à 15h30. Laurent Gbagbo sera accompagné de sa famille, notamment ses enfants et petits-enfants. Son ex- ministre de la Jeunesse et ex-compagnon de prison, Charles Blé Goudé, lui aussi acquitté dans la même procédure, n’a pas souhaité faire le déplacement, choisissant de laisser à son mentor toute la gloire de ce jour.
Si on ne sait pas si un officiel de rang ministériel va accueillir l’ex-président, une certitude toutefois, Alassane Ouattara, l’actuel président de la République, a instruit ses collaborateurs de laisser son prédécesseur utiliser le pavillon présidentiel. On sait aussi que les membres du bureau du Fpi seront le premier contact de l’enfant de Mama avec la Cote d’Ivoire: un bureau dont fait partie Simone Ehivet Gbabgo, l’épouse et l’ex première dame de Côte d’Ivoire libérée il y a près de deux années, après 8 années passées dans la prison de Odiene, dans l’extrême-nord de la Côte d’Ivoire.

Selon les indiscrétions d’un ancien ministre de Gbagbo, le célèbre prisonnier de la Cpi devrait prendre la parole à l’aéroport pour une courte allocution. Ensuite, il se rendra dans son QG où il est attendu par plusieurs centaines de personnes. Ensuite, il se rendra à Mama pour se recueillir sur la tombe de sa maman, décédée alors qu’il était en prison à la Cpi. Le programme prévoit aussi qu’il se rendra sur la tombe de son ami de 40 ans et ex vice-président du parti, Sangaré, décédé il y a deux ans.

Arès un repos, Laurent Gbagbo devrait s’adresser aux Ivoiriens pour dire sa contribution à la réconciliation nationale. La date n’est pas encore confirmée et le format n’est pas défini, mais des indiscrétions indiquent que le mois d’octobre est envisagé. On annonce un grand moment politique en Côte d’Ivoire et un appel au calme, au rassemblement et au pardon. Un entretien est aussi prévu avec l’ex-président Henri Konan Bedie, son allié depuis quelques mois. Ce dernier a d’ailleurs indiqué par le canal de ses communicants qu’il sera à l’aéroport ce jour pour accueillir son successeur.

Le chagrin de Laurent Gbagbo : Marguerite Gado

La mère de l’ancien président ivoirien est décédée le 15 octobre 2014 à l’âge de 90 ans, trois jours après son retour d’exil et plus de 4 années sans nouvelles de son fils.
En avril 2011, lorsque son fils est arrête et sorti du bunker, Marguerite Gado, la maman de l’ancien président a trouvé refuge quelque part dans le pays, loin des combats et avec l’aide de certains cadres du (Front populaire ivoirien (Fpi). Elle sera conduite à Accra au Ghana où une majorité de parents, cadres et proches de l’ancien président se sont réfugiés. Elle n’a pas regardé à la télé les humiliations subies par son fils, sa belle-fille et son petit-fils Michel Gbagbo. La sœur cadette de l’ex président, Jeanette Koudon, qui l’a accompagnée à Accra, va veiller sur elle durant quatre années, et toutes deux bénéficieront du soutien des nombreux militants du parti.

Selon l’un des vice-présidents du Fpi qui était en exil avec maman Gado, son séjour aura été l’un des pires moments de sa vie. D’abord, elle n’a jamais été informée de l’arrestation de son fils, encore moins de sa détention dans une prison en Europe. On lui a donné comme excuse que Gbagbo était en voyage. Elle a été préservée de cette «mauvaise nouvelle» qui aurait, selon un proche, été « une nouvelle fatale pour cette fragile dame ».
Ensuite, dès les premiers moments de son exil, elle a demandé à rentrer dans son village, Bouzoun, dans la région de Yamoussoukro. Ses demandes de retour sur ses terres ont inquiété ses proches qui ont accepté ses vœux et selon ceux-ci, son voyage par route d’Accra à Bouzon aura été un moment exceptionnel de chants. Son malaise la plongera dans la prière et elle mourra trois jours après son arrivée là où elle a choisi de mourir.
Son fils, de retour en Côte d’Ivoire, ira à Bouzoun se recueillir sur la tombe de sa génitrice.

Olivier Fokam, à Abidjan

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