Cameroun – Sida : Pourquoi l’infection à VIH explose chez la jeune fille

Les relations s*e*xuelles intergénérationnelles entre des adolescentes et des hommes plus âgés, la précarité financière, le manque d’informations, l’accès incontrôlé à l’Internet et l’absence d’un contrôle parental sont les causes du fort taux de prévalence chez la jeune fille.

Elle avance d’un pas assuré. C’est une jeune femme de 25 ans. Une mise vestimentaire élégante et chic rehausse son teint clair et ses formes
épanouies. Mais ses yeux sont dissimulés derrière des lunettes de soleil. Ces verres lui permettent de ne pas afficher sa peine. Celle qu’elle porte depuis 7 ans déjà. Pour la faire parler, il faut y aller avec douceur et tact. De temps en temps, de longs soupirs qui brisent le silence de cette après-midi de décembre en disent long sur sa souffrance. Elle finit par s’ouvrir. Tout est clair dans sa mémoire. Elle na rien oublié.
« J’avais 18 ans lors de ma 1er relation amoureuse. J’étais en classe de 3ème dans un lycée. Dans mes aventures en classe de première, j’ai croisé un
monsieur plein aux as. Sa richesse, le fait qu’un homme de sa trempe, de sa position sociale s’intéresse à une jeune lycéenne de mon état m’ont ébloui. Je me sentais valorisée. Je me donnais à lui, mais sans protection. Cétait sa volonté et je faisais tout ce qu’il demandait. Nous nous sommes livrés à toutes les pratiques, ce que j’acceptais vu qu’il me donnait de l’argent », raconte notre source torturée par les remords. Elle a compris trop tard qu’elle a été victime dun « sugar daddy » encore appelé « sponsor ». Ce sont des hommes, la quarantaine ou la cinquantaine fringante. Ils jouissent parfois d’une position sociale enviable leur permettant de ce fait d’entretenir leur jeune dulcinée. Ecole, maison, vêtements et bijoux de luxe, voyages, ces bienfaiteurs d’un autre genre savent faire preuve de largesse. « Une année, j’ai un nouveau téléphone dernier cri. Je ne parle pas des greffes, des habits et chaussures. Chez moi j’étais devenue « mama faro » parce que je ramenais de l’argent. J’étais la plus heureuse », se rappelle-t-elle. Mais la prise de conscience va intervenir un jour lors d’une campagne de dépistage dans son école. Le plus dur pour cette femme de 25 ans aura été d’apprendre que son « papa gâteaux » était au courant de sa séropositivité et il na rien fait pour la prévenir ni la protéger. « Il est arrivé un jour où, il y avait des campagnes de sensibilisation contre le Sida dans notre établissement. Après le dépistage, on ma remis une enveloppe qui indiquait que je suis séropositive. Tout de suite je n’ai pas paniqué. On nous disait souvent que pendant les campagnes gratuites là, il est possible de confondre les résultats. A force d’y penser et m’interroger, je me suis dit qu’il fallait que je sache ce qu’il en est. Un matin je me suis rendue à l’hôpital. J’ai payé pour les examens. Je suis tombée des nues ! J’étais réellement séropositive. Mon Dieu ! Quand je suis allée voir cet homme. Il ne semblait pas bouleversé. Il m’a juste dit de supporter. J’ai compris qu’il m’avait transmis la maladie. Je ne savais à quel saint me vouer, mon état était scellé », parvient-elle à dire entre deux sanglots. Le cas de cette jeune femme qui n’a pas souhaité être identifiée est hélas, assez courant. Selon des chiffres publiés cette année par lOng Synergies africaines contre le Sida et les souffrances, les filles et les femmes de 14 à 24 ans et de 34 à 64 ans sont neuf fois plus infectées que les hommes de la même tranche d’âges dans un contexte où le taux de prévalence a pourtant baissé au plan national. Il est en effet passé de 5,3 en 2004 à 4,3 en 2011. Aujourd’hui, ce taux a chuté à 3,3%. Les voies de transmission de cette pandémie sont diverses (voie s*e*xuelle, objets souillés, contamination de sang). Cependant les experts soulignent que dans le contexte camerounais, la voie de transmission la plus courante est hétéros*e*xuelle (rapport s*e*xuel entre hommes et femmes).

Il suffit d’une première fois

Selon André Mama Fouda, ministre de la Santé publique, les hommes de la tranche d’âge de 45 à 55 ans sont l’une des principales causes des infections
chez les jeunes filles. Poussées par la précarité financière ou croyant naïvement en leur pouvoir de séduction, des adolescentes et jeunes femmes
se laissent prendre à ce jeu aux dangereuses conséquences. Il arrive que des jeunes filles donnent elles-mêmes « la chasse » à des hommes fortunés pour des raisons matérielles. C’est ce qui est arrivé à Lisette (nom demprunt). Sous la pression de son petit ami aux relations douteuses, elle va accepter de rencontrer un homme de 15 ans son aîné. « C’était un petit business, un marché. Du moins c’est ainsi que mon ami m’a présenté la situation. Je devais juste participer à une partouze et gagner de l’argent. Avec mon ami, on avait des projets. Moi mon école et lui son voyage à l’étranger », raconte-elle le cœur meurtri.
De retour de son escapade balnéaire, Lisette ne ramène pas seulement les cadeaux offerts. Sans le savoir, elle va à son tour contaminer son petit ami.
Confirmant ainsi les explications des médecins qui parlent de cycle de contamination. «Un homme peut infecter plusieurs femmes qui vont à leur tour transmettre le virus », explique Dr Barbara Mbengono. En plus du phénomène des relations s*e*xuelles intergénérationnelles, le fort taux de prévalence de la pandémie chez la jeune fille peut s’expliquer par la période de vulnérabilité qu’est l’adolescence. « Cest une période où l’on est curieux, on souhaite vivre des expériences », souligne Jeanne Ngwa, psychologue. Il suffit alors d’une fois pour qu’une fille soit contaminée. Parfois même lors du premier rapport de s*e*xuel de sa vie tout peut basculer.

« Au regard du changement physique de l’adolescente ou de la jeune fille, du type et du genre d’habillement actuellement observé qui met en valeur son corps, l’expose et la rend vulnérable aux pressions s*e*xuelles de son environnement, la précarité matérielle et financière ambiante dans laquelle elle se trouve liée à la pression de ses convoitises et de ses désirs de se valoriser sont autant de raisons qui l’expose au travail du s*e*xe et l’expose à contracter le VIH. Je dirais encore mieux, qu’aujourd’hui, l’Internet est un instrument qui donne accès aux sites po*r*nographiques, les téléphones portables androïdes que nous remettons aux enfants, objets de diffusion non contrôlée des vidéos, de création de divers groupes de partage des informations susceptibles de corrompre les mœurs des jeunes filles et l’absence d’accompagnement parental sont autant de raisons pour lesquelles les jeunes filles s’exposent à contracter facilement le VIH ».
Certaines se livrent au vagabondage s*e*xuel. « Je me sentais seule. Vous savez, mon mari était toujours absent. Il voyageait tout le temps. Je ne sais donc pas si c’est le monsieur que j’avais rencontré qui ma contaminé ou alors si cétait dans un salon de coiffure », regrette aujourdhui cette femme mariée et mère au foyer.

Viol et Sida

On ne parle pas beaucoup de cette éventualité. Et pourtant selon le Réseaux national des associations des tantines (Renata), plusieurs jeunes filles et femmes contractent le Sida à la suite d’un viol. En octobre, un fait divers attestant cette possibilité a secoué la ville de Douala. Celle de Victor Edzeng, un s*e*xagénaire accusé d’avoir abusé de ses 4 filles âgées de 20 ans, de 16 ans, 7 ans et de 04 ans et de les avoir transmis le VIH/Sida.
Elsa Kane et Guillaume Aimée Mete

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