Dans une lettre adressée au patron de la police, les syndicalistes dénoncent leur séquestration et promettent de saisir les instances internationales. Patrice Samen, Augustin Ngangoa, Collins Tchoumi et Jean Collins Ndefossokeng ont été libérés le 14 juin 2022.
Ces quatre présidents de syndicats du secteur des transports routiers ont été interpellés le 6 juin 2022 et placés en garde à vue administrative par le préfet du Mfoundi. Ils ont été libérés alors que le délai de la garde à vue administrative n’avait pas été épuisé (15 jours renouvelables une fois).
Au moment de leur interpellation, ils s’apprêtaient à organiser un sit-in devant les services du Premier ministre pour manifester contre la hausse des prix de la visite technique automobile. Alors qu’ils mobilisaient leurs camarades, ils ont été arrêtés par les policiers et conduits dans plusieurs unités de police. Dans une correspondance adressée le 24 juin 2022 au délégué général à la Sûreté nationale, les leaders syndicaux dénoncent leur interpellation par la police et projettent de porter plainte contre l’Etat devant le Comité sur la liberté syndicale du Bureau international du Travail (Bit).
Abus d’autorité
Augustin Ngangoa, l’un des syndicalistes interpellés, affirme que les personnes victimes de cette arrestation entendent saisir le tribunal contre les responsables des commissariats et les autorités administratives pour abus d’autorité et séquestration. Le syndicaliste affirme que l’objectif de cette plainte vise à ce que les personnes arrêtées de manière arbitraire bénéficient d’une réparation du préjudice subi comme le stipule l’article 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : « Tout individu victime d’arrestation arbitraire ou de détention illégale a droit à la réparation ».
Patrice Samen, le président de la Fédération nationale des syndicats des chauffeurs professionnels du Cameroun, affirme que pendant les huit jours de sa détention, ni son épouse ni les autres membres de sa famille n’ont pu lui rendre visite. Augustin Ngangoa lui aussi président du syndicat de transport urbain et inter-urbain du Cameroun affirme pour sa part que plusieurs membres de sa famille ne savaient même pas dans quel commissariat il avait été conduit : « Toutes les garanties d’une garde à vue normale ont été violées. Nous n’avons pas été autorisés à être entendus devant les avocats. Nous ne savons pas ce qu’on nous reproche exactement, et nos proches n’ont pas pu nous rendre visite », affirme Augustin Ngangoa.
Me Meli, avocat au barreau du Cameroun affirme que le fait de libérer les syndicalistes avant le délai de la garde à vue administrative prouve que ces syndicalistes ont fait l’objet d’une détention arbitraire et abusive. L’avocat explique qu’en plus d’interdire les manifestations pacifiques des partis politiques de l’opposition, les autorités font tout pour empêcher les syndicalistes de manifester pour revendiquer de meilleures conditions de vie. Une situation qui viole non seulement la liberté syndicale mais aussi porte atteinte à l’image de notre pays. L’avocat estime que les responsables de cette garde à vue abusive doivent être traduits devant les juridictions nationales pour répondre de leurs actes d’abus d’autorité.
Ce n’est pas la première fois que les syndicalistes soient traqués par les forces de maintien de l’ordre. En 2015, Jean Marc Bikoko, le président de la Centrale syndicale du secteur public avait été arrêté de manière brutale au palais des sports de Yaoundé par les policiers. Il organisait un atelier sur l’alternance au pouvoir. L’activité se tenait dans le cadre de la journée mondiale de la démocratie qui est célébrée chaque 15 septembre. Le syndicaliste avait été interpellé avec six autres de ses collaborateurs. Ils avaient été placés en garde à vue administrative, avant d’être libérés deux semaines après. Jusqu’à ce jour, Jean Marc Bikoko est ses collaborateurs sont toujours jugés devant le tribunal de grande instance de Yaoundé Centre administratif pour manifestation illégale et trouble à l’ordre public.