Cameroun – Décès d’un étudiant: Des organisations interpellent le Recteur de l’université de Yaoundé 1

Université de Yaoundé 1: un agent de la police du campus bastonne à mort un étudiant

Monsieur le recteur, Nous, organisations citoyennes, avons pris connaissance avec tristesse, amertume et colère du décès brutal de l’étudiant NGUEFACK ZEKENG Valery Rochinel, étudiant à BIOS 2 à l’Université de Yaoundé 1 (UY1) survenu le vendredi 28 septembre 2018 sur le campus.

Notre concitoyen étudiant Rochinel est ainsi passé de vie à trépas après avoir été brutalisé par un agent de votre escouade de gros bras du nom de NJIKAM Mohamed, ancien militaire renvoyé, qui résidait derrière l’amphi 1002 sur le campus universitaire et exerçait sur le campus.

En effet, NGUEFACK Rochinel était en rang comme ses camarades de BIOS 2 pour accéder à l’amphi 1001 afin de prendre part au cours de BIOS 207 lorsque M. NJIKAM Mohamed l’interpelle pour lui demander de retirer son chapeau. Rochinel traîne les pieds avant de s’exécuter en prenant néanmoins soin de mettre son chapeau dans son sac. C’était suffisant pour déclencher les courroux M. NJIKAM Mohamed, dont la susceptibilité ne fait plus mystère.

Dès lors, M. NJIKAM Mohamed s’emporte donc et veut absolument mettre main sur le chapeau dans le sac de Rochinel. Ce que Rochinel refuse en opposant ses bras frêles. L’interposition de l’étudiant provoque une folle réaction violente de la part de M. NJIKAM qui s’est résolu à utiliser la force. C’est ainsi que NGUEFACK Rochinel tombe et malgré l’arrivée de l’ambulance du CHU appelée en rescousse, rien n’a pu être fait pour sauver la vie à ce jeune étudiant. NGUEFACK Rochinel perd ainsi la vie à 21 ans. Quelle tragédie !

Abattu par la nouvelle, le père de cet étudiant a tenté vainement de rencontrer votre administration. Au travers d’une attitude condescendante qui ne surprend plus, votre collaborateur en la personne de M. ZAMBO BELINGA ne s’est pas gêné en votre absence de l’éconduire comme un malpropre du campus en lui intimant l’ordre de « sortir de son université » sans aucunement exprimer une once de compassion à la douleur de cette famille éplorée.

Pour illustrer la désinvolture manifeste de votre administration sur cette tragédie, il faut juste se rappeler qu’à la levée de corps de notre concitoyen étudiant, aucun membre de votre administration n’était présent ni représenté. A contrario, les membres de l’Addec et de la PIJEDECA avaient remarqué que les

agents de police campus soutenus par des gros bras (des rugbymen) à votre solde ont été mobilisés pour intimider et parer à toute éventualité. Comme quoi, au lieu d’apporter la sollicitude de la communauté universitaire, c’est plutôt la force que l’administration universitaire a opposée à une famille et des amis meurtris. Que déduire d’une telle approche !

Il aura fallu que l’Addec rende cette tragédie publique pour que vous puissiez enfin sortir de votre silence, et vous adresser à la communauté universitaire, et adresser vos condoléances à la famille à travers un communiqué de mise au point distant et froid, produit par le chef de service de l’information de cette université et rendu public le 15 octobre 2018. Cette mise au point est un nouvel poignard dans le cœur qui attise la douleur au lieu de la calmer. En effet, elle n’a pour seul objectif que celui de protéger votre administration. Elle a par ailleurs jeté l’opprobre ignoble sur la victime dont vous savez pertinemment qu’il n’aura pas l’occasion de s’expliquer. Votre réaction par une communication tardive traduit l’indifférence de votre administration face aux douleurs et aux tragédies que peut vivre la communauté universitaire. Elle trahit une gouvernance tyrannique dénuée de toute empathie et éloignée de valeurs humaines.

En remettant en cause son statut d’étudiant à l’université de Yaoundé 1, vous ignorez à dessein qu’est considéré formellement étudiant, celui qui paye au moins la moitié des droits universitaires et effectue les procédures administratives. Or les étudiants dans leur immense majorité qui participent actuellement aux cours, TD et TP n’ont pas encore payé leurs droits universitaires. La pratique actuelle résultante de la pauvreté massive des Camerounais, est que les étudiants payent ces droits universitaires à l’approche des Contrôles Continus. Ce que Rochinel avait la latitude de faire en participant à des cours. Encore Rochinel n’a pas eu à ne pas respecter une date limite de paiement des Droits universitaires qui aurait pu être communiquée par le Doyen de la Faculté de Sciences pour laisser croire qu’il n’aurait pas de volonté de reprendre une inscription dans cette université.

Donc évoquer ce statut étant donné qu’il a réussi valablement son niveau 1 à l’UY1 lors de l’année académique 2016/2017 relève de la mauvaise foi avec en filigrane la volonté de détourner l’attention de la communauté nationale sur votre responsabilité et le rôle prépondérant dévolu à vos gros bras sur le campus. Votre mutisme a pourtant laissé fleurir et prospérer sur le campus universitaire une désinformation selon laquelle Rochinel était tombé seul. Quelle infamie !

Cette tragédie révèle une fois de plus au grand jour la déshumanisation de cette université qui a pris des allures inquiétantes sous votre administration. Votre

responsabilité est établie par votre volonté de réhabiliter des anciens militaires radiés pour la plupart pour indiscipline et à la moralité douteuse, et de stipendier des gros bras à qui vous avez donné carte blanche pour faire régner l’ordre et laisser libre cours à leurs fantasmes. Tout comme votre silence quant à la prise de mesures fermes pour vous assurer que ce genre de drame ne puisse se reproduire au sein de l’université est choquant.

Dans aucun cas, la brutalité de cet agent peut être qualifiée d’isolé. Il s’agit d’un comportement généralisé qui a votre accord et votre protection pour soumettre tout étudiant qui enfreindrait votre autorité et celle de vos agents. La violence physique est le modus operandi de votre milice et elle ne se prive pas de faire appel à des gros bras pour lui porter secours. Les membres de l’Addec sont d’ailleurs des victimes patentes passées sous le coup de sévices infligés par votre milice avec votre accord. Mais ce cas tragique doit être celui qui doit nous obliger à dire Haro ! Le pire qui n’était pas loin est malheureusement survenu.

Cet évènement funeste est donc l’occasion de faire des réformes de fond pour prévenir de tel cas. Nous nous réjouissons déjà que M. NJIKAM Mohamed ait été placé en garde à vue depuis peu, lui qui jouissait depuis la survenue de la tragédie de toute sa liberté sur le campus et résidait toujours dans des locaux alloués sur le campus par l’administration universitaire (derrière amphi 1002). Nous vous interpellons afin que :

  • Toute la lumière soit faite sur cette tragédie et les responsabilités dégagées sans interférence aucune;
  • Un hommage de la communauté universitaire soit rendu à Rochinel. A défaut, nous nous portons garants d’en organiser un sur le campus universitaire ;
  • Proscrire l’utilisation des gros bras sur le campus ;
  • Faire appel uniquement aux étudiants pour maintenir la sécurité sur le campus ;
  • Proscrire toute forme de violence et de trafic d’influence sur le campus.

Dans l’espoir que cette lettre retiendra votre attention sur la gravité de la situation, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Recteur, l’expression de notre engagement militant.

Yaoundé, le 28/10/2018

Les organisations signataires

  • ADDEC
  • ACDIS
  • PIJEDECA
  • SAMBE
  • STAND UP OF CAMEROON

Ampliations :
Primature,
SG/présidence,
MINESUP
MINJUSTICE
DGSN
CHANCELLERIES
ODDH

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