Elle est largement tributaire du pluralisme judiciaire en droit camerounais. Ce pluralisme influence notamment les règles d’introduction et de déroulement de l’instance.
Toutefois, les mesures provisoires susceptibles d’être prise en cours d’instance n’en sont pas affectées. Ainsi, comment introduit-on une procédure de divorce ? Comment se déroule donc cette procédure ?
Introduction de l’instance
La faculté de demander le divorce appartient essentiellement aux époux. Il s’agit d’une action exclusivement attachée à leurs personnes. A ce titre, ni les créanciers, ni les héritiers ne peuvent l’entamer, ni la continuer au décès des époux. D’ailleurs la survenance de décès arrête l’instance en divorce.
Les règles de compétences
L’action en divorce peut être portée au choix du défendeur, soit devant le Tribunal de Grande Instance, soit devant le Tribunal de Premier Degré. Toutefois, l’époux défendeur conserve la possibilité d’invoquer in limine litis (avant tout débat au fond) l’incompétence de cette dernière juridiction. En principe, les causes de divorce prévues par le Code civil ne devraient être soulevées que devant le Tribunal de Grande Instance, juridiction de droit moderne. Les causes coutumières devant l’être devant le Tribunal de Premier Degré. Il a été en effet jugé que « l’option de juridiction entraine l’option de législation ». Le Tribunal de Premier Degré ne devrait retenir les causes de divorce tirées du Code civil que lorsque les causes coutumières sont inexistantes, obscures ou contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. En revanche, le Tribunal de Grande Instance ne devrait pas connaitre des causes coutumières de divorce. Sur le plan territorial, l’époux défendeur du divorce doit en principe être assigné devant le Tribunal de son domicile ou à défaut devant celui de sa résidence. Pratiquement, il s’agira du Tribunal du domicile conjugal, puisque la femme mariée est sensée domiciliée chez son mari.
Modes de saisine
Bien que l’action en divorce soit introduite dans tous les cas par requête adressée au président du Tribunal, sa fréquentation varie selon que l’affaire est portée devant le Tribunal de Premier Degré ou devant le Tribunal de Grande Instance.
Devant le Tribunal de Premier Degré, cette requête peut être écrite ou orale dans le dernier cas. Le Président assisté de son secrétaire en établit un procès-verbal qui est immédiatement consigné sur un registre. La requête peut être présentée par l’époux demandeur lui-même ou par un mandataire (avocat) de son choix dans le cas où la présidence d’un Tribunal de Premier Degré aura été attachée à celle d’un Tribunal de Première Instance dans les grandes villes notamment.
Devant le Tribunal de Grande Instance au contraire, la requête doit être présentée par l’époux personnellement. En cas d’empêchement dument constaté, le président doit se transporter assisté de son greffier au domicile de l’époux demandeur (article 234 alinéa 2 du Code civil).
L’exigence ou non de la présence de l’époux demandeur selon la juridiction préfigure de l’office du juge dans le déroulement de l’instance.
Le déroulement de l’instance
En matière de divorce, le déroulement de l’instance comporte généralement deux phases : une phase conciliation et une phase contentieuse. Mais il est légèrement différent devant le Tribunal de Premier Degré et le Tribunal de Grande Instance.
La phase de conciliation
Devant le Tribunal de Premier Degré, le Président se limite à l’essentiel. La tentative de conciliation n’étant pas obligatoire, le juge saisit de la requête en divorce convoque les parties et éventuellement les témoins au jour et heures fixés pour l’appel de l’affaire à l’audience. Le demandeur peut cependant, en même temps qu’il présente qu’il présente sa requête demander au Président de le convoquer avec son conjoint pour tenter de les réconcilier. De même, le Président peut aussi à tout moment tenter la conciliation.
Devant le Tribunal de Grande Instance, la tentative de conciliation est obligatoire ici. Ainsi, lorsque l’époux demandeur lui présente personnellement sa requête, le Président lui fait des observations qu’il croit convenable. S’il ne convainc pas l’époux de renoncer à sa demande, il ordonne au bas de la requête que les parties comparaitront devant lui, au jour et heures qu’il indique et interpelle un huissier pour notifier la citation (article 235 du Code civil).
Si l’une des parties est dans l’impossibilité de comparaitre, le juge fixe un autre jour où sera tentée la conciliation ou donne commission pour attendre le demandeur. Si la conciliation aboutit, l’action prend fin, sinon, le juge dispose d’une alternative : soit ajourner les parties à une date qui n’excédera pas six mois renouvelable sans excéder un an ; soit dresser un procès-verbal de non conciliation. Il autorise alors par ordonnance l’époux demandeur à citer son conjoint devant le Tribunal tout entier.
La phase contentieuse
A partir de ce moment, les règles applicables sont presque les mêmes devant le Tribunal de Grande Instance et le Tribunal de Premier Degré, en l’absence de disposition particulière concernant cette dernière juridiction. Il faut seulement relever qu’il est de principe devant le Tribunal de Grande Instance et même la Cour d’Appel que les débats se déroulent en chambre de conseil (sans publication). Cette règle n’est pas reprise expressément devant le Tribunal de Premier Degré. Mais rien cependant n’empêche les parties de demander ou même le juge d’ordonner le huis clos.
Quant à la décision elle-même, elle est rendue en audience publique. Le dispositif de la décision est transcrit sur le registre d’état civil du lieu où le mariage a été célébré. Mention en est fait de l’acte de mariage et de l’acte de naissance de chacun des époux. Besoin d’aide juridique ? Contactez nous à [email protected] S’agissant des particularités de la preuve, les parents à l’exception des descendants et les domestiques des époux peuvent témoigner. De même, il est admis que les lettres missives puissent être produites si elles ont été obtenues sans fraude. En revanche, l’aveu et le serment ne sont admis comme mode de preuve. Le décès et la réconciliation des époux constituent des fins de non-recevoir à l’action. Le jugement de divorce devenu définitif présente des effets que nous examinerons plus loin. Mais, dès le dépôt de la requête introductive d’instance, certaines mesures provisoires peuvent être prises.
Les mesures provisoires en cours d’instance
Il s’avère parfois urgent, que dès la saisine par la requête initiale, les juges prennent des mesures provisoires pour la sauvegarde des intérêts des époux et des enfants. En effet, compte tenu de l’ampleur de la crise conjugale, il peut être nécessaire d’ordonner la séparation de résidence (article 236 du Code civil). Cette mesure s’accompagne généralement d’une mesure sur la garde des enfants (article 238 du Code civil).
L’octroi de la pension alimentaire dans l’intérêt des enfants (article 240 alinéa 2 du Code civil), la provision ad litem (somme d’argent versée par un époux à son conjoint lors d’un procès en divorce ou en séparation de corps ou même en nullité pour qu’il puisse faire face aux frais de l’instance). Si ces mesures n’ont pu être prises par le juge conciliateur, elles peuvent toujours être sollicitées devant le juge des référés si la preuve de l’urgence et du péril est établie. Ces mesures peuvent enfin être ordonnées pour la première fois en phase contentieuse, ne touchant pas le fond du litige. Ces mesures sont accessoires à la procédure du divorce dans la mesure où en cas de réconciliation elle devient caduque. Ces mesures ont un caractère provisoire et peuvent par conséquent être modifiés ou rétractés par le même juge qui les avait ordonnés, si les circonstances nouvelles les justifient.
Estelle Djomba Fabo
Conseiller juridique
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