Cameroun / Nigeria: une animosité vieille de 40 ans entre Paul Biya et Buhari

Alors qu’il était ministre du pétrole du Nigeria, l’actuel président nigérian passait pour un épouvantail du pouvoir camerounais. Plusieurs années après, la blessure tarde à cicatriser, surtout pour le président camerounais.
Depuis sa médiation à Libreville où la fratrie Bongo se discutait le palais du bord de mer après la mort d’Omar Bongo, Paul Biya n’a vraiment plus jamais manifesté de l’enthousiasme aux nouveaux chefs d’Etat de la sous-région. Autant il a ignoré Michel Djotodia, arrivé au pouvoir en Centrafrique à la suite d’une rébellion armée, autant il cache mal sa méfiance vis-à-vis de Muhammadu Buhari, le nouveau président nigérian.
A l’investiture de ce dernier, le 29 mai dernier, Paul Biya n’a pas trouvé opportun d’assister à cette cérémonie. Il a dépêché Amadou Ali, le vice-Premier ministre chargé des Relations avec les assemblées, à Abuja pour le remplacer. Muhammadu Buhari avait alors en vain espéré rencontrer le président camerounais à la suite de ses homologues nigérien et tchadien. Ces deux pays, comme le Cameroun et le Nigeria, sont engagés dans une guerre armée contre la secte Boko Haram. La rencontre entre Biya et Buhari aura finalement lieu après le ramadan «pour des questions de sécurité», comme l’explique un chargé d’affaires à l’ambassade du Nigeria au Cameroun. «Le président Buhari répondra à une invitation de son homologue camerounais», poursuit la même source. Réné Emmanuel Sadi, le ministre camerounais de l’Administration territoriale, a d’ailleurs fait le déplacement d’Abuja la semaine dernière pour consacrer cette invitation. Mais sur les raisons qui peuvent expliquer que cette rencontre entre les deux chefs d’Etat ait mis tant de temps à se dessiner, on est moins disert à la représentation diplomatique nigériane.
Pourtant, à en croire certaines sources fiables, Paul Biya a quelques raisons de se méfier de Buhari. En 1976, alors que cette tête couronnée de l’armée nigériane est nommé au poste de ministre du Pétrole et des ressources naturelles, après le coup d’état sanglant du lieutenant-colonel Murtala Muhammed, il devient l’un des défenseurs d’une thèse expansionniste qui visait à déposséder le Cameroun d’une bande de terre dans la région du Sud-Ouest, reconnue pour être très pétrolifère. Premier ministre d’Ahidjo à l’époque, Paul Biya n’a certainement pas oublié cet épisode. Surtout que ce projet d’expansion a débouché sur le conflit de Bakassi dans les années 1990. Sans oublier que dans l’entourage du président camerounais, on a toujours pointé un doigt accusateur sur Buhari qui aurait cautionné le putsch manqué du 6 avril 1984 à Yaoundé, alors qu’il était président du Nigeria. Beaucoup trop pour alimenter le ressentiment du locataire du palais d’Etoudi à son endroit.

[b]Michel Ange Nga[/b]

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