Cameroun – Huile de soja «Jadida»: La Coppeq défie le gouvernement camerounais

L’importateur continue d’inonder l’espace public de ses spots publicitaires, en dépit de l’interdiction de l’Anor. Lundi 16 février, l’ensemble des quotidiens nationaux publient un communiqué de presse pour le moins curieux.[pagebreak] «Suite à une campagne d’intoxication et de désinformation sagement orchestré par certaines personnes sur l’huile de soja Jadida, la Coppeq dénonce ce complot visant à détruire la marque historique Jadida», peut-on lire. Le communiqué précise par la suite que, l’huile de soja Jadida non seulement jouit d’un certificat de conformité encore valide, mais aussi, est produite par une société tunisienne et commercialisée dans plusieurs pays dont l’Angola, la Tunisie, l’Angola, les Usa, l’Espagne, le Maroc. Last but not least, la Coppeq donne un conseil d’utilisation : température maximale conseillée 180°.

Entêtement
Cette campagne médiatique de plus, démontre à suffire que la Coppeq, unique société importatrice de la marque Jadida au Cameroun, est résolument rentrée dans un bras de fer avec les autorités de Yaoundé et foule aux pieds les lois de la République. Car, par lettre n°000120 /ANOR /DG / DC du 05 février 2015, le directeur général de l’Agence des normes et de la qualité (Anor), saisit le président directeur général de la Coppeq en ces termes : «Vous avez multiplié les publicités incluant des affirmations susceptibles d’induire les consommateurs en erreur dans tous les médias nationaux, ce qui les expose sur le plan de la santé aux dangers liées non seulement à une mauvaise interprétation de ces publicités.» Charles Botoo à Ngon poursuit : «Je vous demande dès réception de la présente lettre de prendre attache avec lesdits médias aux fins de suspendre ces publicités.» Et de conclure : «Vous voudrez bien sous huitaine m’apporter la preuve des dispositions prises à cet effet ainsi que celles de leur mise en œuvre effective.»
Curieusement, la publicité de Jadida continue de défiler devant les écrans de télévisions, surtout en prime-time. Pour montrer son entêtement, la Coppeq vient de conquérir de nouveaux espaces publicitaires dans la presse écrite. Et même, la marque occupe actuellement un stand à la foire Fomaric de Douala.

Élucubrations
Le communiqué de presse rendu public par la Coppeq lundi 16 février qui, prétend apporter la preuve que l’huile de soja Jadida n’est pas un produit dangereux, ne donne aucune explication scientifique. En effet, les raffineurs d’oléagineux affirment que non seulement l’huile «Jadida» ne fait aucune mention de sa teneur en vitamine A sur son étiquette, mais aussi une analyse de sa teneur en cette vitamine montre que sa proportion est inférieure à la norme prescrite au Cameroun. Plus grave, l’utilisation conseillée aux ménagères dans une réclame suggère de l’utiliser pour les cuissons et les fritures. Ce qui est grave. Car, Jacquis Kemleu Tchabgou, secrétaire général de l’Association des raffineurs d’oléagineux «à cause de sa teneur en acide α-linoléique supérieure ou égal à 2% (non conforme à la norme), cette huile ne doit pas être utilisée pour la cuisson et la friture, car lorsqu’elle monte en température, elle devient cancérigène et met en danger la santé des consommateurs.» Au lieu d’apporter des précisions sur ces points, la Coppeq parle plutôt des pays où le même produit est vendu.
Le communiqué indique que la température maximale d’utilisation de l’huile de soja Jadida est de 180°. Comment est-ce que la ménagère de Fotokol, de Djoum, de Moundemba voire Yaoundé saura qu’elle est déjà à 180°. Peut-être que la Coppeq qui, en principe devrait faire dans les produits pétroliers, ne sait pas de quoi s’agit-il en matière d’oléagineux. Ou alors, la margarine et l’huile de soja «Jadida» ne sont qu’un dérivé des produits pétroliers. Nous y reviendrons.

Jacquis Kemleu Tchabgou : «Le tribunal est déjà saisi de l’affaire Jadida»

Le secrétaire général de l’Association des raffineurs des oléagineux du Cameroun (Asroc) rebondit, et apporte d’autres précisions pour édifier le consommateur, suite au communiqué de presse pondu par la Coppeq.
Que répondez-vous à la Coppeq Sarl, suite à son communiqué de presse qui porte à vous contredire ?
Le communiqué de presse de la société Coppeq Sarl n’apporte rien qui soit susceptible de diluer la vérité, désormais connue de tous et relative au fait que l’huile de soja de marque Jadida qu’elle commercialise est impropre à la consommation. J’aurai aimé voir, dans le communiqué auquel vous faite allusion, des résultats d’analyses autres que ceux que nous vous avons présenté pour que vous puissiez éclairer la lanterne des consommateurs en vue de préserver leur santé. Faute d’avoir pu le faire, cette huile reste dangereuse et ne doit plus être consommée.

Que vous inspire ce communiqué de presse ?
Ce communiqué ne nous apporte rien de nouveau, par rapport à ce que nous savons. Il n’est que le reflet de la gesticulation et de l’absence d’arguments d’une structure appelée à disparaitre, si elle continue sur la même lancée. Nous nous serions attendus à ce que la société Coopeq Sarl continue à nous dire que l’huile de soja qu’elle commerciale indûment est bonne pour la friture, la cuisson et l’assaisonnement comme elle l’avait signalé à grand coup de publicité. Cette société s’est spécialisée dans des déclarations sans fondement, et j’aurai souhaité que son promoteur nous dise quelle est la teneur de cette huile qui fait problème en vitamine A. L’enrichissement en cette vitamine étant le fondement de la réforme ou, mieux, de la révision en 2011 de la norme NC 77 2002-03 (norme relative aux huiles végétales portant un nom spécifique enrichies à la vitamine A, Ndlr). Le paradoxe est que le communiqué de la société Coopeq Sarl parle de tout, sauf de cet enrichissement.

Après la sortie de la Coppeq, quelle démarche comptez-vous entreprendre puisque cette entreprise se dit dans son bon droit d’importer et de commercialiser l’huile de soja Jadida au Cameroun ?
Nous avons déjà ressaisi l’autorité compétente pour la mise à la consommation des denrées de ce type, en l’occurrence le ministre du Commerce, pour qu’un terme soit définitivement mis à cette question et restons confiants sur la suite qui sera accordée à notre démarche. Les dernières informations, reçues des associations de protection des consommateurs, font état de ce que la société Coopeq Sarl devra répondre de ses actes devant le tribunal dans les prochains jours.

Quels conseils réitérez-vous à l’endroit des consommateurs?
Je suggère fortement aux consommateurs de ne plus consommer l’huile de soja de marque Jadida et même la margarine («beurre») du même nom, car nous savons désormais que ces produits sont impropres à la consommation et ne sont par conséquent pas bons pour la santé. Les consommateurs doivent rester vigilants, dire non à la publicité mensongère qui a été faite et qui continue d’être faite autour de l’huile en cause.

Pierre Amougou

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