Marches du Mrc: Le 22 septembre de tous les dangers au Cameroun

Une marche de l'opposition

Convaincu d’avoir affaire à une tentative d’insurrection destinée à renverser le président Biya, le camp présidentiel peaufine sa stratégie pour riposter sur le terrain des marches annoncées. Enquête !

Rarement les Camerounais auront connu un mois de septembre aussi chaud. À trois mois des élections régionales du 6 décembre, ils assistent, médusés ou amusés, à un affrontement à couteaux tirés entre le camp présidentiel et le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc). Au cœur de cette guerre inédite : les manifestations publiques prévues le 22 septembre prochain et organisées par le Mrc de Maurice Kamto. Dans une communication le 24 août 2020, Maurice Kamto, leader du Mrc, a lancé un « appel au départ pur et simple de monsieur Paul Biya du pouvoir en cas de réalisation » de « la forfaiture électorale en préparation ». Le candidat classé deuxième à l’issue de la présidentielle d’octobre 2018 et qui n’a, depuis lors, eu de cesse de clamer à hue et à dia qu’il est le vrai vainqueur de ce scrutin, fait allusion aux premières élections régionales dont le corps électoral a été convoqué par le président de la République pour le 6 décembre 2020.

Il appelle à une mobilisation générale contre l’organisation des élections régionales avant la résolution de la crise anglophone par la mise en place d’un cessez-le-feu et l’ouverture d’un vrai dialogue politique national inclusif et la réforme consensuelle du système électoral actuel. « J’annonce que toute convocation du corps électoral par le gouvernement illégal et illégitime de Yaoundé, avant la prise en compte et une mise en application effective des deux exigences rappelées ci-dessus, emportera automatiquement lancement d’une gigantesque campagne nationale d’appel au départ pur et simple de M. Paul Biya du pouvoir », a martelé Maurice Kamto.

Riposte

L’expression est sur toutes les lèvres : Mardi 22 septembre, c’est la journée « de tous les dangers » au Cameroun. Du côté des pro-Biya notamment les militants du parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), c’est la même ferme intention de ne rien laisser passer. Ceux-ci se dresseront devant tous ceux qui voudront « perturber les institutions de leur pays », ont-ils annoncé. « Le message fort de notre initiative, c’est de démontrer à la scène internationale que la voix du peuple n’est pas celle véhiculée par le Mrc et que le peuple est majoritairement derrière le président », explique un député du Rdpc qui a requis l’anonymat. « Les partisans du pouvoir veulent démontrer aux partisans du Mrc qu’ils sont eux aussi à mesure de se mettre en rangs serrés pour défendre le pouvoir de la même manière que le Mrc veut braver les institutions », estimes le Pr. Claude Abe, sociologue et enseignant à l’Université catholique d’Afrique centrale (Ucac).

Une situation qui pourrait embraser le pays et engendrer des violences au sein de la population. « Les membres du Rdpc veulent faire comprendre au Mrc qu’ils peuvent répondre à la sauvagerie pas la sauvagerie indépendamment des dispositions qui auraient été prises par les autorités administratives », s’inquiète le sociologue Claude Abe, qui soutient par ailleurs qu’il n’existe « aucun pouvoir au monde qui peut laisser faire une manifestation dont le but est d’aller chasser celui qui a été légalement élu ». Ce qui se prépare au Cameroun le 22 septembre inquiète des Camerounais qui dénoncent un climat délétère et reprochent les leaders du Mrc de vouloir semer le trouble au Cameroun.

« Je veux travailler et je ne veux pas qu’il y ait de perturbations. Bientôt, on va se retrouver sans travail et c’est pas M. Kamto qui va me payer mon salaire », déclare Jean-Paul, un chauffeur de 43 ans. « Le peuple a mis le président Biya (au pouvoir). Si le président accepte de quitter avant la fin de son mandat, ce sera une trahison. Le peuple a donné le pouvoir à une seule personne. C’est pas négoPaul Biya serein ? Si les leaders du Mrc appellent à sortir dans les rues le 22 septembre, ils demandent également à la population de ne pas sombrer dans la violence. « Le Mrc pourrait être dépassée par sa base », jeune, qui a des positions « jusqu’au-boutistes« , estime Germain Nnanga, analyste politique. « Nous voulons vivre pour voir notre pays se développer, mais nous sommes aussi prêts à mourir pour que cette cause puisse se réaliser », déclare un jeune sur-excité, qui promet participer à la marche de Yaoundé. C’est « le jour de tous les dangers », affirme un ancien ministre, qui ne se risque à aucun pronostic sur d’éventuelles violences. Au palais d’Etoudi, on est cependant conscient que la plupart des partis et organisations de la société civile qui soutiennent la démarche du Mrc, ne pèsent pas grand-chose. Pendant ce temps Paul Biya, 87 ans, au pouvoir depuis trente-sept ans, observe. Son entourage affirme qu’il est serein. « Le président travaille et n’est pas préoccupé par des sujets résiduels », commente un homme d’affaires proche de la présidence.

Reste que, si la situation dégénère, « il peut être contraint à la démission comme cela s’est passé ailleurs », estime un diplomate en poste à Yaoundé. De son côté, le président Biya est serein et transpire l’autosatisfaction, renseigne un membre de sa garde. «C’est lui qui a convoqué le grand dialogue national qui s’est tenu à Yaoundé du 30 septembre au 4 octobre dernier. C’est encore lui qui a ordonné l’arrêt des poursuites contre 333 personnes arrêtées dans le cadre des violences dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Enfin, c’est toujours lui qui a décidé de l’arrêt des poursuites judiciaires contre les responsables du Mrc arrêtés dans le cadre de la contestation de la dernière élection présidentielle», lance, tout souriant, notre source. Des arguments qui méritent la caresse de Macron, croit-on au palais de l’Unité.

Ahmed MBALA

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