Livre et polémique : Charles Tchoungang fait le procès de Cabral Libii

Le fédéralisme communautaire

Le célèbre avocat au Barreau estime que l’ouvrage intitulé « le fédéralisme communautaire » écrit par le député du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn) et annoncé au Cameroun dans les prochains jours, est une sérieuse menace pour le vivre-ensemble.

C’est peut-être les signes avant-coureurs que cet opuscule sera un best seller. Ne sait-on jamais ! Les expériences vécues au-delà de nos frontières nous poussent à le croire en tout cas. A en juger par la levée de boucliers et les volées de bois vert qui s’enchaînent dans le microcosme politique, on n’est pas loin des records de vente. Mais en attendant la cagnotte, l’heure est à la polémique. Depuis l’annonce de sa parution prévue pour le 11 novembre prochain, plusieurs personnalités et autres leaders d’opinion dissertent sur l’approche de son auteur et même sur le choix de ce titre pour le moins incitatif. Entre ceux qui estiment que « le fédéralisme communautaire » sera un nouvel outil « tribaliste » qui ne fera que détruire ce qui reste des valeurs de paix et d’unité chères au Cameroun et ceux qui soutiennent que cette contribution littéraire de Cabral Libii est conforme à la diversité socioculturelle du Cameroun et surtout rime avec l’actualité brulante marquée par l’interminable conflit meurtrier du Noso, le débat autour de cet ouvrage n’a pas fini de faire les gorges chaudes.
Parmi ceux qui dégainent le revolver des critiques, Me Charles Tchoungang.

L’ex Bâtonnier n’a pas attendu de feuilleter les pages de ce livre pour se faire sa religion. Il appelle purement et simplement à son interdiction sur l’étendue du pays. «…la publication d’un ouvrage, qui s’appellerait « le fédéralisme communautaire ». Inacceptable! Dans un Etat de droit c’est inacceptable qu’un parti politique puisse proposer à̀ notre pays d’adopter une structure complétement absurde qui s’appelle « le fédéralisme communautaire ». D’un concept contradictoire qui exclut la réalité ́ et qui en fait attise les haines, les passions et le tribalisme. Parce que c’est de ça qu’il s’agit. Si l’Etat du Cameroun autorise une telle publication, cela veut dire qu’en réalité ́ , chacun peut rester dans son coin et théoriser la guerre et le dire. Fédéralisme communautaire suppose quoi? », s’est-il interrogé lors de la session d’évaluation du bilinguisme dans les entreprises privées de Douala par la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme
(Cnpbm).

Pensée totalitaire

S’adressant à Peter Mafany Musonge, le président de ladite Commission et ex Premier ministre, le sémillant avocat démontre à quel point ce livre vise à diviser la nation et dénaturer le vivre-ensemble présenté comme le socle granitique des communautés au sein de la République. « Je pense que l’Etat doit reprendre sa place sur cette question, parce que c’est une question fondamentale. Et je pense que c’est dans vos missions puisque vous prônez le multiculturalisme. L’Etat que le multiculturalisme promeut c’est celui-là ̀ qui fait en sorte que nos richesses culturelles rassemblent. C’est la force et la puissance de notre pays. Mais ça ne peut pas être le socle de la division et de la haine. J’attends d’entendre ce que l’Etat du Cameroun, mon pays, va dire sur cette théorie. C’est comme ça que « Mein Kampf » a commencé́ . C’est comme ça quand Hitler dit à̀ son peuple « je vous promets mille ans de bonheur », argue-t-il. Charles Tchoungang croit dur comme fer que cet ouvrage n’est ni plus ni moins que l’expression d’une pensée totalitaire et donc inacceptable dans notre pays.

C’est pourquoi, conclut-il, « je vous suggère monsieur le Premier ministre, de proposer au chef de l’Etat d’interdire cet ouvrage. Il faut beaucoup de courage. On ne peut pas être dans un pays ou ̀ l’Etat disparait derrière les peurs. Nous n’avons peur de personne. L’Etat n’a pas à ̀ avoir peur, de personne! Quand l’ouvrage apour but de diviser la Nation, la Nation a le devoir de s’opposer à la production d’un tel ouvrage. Je crois que ce serait un signe fort de puissance. La liberté ́ d’association ne peut pas tout autoriser. Lorsqu’on est à ̀ court de pensées, on se cache. Lorsqu’on est à ̀ court de leadership, on se terre. Cette pollution qu’on veut installer dans notre pays nous fera soupirer. Je crois que votre Commission en proposant l’interdiction d’un tel ouvrage fera (n’est-ce pas) le lit de la République ».

Saupoudrage

Cloué au pilori et jeté ainsi à la vindicte, Cabral Libii avait pourtant tenté d’éclairer la lanterne de ceux qui lui faisaient le procès d’avoir contribué à la promotion du repli identitaire. Dans une tribune publiée sur sa page Facebook le 02 septembre dernier, le juriste expliquait que « le fédéralisme communautaire » n’est pas un repli identitaire, mais plutôt « un regroupement des communautés et de leurs identités ». « En français facile, se fédérer c’est se regrouper, se rassembler.

En revanche, se replier, c’est se couper. Ce sont donc des contraires. Alors, si le fédéralisme communautaire veut fédérer les communautés et leurs identités, comment y voit-on un repli identitaire? », développait le leader du Pcrn. Avant d’ajouter que « ceux qui s’opposent au fédéralisme communautaire en l’assimilant au repli identitaire sont de deux catégories: Ceux qui méritent une écoute parce qu’ils sont de bonne foi, et ceux qui n’ont droit qu’à la raillerie parce qu’ils sont de mauvaise foi et ne visent qu’à abrutir les autres à des fins ridiculement politiciennes ».

Pour l’honorable député, les camerounais se sont toujours regardés en chiens de faïence, figés sur les clichés, les stéréotypes, les idées reçues de l’autre. « Cette gouvernance des raccourcis et du saupoudrage qui fait semblant de construire une république imaginaire qui n’a pas de racines: Le Cameroun avant les camerounais. Non! Il y a les camerounais avant le Cameroun. Voilà ce qui a créé la crise anglophone et alimente le tribalisme qui lui, est donc un repli identitaire d’abord sécuritaire, puis finalement agressif », proposait celui qui présente le fédéralisme communautaire comme philosophie-socle de formation de l’Etat. Le débat est ouvert. Chaud devant !

Christian TCHAPMI

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