Le rapport d’audit d’Ernst et Young étrille la gestion d’Ecobank des années Ekpe

L’agence Ecofin a pu prendre connaissance du fameux rapport d’audit d’Ernst & Young qui analyse la période de gestion du groupe Ecobank de 2005 à 2013. Rapport dont Thierry Tanoh, CEO récemment remercié, disait qu’à sa lecture « on verra qui doit partir et qui doit rester » chez Ecobank.[pagebreak]Ce rapport en main, nous avons contacté la banque et lui avons posé un certain nombre de questions dont les réponses ne nous sont pas parvenues à ce jour. Mais nous ne manquerons pas de tenir nos lecteurs informés dès réception.
Ce qui apparaît le plus surprenant à la première lecture de cet audit, c’est le nombre et l’ampleur des opérations qui ont été menées pendant plusieurs années sans l’aval du Conseil d’administration, et sans même l’en informer. Ce Conseil étant alors composé d’administrateurs exécutifs et d’administrateurs non-exécutifs, il apparaît que les uns ont longtemps caché (ou bien ont négligé de communiquer) aux autres bon nombre d’opérations d’envergure. On comprend mieux, face à cette situation délicate, que le Dr Babatunde Ajibade en ait conclu qu’il lui fallait démissionner du Conseil sans délai. Car cet audit porte sur la période de gestion d’Arnold Ekpe un éclairage aux antipodes de la réputation de gestionnaire hors-pair qu’il a laissée en quittant le groupe, pour monter ensuite un fonds d’investissement avec Bob Diamond, l’homme dont Barclay s’est récemment séparé suite à des manipulations du Libor.

Ernst & Young constate de manière factuelle un nombre conséquent d’irrégularités, sans préciser s’il s’agit de fautes de gestion ou bien de malversations :
factures de consulting qui correspondent à un travail dont les auditeurs n’ont pas pu trouver trace, ou bien à un travail qui avait déjà été réalisé en interne (sic)
procédure irrégulière et douteuse dans l’achat d’un immeuble
sommes décaissées et re-créditées sans justifications, pas plus à l’aller qu’au retour
transactions, contrats et engagements divers signés par des personnes non-autorisées…

Autant de portes ouvertes à toutes les interprétations, à toutes les suspicions.
Les nouveaux dirigeants vont-ils enquêter pour qualifier ces actes et, le cas échéant, poursuivre ceux qui en auraient tiré profit ? Ou bien vont-ils simplement tourner la page et se plier à l’avenir à des règles de gouvernance plus strictes ? Ce sont des questions que nous avons posées au nouveau board de la banque et dont les réponses intéresseront probablement les petits actionnaires qui attendent toujours les dividendes de leurs investissements.

Parmi les autres points soulevés par cet audit, certains cadres de direction auraient largement outrepassé le quota d’options auxquels ils avaient droit à titre personnel. Nous avons, par conséquent, demandé aux dirigeants d’ETI si cette situation a, depuis, été régularisée.
Enfin, dans son rapport, l’auditeur émet une réserve préalable du fait qu’il n’a pas pu obtenir d’Ecobank Nigeria tous les documents nécessaires. Ecobank Nigeria, par sa taille et par son potentiel de développement, semble ainsi devenu « un Etat dans l’Etat », au point de s’affranchir des exigences d’un audit de la maison mère…
Ecobank est une magnifique réussite. Plus qu’une banque, c’est une vraie vision politique et culturelle à laquelle nous adhérons. Ce groupe porte en lui un véritable espoir pour le continent africain. Aussi, il paraît impensable que ce rapport d’audit de 150 pages très détaillées ne puisse trouver, pour toute réponse, qu’une panoplie de bonnes résolutions.

Il paraît improbable que la « banque panafricaine » puisse retrouver une sérénité durable sans apporter des réponses satisfaisantes aux questions fondamentales qui se posent et qui, si aucun compte n’est rendu, ne cesseront de ressurgir, quoi qu’on fasse, quoi qu’on taise ici et là.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *