La tradition festive du 1er-Mai au Cameroun suscite de vives inquiétudes parmi les défenseurs des droits des travailleurs. Alors que dans la majorité des pays du monde, cette journée internationale est consacrée aux revendications pour l’amélioration des conditions professionnelles, le Cameroun transforme paradoxalement la Fête du travail en célébrations festives où débits de boissons et réjouissances prennent le pas sur les combats syndicaux. Ce décalage révèle une fracture profonde entre la réalité sociale et la perception de cette journée symbolique.
Célébration 1er-Mai : festivités qui éclipsent les vrais enjeux sociaux
Le contraste est saisissant entre la vocation et la pratique.
« C’est la fête du travail, pour nous, c’est une façon de se réunir, de fêter ensemble avec les employés et gratifier les meilleurs employés, et inviter certains clients pour partager un bout ensemble », témoigne Coty, chef d’entreprise dans le secteur de la chaussure à Yaoundé.
Cette vision festive est largement partagée par les employés eux-mêmes. Samuel, mécanicien dans un garage de la capitale, prévoit comme chaque année de faire le tour des débits de boissons : « Tout au long de la journée, je vais chercher mes amis qui ont des entreprises, on va fêter et célébrer l’entreprise et au soir, c’est la fête. »
Le traditionnel défilé au boulevard du 20 mai à Yaoundé reste l’un des rares moments où les syndicats peuvent exprimer formellement leurs doléances, mais son impact réel demeure limité face à l’ambiance générale de festivités.
Jean-Marc Bikoko, président de la centrale du secteur public, ne cache pas sa frustration face à cette situation. Il déplore que cette journée internationale dédiée aux luttes ouvrières se soit transformée en simple fête, éloignée des préoccupations fondamentales des salariés camerounais.
Cette dérive festive masque les problématiques profondes qui affectent le monde du travail au Cameroun : salaires insuffisants, conditions précaires, non-respect des conventions collectives et faible protection sociale. Le syndicaliste pointe également du doigt l’inaction tant du patronat que de l’État camerounais pour mettre en œuvre des dispositions améliorant véritablement la condition des travailleurs.
Dans les autres secteurs d’activité, les centrales syndicales tentent néanmoins de profiter de cette journée pour rappeler leurs revendications fondamentales, mais leur voix peine à se faire entendre au milieu des célébrations.
Cette situation particulière illustre un paradoxe camerounais : alors que le pays fait face à d’importants défis sociaux et économiques touchant directement le monde du travail, la journée symbolique qui devrait porter ces combats se trouve détournée de sa vocation première.
Le 1er-Mai camerounais devient ainsi le reflet d’une culture où la recherche du consensus et la célébration prennent souvent le pas sur la confrontation sociale, même quand celle-ci serait nécessaire pour faire avancer les droits des travailleurs.
Pensez-vous que les syndicats devraient adopter des stratégies plus fermes pour remettre les revendications sociales au cœur de la Fête du travail au Cameroun ?