Crise anglophone au Cameroun – Marafa Hamidou Yaya: « Les anglophones n’ont aucun recours »

Dans une tribune consacrée à la crise anglophone publiée le 13 décembre 2016, l’ex.Sgprc fait une série de constats.

« Lorsque, par le référendum du 20 mai 1972, le peuple camerounais a choisi de mettre fin au fédéralisme pour donner naissance à une ‘République Unie du Cameroun’’, l’ambition de tous, anglophones et francophones réunis, était de préparer l’avènement d’un Cameroun nouveau, biculturel, héritier à part égale des ‘’leçons’’ retenues des deux régences et susceptible de tirer le meilleur de ces deux héritages.

Les évènements actuels prouvent suffisamment que ce projet a échoué. Deux identités camerounaises distinctes coexistent aujourd’hui, et les anglophones éprouvent à raison le sentiment d’être marginalisés, d’être des citoyens d’un rang inférieur à celui des francophones. Le bilinguisme inscrit dans notre Constitution était appliqué de façon profondément inégalitaire dans l’administration, la justice et l’enseignement, ils ne jouissent pas de l’égalité des chances qui devrait être accordée à tous les citoyens d’un Etat moderne et démocratique.

Cette inégalité frappe également leurs conditions de vie : ils souffrent plus encore que leurs compatriotes francophones, du chômage et du déficit en infrastructures. Et les anglophones n’ont aucun recours, aucun relais pour dénoncer ces discriminations, puisque, enfin, leur communauté est largement tenue à l’écart des postes clés de l’Etat et de l’administration, y compris au sein de leurs propres provinces ».

Il propose que « les représentants des deux communautés devraient s’asseoir autour d’une table et rédiger un nouveau code du VIVRE ENSEMBLE sur la base de l’expérience passée et des lois de décentralisation de 2004, qui sont malheureusement restées pour l’essentiel lettre morte à ce jour. Cette coopération renforcée sera propice au développement des infrastructures du Cameroun anglophone, et pourrait par exemple aboutir à la construction d’un nouvel aéroport international ou à la construction d’une université jumelée avec une institution prestigieuse internationale offrant des formations spécifiques et de pointes (pilote, high tech…) et inexistante dans la zone francophone.

Je propose aujourd’hui qu’un Conseil National de la Réunification soit créé au plus haut niveau de l’Etat. Il se réunira tous les 6 mois pour évaluer la mise en œuvre de ce code dont la finalité sera l’avènement du Camerounais nouveau, riche de sa culture double. Pour marquer symboliquement mais puissamment la rupture avec la politique centralisatrice que mène le gouvernement depuis plus de trente ans, je propose également que notre pays retrouve son appellation de ‘’République Unie du Cameroun’’ ainsi que le drapeau arborant deux étoiles jaunes sur la bande verte, au lieu d’une étoile jaune sur la bande rouge comme c’est actuellement le cas’’.

A la suite de ces propositions, le Président Biya déclarera dans son discours de la fin d’année 2016 : « les voix qui se sont exprimées ont été toutes entendues. Elles ont dans bien des cas, soulevé des questions de fonds que l’on ne saurait négliger… Nous sommes disposés, à la suite et dans l’esprit des artisans de la Réunification, à créer une structure nationale dont la mission sera de nous proposer des solutions pour maintenir la paix, consolider l’unité de notre pays et renforcer notre volonté et notre Pratique quotidienne du VIVRE ENSEMBLE. …’’

Mais, au lieu d’adresser l’ensemble des ‘’questions de fond’’ soulevées, comme lui-même l’a relevé, le président Biya s’est contenté de créer, par décret du 23 janvier 2017, une ‘’commission Nationale pour la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme’’, un organe essentiellement administratif qui, de l’avis de l’ensemble des observateurs de la scène politique camerounaise, n’est pas à la hauteur des enjeux.

Dans une interview accordée au journal en ligne ‘Slate Afrique’ le 12 janvier 2013, à la question ‘’Vos propos semblent dégager le Président Biya de toute responsabilité dans la gestion des affaires du pays, et dans la vôtre en particulier’’ Marafa Hamidou Yaya répond :

« Non pas du tout, je ne l’exonère pas. Seulement, alors que tout le monde s’accorde pour connaitre en lui un habile politicien, il pose désormais des actes qui ne lui ressemblent guère, et qui créent dans notre pays une situation de tension sans précédent depuis 1984. Il ne me semble donc pas avoir les mains libres. Ce qui est déjà une faute extrêmement grave, il est vrai ».

Il ajoute : « A chaque fois, au cours de ces 30 ans, que Paul Biya a eu à choisir entre la modernisation politique et économique de notre pays avec les risques de perturbations inhérents à cette démarche, et l’immobilisme garant, selon lui, de la paix civile, il a choisi l’immobilisme. C’est ce qui fait que nous avons aujourd’hui un pays au bord des conflits sociaux et politiques sans précédents ».

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