CEDEAO : Le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger présage la fin de l’organisation

CEDEAO

La Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) vit ses heures les plus sombres. Le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger, officialisé le dimanche 15 janvier, fragilise grandement l’organisation ouest-africaine et pourrait précipiter sa fin. Explications.

Trois piliers quittent le navire CEDEAO

C’est un véritable séisme qui ébranle les fondations mêmes de la CEDEAO. Trois de ses membres fondateurs et piliers historiques – le Mali, le Burkina Faso et le Niger – ont claqué la porte de l’organisation sous-régionale. Une décision radicale, annoncée à la surprise générale par les autorités de transition militaire de ces pays.

Ces trois Etats figurent parmi les 16 membres originels de la CEDEAO lors de sa création en 1975. Leur poids économique, démographique et géopolitique au sein de l’espace ouest-africain est indéniable. A eux trois, le Mali, le Burkina et le Niger rassemblent près de 80 millions d’habitants. Autrement dit, plus du tiers de la population totale des pays de la CEDEAO désormais amputée de ces trois géants.

Un véritable coup de massue porté à l’organisation régionale qui se retrouve privée de trois de ses membres historiques et moteurs en termes d’intégration et de développement régional. Difficile dans ces conditions d’envisager un avenir serein pour une CEDEAO ainsi diminuée.

Les conséquences économiques et sécuritaires d’une CEDEAO affaiblie

Outre son impact politique et symbolique dévastateur, le départ coordonné du Mali, du Burkina Faso et du Niger risque également de précipiter le déclin économique de la zone CEDEAO. Ces trois pays constituent des marchés cruciaux pour les exportations des autres états membres. Leur isolement risque de coûter cher à des géants régionaux comme le Ghana, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire.

L’absence de ces maillons centraux de la chaîne régionale compromet également de nombreux projets structurants portés par la CEDEAO, comme l’autoroute côtière Dakar-Lagos ou le gazoduc Nigeria-Maroc. Autant d’initiatives d’intégration régionale qui pourraient être enterrées, faute d’une volonté politique commune.

Sur le plan sécuritaire également, le retrait du Mali, du Burkina et du Niger prive la CEDEAO de trois acteurs centraux dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel et le bassin du Lac Tchad. L’organisation sous-régionale se voit ainsi privée de précieux relais et soutiens logistiques, au moment même où la menace jihadiste s’étend inexorablement vers les pays du Golfe de Guinée. De quoi plonger toute la région dans une situation de chaos.

Bref, le désossage de la CEDEAO de trois de ses piliers historiques hypothèque lourdement l’avenir de la communauté ouest-africaine sur les plans économique, politique et sécuritaire.

Vers une réaction en chaîne et une implosion totale ?

Ce retrait concerté du Mali, du Burkina Faso et du Niger sonne clairement le glas de l’organisation ouest-africaine dans sa forme actuelle. Déjà affaiblie par la persistance des coups d’Etat militaire au Mali ou en Guinée, la CEDEAO voit avec ce “Cexit” son autorité bafouée et son pré carré géopolitique exploser en vol.

Difficile dans ces conditions d’imaginer une CEDEAO réduite à une peau de chagrin continuer d’exister tel quel. Surtout face aux velléités d’émancipation grandissantes dans une région traversée de multiples tensions. D’autant que le départ des trois récalcitrants pourrait ouvrir la boîte de Pandore et entraîner une réaction en chaîne.

D’autres pays comme la Guinée, actuellement suspendue des instances de la CEDEAO, pourraient être tentés de suivre le même chemin vers la sortie. Idem pour des membres comme le Togo ou le Gabon, de plus en plus frustrés par les injonctions politiques de l’organisation sous-régionale jugée trop intrusive. Sans compter la tentation pour certains mastodontes comme le Nigéria de faire bande à part et de créer leur propre zone d’influence.

C’est donc bel et bien l’explosion en vol de la CEDEAO qui se profile à moyen terme, dans l’incapacité de retenir ses membres les plus rétifs et les plus contestataires de son autorité. Au grand dam des pays fondateurs comme le Sénégal, impuissants face à cet émiettement.

Bref, le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger sonne le glas d’une organisation désormais moribonde et condamnée à court terme. La perte de ces maillons essentiels précipite la CEDEAO dans une crise existentielle dont elle ne se relèvera pas. Adieu l’ambition d’une Afrique de l’Ouest politiquement et économiquement intégrée. Place au chacun pour soi et à des ensembles sous-régionaux éclatés en multiples entités rivales. Voilà le triste horizon qui se profile en l’absence d’un sursaut décisif et rapide des dirigeants ouest-africains.

Par Hamadou Diallo, journaliste

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