Cameroun : Un prêtre riche s’indigne des conditions misérables du personnel de maison dans les familles africaines

Jean Armel Bissi

Je suis prêtre en Afrique ( Cameroun) et je suis souvent invité dans les familles. Pour le moment, je préfère ne parler que des familles aisées puisque les pauvres ne se font que très peu un personnel de maison .

On voudra savoir combien de pays j’ai déjà visités pour me faire une idée de ce que j’affirme. Mais, je répondrai que j’ai déjà surtout eu à entrer dans des maisons abritant des personnes venant de divers pays . Parfois aux côtés des diplomates pour une bénédiction. Parfois chez des hommes d’affaires venant de plusieurs pays. Très souvent, cependant, je suis comme tout apôtre de l’Évangile aux côtés de mes compatriotes aisés.

On n’a jamais compris pourquoi je suis courtois avec le personnel domestique quand j’entre dans une famille. En effet, je me fais une idée sincère du croyant qui est devant moi à partir des conditions de travail qu’il alloue à son personnel domestique. Remettre une grosse enveloppe au prêtre que je suis n’est pas de la charité si votre ménagère ne vit que des miettes qu’elle perçoit à des moments irréguliers. Parfois, je reçois une enveloppe et je me retire dans un coin de la maison qui m’accueille pour glisser discrètement une petite aide à la ménagère.

Je me souviens d’un jour où j’ai carrément remis toute la quête que j’avais eue lors d’ une cérémonie pompeuse à une ménagère dont l’enfant était dans un état critique. Mais, elle ne pouvait pas le dire à ses patrons pour demander un peu d’aide ou encore une demi journée de permission. Dieu merci, je me suis rendu au chevet de cet enfant par la suite. L’ opération dont parlait sa maman avait réussi. Aujourd’hui, il va bien.

En fait, je suis un peu très sensible à la question des ménagères. En effet, elles sont généralement des femmes. Or, la femme est la mère de la vie. Chaque ménagère a au moins un enfant dont elle est génitrice ou tutrice. En a-t-on conscience du haut du confort à partir duquel on les utilise ?

Parfois, le parking automobile d’une famille s’élève à plus de 100 millions de francs CFA et est renouvelé continuellement. Mais, le salaire de la ménagère n’oscille même pas dans les encablures de l’humainement acceptable. En une année, son salaire au terme de douze mois est inférieur à la ration alimentaire que ses patrons donnent à la garde canine ( la cohorte de chiens qui protègent le palais dans lequel travaille ladite ménagère).

Assez souvent, un domaine familial est à plus de 150 millions de francs CFA d’investissement. Monsieur achète ses chaussures à Londres. Madame est abonnée chez les grands couturiers de cette terre. Leur confort rend compte de leurs facilités financières. Mais, les miettes qu’on donne à une ménagère qu’on refuse d’ailleurs d’affilier à la prévoyance sociale viennent sporadiquement et jonchée d’insultes. On leur donne leurs salaires en les insultant comme si elles ne le méritaient pas. Pourtant, du point de vue de l’humanisme chrétien, elles rendent un service humble et efficace à des gens qui leur sont semblables en humanité.

La ménagère est menacée de renvoi à tout moment. Lorsque madame est absente, c’est pourtant elle qui tient la maison et tous ceux qui y vivent. Elle ne doit pas rentrer chez elle avant le retour de sa maîtresse. Lorsque cette dernière revient à 22h00 dans la nuit, la ménagère s’occupe encore d’elle et sort du palais royal à minuit sans qu’on ne lui ait payé ses heures supplémentaires. Il ne vient même pas à l’esprit de ses bourreaux de lui payer le taxi encore moins de demander au gardien de veiller sur elle jusqu’à l’endroit où elle trouvera un véhicule. À la fin du mois , une telle ménagère aussi n’a rien. Juste des petites miettes qui ne valent pas ce que madame dépense en une seule demi journée pour ses distractions personnelles. Quel cœur !!!

La ménagère, même soumise, ne mérite jamais le respect de ses patrons. Elle travaille sans aucun contrat écrit. Elle est en dessous du salaire minimum. Elle n’a pas droit à un congé ou à un jour de repos de peur qu’on ne mette une autre à sa place surtout en ces années de chômage éhonté et surtout sévère. Quand elle tombe malade et qu’elle n’a rien, c’est sur les miettes qu’on lui donne à la fin du mois que ses patrons prélèvent le financement de ses soins.

Quand il arrive à une ménagère d’avoir son parent malade, elle est obligée de faire comme une souris en soutirant un peu de ce qui ne lui appartient pas. Malheureusement, ses méchants patrons s’en révoltent et l’appellent voleuse. Pourtant, c’est eux qui abusent d’elle.

Les enfants de la ménagère sont parfois interdits de séjour chez ses patrons. Elles sont peu nombreuses celles dont les noms des enfants sont connus de leurs patrons et reçoivent souvent d’eux des petites aides. Certains patrons qui admettent chez eux les petits enfants de la ménagère intiment l’ordre à ces anges de ne jamais jouer avec les enfants de leur palais. Comme dans une niche, la ménagère va donc enfermer son enfant dans une des dépendances arrière de ce grand domicile. Que l’enfant pleure ou crie, cela n’affecte pas l’autre femme qui est aussi mère et qui emploie sa sœur comme ménagère. Malgré cela, c’est pour des salaires maudits qu’on fait de tels sacrifices.

La ménagère qui a fait grandir les enfants de toute une famille durant des décennies est parfois interdite d’accès vers ceux-ci lorsqu’ils sont devenus grands ou reviennent d’Occident. Leur maman refuse que les enfants lui disent merci et lui témoignent leur gratitude. Les enfants sont parfois obligés de leur faire des petits présents en cachette. Les enfants qui ont d’ailleurs conscience du mauvais traitement que leurs parents imposent à la ménagère entrent parfois dans le grenier familial et ramènent à la ménagère une petite bouffée d’oxygène sans que ces personnes comblées ne se doutent de rien. Tellement leurs avoirs sont pleins.

Bien-aimés de Dieu, qui a interdit qu’une ménagère qui travaille dans une famille nantie reçoive de ses patrons le minimum qu’il faut pour acheter une petite parcelle de terrain et faire tout au moins un hangar ? À quoi dépensez vous tout cet argent que vous accumulez chez vous ? Avez-vous encore conscience de ce qu’étaient vos parents à vous et arrières grands parents avant que le cour de l’histoire ne vous profite aujourd’hui ? Nos aïeux ont fait de l’esclavage en Amérique. Avez-vous aussi à devenir des négriers devant la misère de vos propres frères et sœurs ?

Quand vous entendez que vos compatriotes et d’autres jeunes des autres pays africains mangent des excréments d’hommes à Dubaï pour avoir un peu d’argent ou encore se prostituent, cela vous fait souvent comment dans le cœur puisque c’est vous qui refusez de les employer ici dans des conditions dignes et respectables malgré vos grandes richesses ?

Nous sommes tous des enfants de Dieu. Chaque ménagère a besoin de tendresse et de respect. Donnez à celles qui le méritent leurs salaires. Accordez leur des conditions de vie dignes. Mettez vous à leur place. Rien n’exclut que le tort infligé volontairement à une pauvre dame de ménage ne cause malheur à vous-mêmes ou à votre propre progéniture demain. Ne fait-il pas subir à leur descendance le poids des fautes venant des ancêtres et parents ? Dieu est le même et il est juste pour tout le monde.

Abbé Jean Armel Bissi, prêtre, enseignant de philosophie, diplômé de l’Ecole Normale Supérieure de Yaoundé ( Cameroun), licencié en droit privé et en droit public, Master en philosophie.

Prêtre philosophe Jean Armel Bissi

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