Cameroun – Remaniement ministériel: Manu Dibango et Aminatou Ahidjo au gouvernement ?

Des indiscrétions annoncent également plusieurs noms, notamment celui d’Amadou Ali, dont un éventuel retour à la Défense fait déjà jaser.
Il n’a loupé aucun voyage présidentiel ces derniers temps.[pagebreak] Samedi 17 mai, Amadou Ali, faisait encore partie de la suite officielle qui accompagnait le chef de l’Etat à Paris au mini-sommet consacré à la sécurité au Nigeria. Quelques semaines plus tôt, le vice-Premier ministre, ministre en charge des Relations avec les Assemblées était aux côtés du président camerounais, au Vatican. Si les deux déplacements n’étaient pas de même nature, pour de nombreux observateurs qui ne sont pas avares de confidences, la présence de l’ancien ministre de la Justice dans la capitale française serait tout sauf un simple fait du hasard. Surtout que, pour eux, malgré l’électrochoc qu’a suscité cette présence inattendue au sein de la délégation camerounaise, le déplacement tombait au pire moment. D’ailleurs devant la face du monde, Paul Biya qui doit gagner le respect d’une communauté qui l’attend au tournant, sera obligé de déclarer la guerre face à la secte islamique Boko Haram sévissant depuis des mois déjà dans la zone de l’Extrême Nord, à la lisière de la frontière nigériane, non loin de Kolofata, village d’Amadou Ali. De ce côté-là justement, Amadou Ali s’est bâti une forte réputation… non sans lien avec les «Djihadistes», dit-on.

A l’époque, plusieurs accusations relayées par le journal L’œil du Sahel l’ont visé comme étant celui qui a hébergé, pendant quatre jours dans sa résidence de Kolofata, le négociateur de Boko Haram pour la libération de la famille Moulin-Fournier en avril 2013. Des mauvaises langues prétendent que jusqu’aujourd’hui, Amadou Ali conserverait quelques attaches avec des personnes proches de la secte islamique nigériane. Bien qu’acculé par les médias, il préfère se taire. Et même, à l’exception de très rares interventions, il est resté effacé de la vie politique. Pourtant, il n’en demeure pas moins que ce kanuri a des attaches du côté du Nigeria où son père a été inhumé.

De même, hasard ou pas, l’on se souvient qu’il a quand même été ministre de la Défense de 1997 à 2001. Et lorsqu’on sait que dans les faits, ce département ministériel a une large marge de manœuvre, sa mise au placard n’a pas été de tous les goûts, même si sans lui faire injure, les hommes de troupes soutenaient qu’il ne connaissait pas grand-chose aux affaires de sécurité. « A son discrédit, l’ancien, Amadou Ali a laissé un sentiment d’inachevé dans les rangs des hommes de troupes. A contrario, Edgard Alain Mebe Ngo’o peut se targuer d’avoir inculqué le goût du travail bien fait à ses troupes. Il a utilisé un discours persuasif pour les amener à rompre avec les pratiques du passé. Bardé de ses multiples postes occupés au sein du sérail, il a toujours incité au patriotisme et à la conscience militaire appelant au sens du sacrifice», confie un capitaine de l’armée.

Revendications.
En réalité, Amadou Ali a été rattrapé non pas à cause d’une claque électorale, mais pour s’être empêtré dans de multiples scandales tout le long de son magistère, notamment dans l’affaire de la poudrière du Quartier général qui reste toujours au travers de la gorge. Tout comme le dossier Bakassi. « Il aura survécu à toutes les bourrasques. Véritable carnassier des steppes qui dévorent ses rivaux politiques avec une agilité rare, Amadou Ali est resté dans les antichambres du pouvoir. Même l’affaire Dooh Collins n’a pas réussi à le mettre sur la touche. Malgré un parcours semé d’embuches, il trouve toujours l’occasion de manœuvrer pour se repositionner», commente un acteur politique.

Non content d’avoir ainsi été livré par les Américains, le clan Amadou Ali, trouve aujourd’hui une excellence raison pour parachuter dès qu’il « maîtrise » son sujet. Il épluche, il traque, il piste et dépiste tout. Et c’est précisément au moment où Boko Haram kidnappe les ressortissants étrangers qu’il profite pour réveiller une vieille affaire ! Cette dernière, relatée par le journal L’œil du sahel décriant l’absence des élites du septentrion au sein des postes de sécurité : le secrétariat général de la présidence de la République, la Police, la Gendarmerie, la Direction générale de la recherche extérieure, le Conseil national de sécurité, etc. « Après l’extrême frilosité qui s’est emparée du président de l’Assemblée nationale Cavaye Yeguié Djibril qui, a voulu transmuter de l’hémicycle au sénat, le Grand Nord ronge chaque jour les freins de l’impatience d’occuper les avant-postes au niveau des services de sécurité ».

Le bal des entrants.
Signe des temps ? Mardi 20 mai dernier, c’est un tout autre Manu Dibango que les Camerounais ont découvert, à l’occasion de la commémoration de la 42e fête nationale. D’abord au Boulevard du 20 mai où il assistait à la grande et non moins séduisante parade militaire et civile, ensuite au Palais de l’Unité où il prenait part au dîner offert par le couple présidentiel. L’auteur compositeur de Soul Makossa s’est présenté aux yeux de ses compatriotes, tel qu’on l’a rarement vu, habillé en costume-cravate. Cette solennité dans la tenue vestimentaire de l’homme au saxophone n’est pas passée inaperçue. Pour bien d’analystes, ce conformisme aux usages protocolaires n’est pas gratuit. « Il augure un avenir ministériel » pouvait-on entendre ici et là. Cette thèse va prospérer lorsqu’au cours de la soirée offerte par Paul et Chantal Biya, l’artiste musicien accordera une interview à la télévision nationale. Sans ambages, Manu Dibango exhortera les Camerounais à s’aligner derrière le chef de l’Etat dans sa lutte contre le Boko Haram. Pour lui, depuis 40 ans, il n’a jamais entendu le chef de l’Etat parler de guerre car, c’est un homme de paix. « Donc, affirme-t-il, si l’homme du 6 Novembre a choisi de prendre les armes pour faire la guerre, c’est qu’il a de bonnes raisons ». Un discours politiquement correct qui a surpris plus d’un, lorsque l’on connait la verve vindicative de l’homme au crane tondu, contre les méthodes de gestion en Afrique.

Les bleus.
En effet, selon des indiscrétions qui s’échappent du Palais de l’unité, Manu Dibango aurait été approché pour faire partie du prochain gouvernement. Il lui aurait été proposé de prendre le portefeuille de la Culture et des Arts, au regard des turbulences que traversent ce département ministériel davantage sous Ama Tutu Muna. Avec en toile de fond, les problèmes de droits d’auteurs et les procès devant les tribunaux. Et, vraisemblablement, l’homme aurait marqué son accord et serait sur les starting-blocks pour l’équipe gouvernementale en gestation depuis la double élection du 30 septembre 2013. Cette entrée d’un artiste au gouvernement ne sera pas une exclusivité camerounaise. L’on a vu par le passé, de grands hommes de culture promus au poste de ministre dans leur pays, tel Youssou N’dour au Sénégal ou Jack Lang en France.

Parmi les autres arrivées annoncées au gouvernement, celle d’Aminatou Ahidjo se veut de plus en plus insistante. La cadette du regretté président Ahidjo, qui réside depuis près d’un an dans un hôtel situé au centre-ville de la capitale, s’apprête à faire son entrée au ministère des Affaires sociales. La transfuge de Dakar qui a fait preuve d’une capacité de mobilisation impressionnante lors de la dernière campagne électorale, remplace ainsi numériquement sa congénère Youssouf Adjidja Alim, que l’on accuse de tiédeur et de faiblesse sur le champ politique. Dans le même wagon des entrants, l’on cite volontiers Daniel Ngoa Nguélé, l’actuel directeur de l’Institut national de la jeunesse et des Sports (Injs), dont l’activisme cache mal ses ambitions et ses attentes. Le directeur du Fonds national de l’emploi, Camille Mouté à Bidias est également logé dans l’antichambre de l’appareil gouvernemental. L’on annonce également les arrivées de quelques sénateurs et députés au gouvernement.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *