Cameroun : Que reproche le juge d’instruction à Égard Alain Mebe Ngo’o ?

Mebe Ngoo à Kondengui

A en croire le magistrat Jean Betea, juge d’instruction au Tribunal criminel spécial (Tcs), dans un rapport d’enquête daté du 26 août 2020, qui est en fait l’acte d’accusation qui renvoie l’ex- ministre délégué à la présidence de la République chargé de la Défense, Edgard Alain Mebe Ngo’o, 65 ans, devant le Tcs pour jugement, tout serait parti d’un renseignement financier livré par le Directeur de l’Agence nationale d’investigation financière (Anif) dans son rapport du 13 août 2018.

Le Directeur de l’Anif y signale que dans la période 2009-2015, Edgard Alain Mebe Ngo’o et son épouse, Mme Bernadette Mebe Ngo’o se sont faits ouvrir plusieurs comptes dans différents établissements de crédit, « lesquels ont enregistré de nombreux mouvements de fonds sans lien avec leur activités respectives », accuse Jean Betea.

Poursuivant son acte d’accusation, le magistrat pense qu’une partie de ces sommes d’argent proviendrait des retro-commissions versées par la société Mag Force International, une entreprise de droit français ayant son siège social à Paris. Le juge d’instruction suppose même que c’est à l’aide de ces retro-commissions que M. Mebe Ngo’o et Madame auraient « acquis d’importants biens mobiliers et immobiliers tant au Cameroun qu’à l’étranger », croit-il. En tout cas, on apprend que c’est sur la base de cette dénonciation du Directeur de l’Anif que Mme le procureur général près le Tcs a prescrit au chef de la Division des enquêtes du Corps spécialisé d’officiers de police judiciaire, l’ouverture d’une enquête préliminaire qui a ensuite servi de base de travail à l’enquête du juge d’instruction, Jean Betea. Ce juge d’instruction accuse l’ex-Mindef d’avoir ordonné plusieurs paiements au profit de la société Limousines Prestige Services Sarl dirigée par son épouse et d’avoir blanchi plusieurs milliards produits de détournements et de corruption.

A l’enquête préliminaire, note le magistrat Betea dans son ordonnance de renvoi, Maxime Léonard Mbangue qui a été tour à tour sous-directeur des affaires financières à la Délégation générale à la sûreté nationale puis après conseiller technique au ministère de la Défense, chaque fois sous l’ex-ministre Edgard Alain Mebe Ngo’o a affirmé qu’à la suite d’un mémorandum d’entente conclu le 12 janvier 2011, entre le ministère de la Défense et la société chinoise Poly Technologies Incorporation, un contrat commercial d’un montant de près de 197 milliards Fcfa, en vue de la livraison d’équipements militaires majeurs (des hélicoptères, des patrouilleurs, divers équipements de génie et construction de logements) a été signé entre les deux parties. Et que par la suite, la signature d’une convention de financement, adossée au contrat commercial, a été précédée de plusieurs phases de négociations au cours desquelles, prétend-t-il, les responsables de Poly Technologies Incorporation auraient offert d’énormes libéralités et des cadeaux aux représentants de la partie camerounaise, dont l’ex-ministre Edgard Alain Mebe Ngo’o.

Le juge d’instruction souligne toutefois qu’interpellé, l’ex- Mindef a nié les faits. Qu’il a indiqué, pour sa défense, que les marchés relatifs à l’achat des matériels et équipements militaires s’exécutent sur haute autorisation du président de la République, « en raison de la nature des prestations commandées et parfois de l’absence de financements directs ». Qu’il a ajouté que Robert Franchitti et Mag Force International, dont il en était le responsable à l’époque des faits, a été attributaire de plusieurs marchés au ministère de la Défense, pour le rapport qualité-prix de ses prestations. Qu’enfin, celui-ci ne lui a pas reversé de rétro-commissions, pas plus qu’il n’a offert des cadeaux ni aux membres de la famille de l’ex-Mindef, ni à lui-même.

S’agissant du mémorandum d’entente conclu entre le Mindef et Poly Technologies Inc, Edgard Alain Mebe Ngo’o a indiqué qu’il s’agit d’une convention à travers laquelle la République populaire de Chine a équipé en matériels, sur la base des besoins exprimés par chaque composante, les armées de terre, air, mer, le Corps national des sapeurs-pompiers et la gendarmerie nationale. Que la liste définitive des équipements, validée par le chef de l’Etat, a été arrêtée au terme de plusieurs phases de négociations entre la partie chinoise et les représentants de plusieurs administrations publiques impliquées à savoir, le ministère de l’Économie, le ministère des Finances, le ministère de la Défense et la Caisse autonome d’amortissement.

A propos enfin des paiements en espèces au profit de Limousines Prestige Services Sarl dont est promotrice son épouse, l’ex-Mindef a soutenu que ces prestations étaient réglées en espèces sur des fonds spéciaux habituellement mis à la disposition de tout ministre en charge de la Défense par le président de la République, pour financer certaines activités, qui en raison de leur relation directe avec les problèmes de sécurité, peuvent difficilement s’accommoder des règles de comptabilité publique. Le procès suit son cours devant le Tribunal criminel spécial, prochaine audience le 24 mars.

Claude Tadjon /237online.com

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