Cameroun : La quête du gasoil est un parcours de combattant

Rareté des carburants

Les populations avalent des kilomètres pour se ravitailler dans les différentes stations-services.

Impossible de se frayer un passage au lieudit Bocom Nkozoa dans la matinée du 20 juillet 2022. Il est 9h. L’embouteillage est visible à partir de la station-service Neptune. Bien qu’habituel à cet endroit, celui de ce mercredi est plus dense. La circulation est bloquée. Cela est dû à la quête de carburant à la station Bocom-Nkozoa. En file indienne, des voitures, des poids lourds et des conducteurs de moto se dirigent vers la station. Elle est noire de monde. Seuls les pompistes peuvent se tenir debout. Des conducteurs de moto sont assis à même le sol dans l’espoir d’être servis. Certains conducteurs de taxi ont garé, d’autres ont été emportés par le sommeil. « Nous sommes là depuis des heures et nous ne pouvons pas être servis », crie Roland à bord de son véhicule. Personne ne veut céder le passage à l’autre. « Nous aussi on veut carburer comme vous. Il faut attendre comme tout le monde », se lancent-ils entre eux.

Les bras croisés, les pompistes sont sans mots. Selon les témoignages des uns et des autres, il y a du gasoil dans cette station. « Ceux qui étaient là avant nous ont été servis. Nous ne savons pas ce qui s’est passé, les pompes ont été fermées subitement. Ces gens aiment se faire prier », se lamente Maturin Ondobo. Le regard somnolent, Victrice, conducteur de taxi a passé la nuit dehors à la recherche du carburant. Résidant à Soa, il raconte son calvaire. « Je suis resté à la station-service d’Elig-Essono de 20 à 23 h sans avoir du carburant. Le pompiste a dit qu’il était fatigué et en plus, le gasoil sortait déjà plus sale des cuves. Il touchait déjà le fond de la fosse. Nous avons dormi espérant que la situation sera résolue le matin ». Et de poursuive : « C’est le matin que des collègues m’ont donné l’information que je pouvais trouver du gasoil à Nkozoa. C’est comme cela que je suis arrivé ici. Malheureusement, les pompistes ont fermé. Ils disent qu’ils n’ouvriront qu’à 12 h. Je suis dans l’obligation d’attendre ». Le scénario est le même à la station Green-Oil. « Nous essayons de satisfaire les clients avec le peu de carburant que nous avons. Les motos et les automobilistes ont chacun une pompe pour éviter le désordre. Nous n‘avons pas le droit de servir ceux qui ont les bidons. Nous attendons être ravitaillés », explique un pompiste de cette station.

Un manque à gagner

Depuis quelques jours, les automobilistes vivent un véritable calvaire avec la pénurie de carburants. Ils parcourent des kilomètres à la recherche de quelques litres. Amadou Ousmane, réside à Soa, il est venu s’approvisionner à Nkozoa. « Cela fait deux jours que je suis en panne sèche. Je n’arrive pas à avoir du carburant dans une station. On me dit que le ministre a interdit la vente du carburant dans les bidons. Je ne peux pas rentrer sans carburant aujourd’hui. Je vais attendre jusqu’à ce que je sois servi. Je ne peux plus rationner normalement à la maison », confie-t-il, tout nerveux. Une détermination que partagent d’autres demandeurs de gasoil avec leurs bidons entre les jambes. L’air furieux, les yeux tous rouges, Olivier Mbela menace de battre les pompistes.

Ce conducteur de moto vient d’Obala. Mécontent, il s’exprime : « Mes collègues et moi avons rassemblé le peu de gasoil dans leur moto pour mettre dans la mienne pour que je puisse me rendre à Yaoundé pour en acheter. Je suis ici depuis 8 h du matin. Je suis venu avec deux bidons, un de 20 l et un de 10 litres pour approvisionner mes collègues qui m’attendent à Obala. C’est vraiment méchant ce que font ces pompistes ». « Cette situation nous semble vraiment assez compliquée. Je n’arrive plus à travailler. Ma recette a baissé. On ne peut pas travailler librement. Il faut préparer la rentrée des enfants, il faut nourrir les familles. Comment allons-nous faire ? Nous ne savons plus à quel saint se vouer. Le manque à gagner est énorme », s’indigne Robespierre Ngabet, garé dans une station depuis 7 h du matin.

Le désespoir se lit sur le visage de plus d’un. « J’ai une famille à nourrir. Ça fait trois jours que je ne travaille pas. Que vais-je faire avec 2 litres de gasoil ? De qui se moque-t-on à la fin ? C’est vraiment déplorable pour notre pays. La situation va de mal en pire », crie Serges Abega, révolté.

A la station Tradex Emana, images et scènes identiques. Il est 12h23. Les pompistes dégoulinent de sueur. Ils essayent de servir tout le monde. Deux rangs ont été formés pour ceux qui veulent se ravitailler. Malgré la présence de la police, les automobilistes ne respectent pas les rangs. « S’il vous plaît alignez-vous, cela va aller plus vite si nous sommes ordonnés », crie une pompiste. « Madame, nous voulons le carburant. C’est tout notre problème. Le reste nous importe peu », rétorquent un automobiliste.

« D’abord les voitures, ensuite les motos et les bidons vont suivre », indique un pompiste à la station Tradex au quartier Régie. Les policiers essayent de maitriser la situation, mais les conducteurs de moto ne sont pas satisfaits des réponses qui leur sont données. La douleur dans le ventre, Habib se décourage et rentre bredouille avec son bidon. Selon les informations reçues, la limite de consommation est de 10.000 fcfa pour les voitures et 5000 fcfa pour les conducteurs de moto. Il est exactement 12h48 minutes, lorsque deux camions citernes font leur entrée à la station Total du rond-point Nlongkak. Il s’agit d’un ravitaillement en gasoil. C’est un ouf de soulagement pour les conducteurs qui attendent en file. « J’espère être servie. Je suis partie d’Odza. J’ai fait le tour de la ville », confie Stéphanie Ngaba. De l’autre côté de la route, la station MRS est presque vide.

Les piétons aussi…

Les automobilistes ne sont pas les seuls à souffrir de cette pénurie de gasoil. Même les piétons en subissent les conséquences. « Cela fait déjà plus de 45 minutes que je suis dans l’attente d’un taxi. Personne ne veut me transporter. La route est bloquée et il devient très difficile de circuler librement », se lamente Gisèle Noah, à la Tradex Emana. « Je marche depuis le dispensaire Messassi pour avoir un taxi ce n’est pas facile. Nous sommes obligés de proposer plus cher pour espérer retenir l’attention d’un taximan », s’indigne Roseline. Pour Catherine, les embouteillages sont inédits, cette situation est un véritable calvaire. « Nous allons faire du sport pour certains sans le vouloir », lance un piéton, l’air furieux.

Marie Laure Mbena / 237online.com

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