Cameroun – Engagement : Dr Soumele crie victoire sur les plaies «inguérissables»

Romain Soumele

Ce médecin camerounais basé en France, veut dompter le mythe autour des plaies chroniques.

Yaoundé, quartier Biteng ce 24 mai 2021. A un jet de pierre du lieu-dit Maetur. Il est un peu plus de 10h. Un portail ouvert au fond d’une ruelle accueille le tout-venant. C’est la clinique La Victoire, spécialisée en soins de plaies chroniques. A l’intérieur, cinq personnes attendent sur la véranda. La mine grise. Un étouffe péniblement une douleur. Dans la salle d’accueil, des chaises et des bancs sont disposés le long des murs. Tous sont occupés. Une dizaine de personnes attendent des soins. C’est le calme plat. Pendant qu’une jeune dame en blouse bleue supplée la préposée à la réception absente au poste, un monsieur à ses côtés entretient un homme tenant un carnet. D’autres hommes et femmes en blouse entrent et sortent des salles, tantôt pour raccompagner un patient, tantôt pour en chercher un nouveau.

Un homme de taille moyenne sort d’un bureau et vient prendre quelques nouvelles, puis fait la connaissance du reporter, puis repart. C’est le Dr Soumele, le promoteur. Pour retourner aussitôt chercher celui-ci. Non sans s’être renseigné sur la personne d’un patient au pied amputé. «C’est vous dont le fils m’a appelé hier de…». Et l’autre de répondre: «C’est moi. Il faut que vous…» Avant d’avoir terminé, Dr Soumele lui garantit qu’il sera reçu. Trois personnes sont encore à l’audience. Juste le temps des civilités. «On peut échanger en leur présence ?», s’enquiert cet homme, le Dr Romain Soumele. L’étranger se propose de se retirer.

Un quart d’heure et le tour du journaliste arrive. Une trentaine de minutes accordées à ce dernier, entre deux sollicitations. «L’autre malade souhaite que vous voyez sa blessure», l’informe-t-on. «Je finis l’échange avec le journaliste et j’arrive. Mais préparez une seconde salle», répond le patron. «Elle est déjà prête. Mais il faut aussi que vous voyiez le pied du vieux-là», relance son collaborateur. «Sans souci, j’arrive. Juste quelques minutes encore», promet-il. Dans la salle d’accueil, le vieux au pied amputé s’impatiente. Son «sauveur» se libère du journaliste, mais doit régler une urgence au téléphone, puis une autre situation dans une salle. «Depuis que je suis là ? Il va être submergé!», s’inquiète le vieux malade. «A cette allure, il ne va pas s’en sortir», renchérit un autre. Le promoteur de la clinique qui est très sollicité tant par les malades que par les journalistes et autres, qui se relaient à cette fontaine d’espoir pour victimes de blessures chroniques, tient à servir tous les nécessiteux.

«…tout type de plaie a une explication médicale»

Ce chirurgien installé en France, s’est spécialisé en cicatrisation et veut se rendre utile à son pays. Et les malades affluent. «Je traîne cette blessure depuis 13 ans; ça a commencé par un bouton qui démangeait; je traitais avec des médicaments que j’achetais dans la rue. Quand ça a commencé à se compliquer, je suis allé à l’hôpital de la Caisse qui m’a envoyé faire des examens dont un antibiogramme….», raconte François Fogue. «Finalement on m’a parlé de cet hôpital; depuis trois mois que j’y suis, ça s’est amélioré. Vous voyez comment ça se cicatrise déjà», se réjouit-il. Un autre venu de Bamenda, éprouve le même sentiment. «Je me suis blessé au champ à Bamenda. J’ai commencé les soins là-bas, mais ça ne finissait pas, et avec la crise qu’il y a là-bas, je ne parvenais pas à honorer tous mes rendez-vous. Je suis ici depuis quatre mois et je vais mieux». Après trois mois d’hospitalisation, l’homme est à la «phase d’entretien» où il n’est plus suivi au quotidien. «A cette étape, on apprécie l’évolution de la cicatrisation, on procure les soins quand c’est nécessaire,…», explique le Dr Soumele.

Le diplômé en cicatrisation a déniché une source de désespoir et de décès à travers le monde : les blessures chroniques, parfois considérées comme « inguérissables » et les victimes souvent taxés de sorciers en Afrique. «Scientifiquement parlant, je dirais que tout type de plaie a une explication médicale», professe-t-il. Et beaucoup commencent à y croire. L’homme a créé la première clinique des plaies à Baleveng, dans le département de la Menoua, en 2012. «Les malades venaient du grand Nord, de l’Est et d’un peu partout, parfois pour passer plus de six mois sur place. J’étais obligé de créer la clinique de Biteng (Yaoundé, Ndlr), pour soulager les peines de ceux qui viennent de loin et traversent Yaoundé», justifie-t-il. Tendant la main aux pouvoirs publics. «Je suis submergé par le travail, mais les patients n’ont pas toujours les moyens pour aller au bout de leurs soins. L’Etat peut mieux soulager les peines des malades de blessures», plaide-t-il. «J’ai les seules hôpitaux spécialisés en soins de plaies chroniques», lance-t-il. Pas pour se vanter. «L’Etat doit se pencher sur ce domaine», poursuit-il.

Lindovi Ndjio

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