Cameroun – Elections en 2019: Vers les régionales avant les municipales

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La question agite les états-majors des partis de l’opposition, exaspérés à l’idée que les tout premiers conseillers régionaux puissent être élus par un collège électoral en grande partie illégitime.

Prévues dans la Constitution du 18 janvier 1996, les régions qui constituent les Collectivités territoriales décentralisées (Ctd) à une échelle plus grande que les communes pourraient enfin prendre corps au Cameroun cette année. Deux raisons majeures poussent à le penser : l’allocation par le Parlement d’une enveloppe budgétaire de 38 milliards Fcfa pour leur mise en place effective 2019, et la demande faite au gouvernement par le président de la République, Paul Biya, mercredi dernier lors du premier conseil ministériel de l’année, de préparer les élections législatives,
municipales et régionales. Ces deux signaux donnent du baume au cœur de l’opposition, qui se prépare à ces échéances depuis environ deux mois. Les principaux partis redoutent toutefois le scénario des régionales avant le double scrutin législatif et municipal prévu l’an dernier et décalé en 2019 du fait d’un « chevauchement avec la présidentielle » d’octobre 2018. Seul maître du calendrier électoral, Paul Biya est soupçonné de vouloir ruser avec la loi en faisant élire les tout premiers conseillers régionaux du Cameroun par des conseillers municipaux frappés d’illégitimité populaire parce que bénéficiant d’une prorogation de mandat d’un an, par décret.
C’est le scénario de 2013 avec les premières élections sénatoriales qui pourrait ainsi se répéter.
En effet, selon l’article 248 (1) du Code électoral, les délégués des départements sont élus par un collège électoral composé des conseillers municipaux. Le Cameroun en compte environ 10600, soit 8685 élus sous la bannière du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) en 2013, 826 pour le Social Democratic Front (SDF), 163 pour l’Union démocratique du Cameroun (Udc), 19 pour le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), etc. En plus de sa majorité écrasante au niveau des conseils municipaux, le parti au pouvoir peut compter sur la majorité des chefs traditionnels, appelés à élire leurs représentants au sein des conseils régionaux. Ceux-ci n’iraient pas en tout cas jusqu’à oublier qu’ils sont payés aujourd’hui tous les 30 jours (200.000 pour les chefs de 1er degré, 100.000 pour ceux de 2e degré et 50.000 Fcfa pour ceux de 3e degré) grâce au chef de l’Etat, Paul Biya. Leurs pairs devenus sénateurs sous les couleurs du Rdpc ou simplement nommés par son président national et ceux bénéficiant quelque décret, lui sont encore plus redevables – Alim Hayatou, ministre délégué auprès du ministre de la Santé publique, est d’ailleurs président de l’Association des chefs traditionnels du Cameroun.

Braquage

La tenue des régionales, en l’état actuel du collège électoral, est de toute évidence une victoire sans appel assurée au Rdpc. Un haut cadre du Mrc, convaincu que l’opposition est bien partie pour rafler la majorité aux prochaines municipales, indique que « Paul Biya s’apprête à opérer un autre braquage ». « Les conseillers municipaux sont frappés d’illégitimité. En d’autres temps, le régime aurait réussi une telle forfaiture. Ça ne passera pas cette fois avec le cadre de résistance mis sur pied par le Mrc », promet-il.

Premier secrétaire du Peuple uni pour la rénovation sociale (Purs), Serge Espoir Matomba pense qu’il s’agirait là d’un autre « acte de lâcheté de la part du parti au pouvoir. En organisant les élections régionales avec la configuration actuelle, l’administration donnerait un large désavantage aux partis d’opposition. Nous n’avons pas d’inquiétudes que les élections régionales soient organisées avant les municipales, seulement, nous aurions souhaité que les élections régionales soient organisées avec un nouveau collège électoral ou alors un collège électoral complet, étant donné que le mandat des conseillers municipaux a été prorogé ».
Plus virulent, le président régional du SDF pour le Littoral, Jean Michel Nintcheu, trouve qu’ « organiser les régionales avant les municipales participe d’un braquage électoral. Des conseillers municipaux sortants ne sauraient élire des conseillers régionaux entrants. Une telle manœuvre participe d’une stupidité inqualifiable qui ne peut être observée que dans un pays dont les gouvernants font du passage en force leur marque de fabrique électorale. Ils l’ont fait pour les sénatoriales. A tort. Quoiqu’une telle initiative soit revêtue du sceau d’une relative légalité, il n’en demeure pas moins que la remise en cause de la question de la légitimité va se poser avec acuité. Il est totalement irresponsable de perpétuer ce déni de représentativité à partir du moment où rien n’indique que les réalités politiques d’il y a cinq ans sont les mêmes aujourd’hui. Les conseils régionaux doivent refléter la configuration politique de la région au moment de sa mise sur pied ».
Pour mémoire, selon l’article 55 (1) de la Constitution, les régions, tout comme les communes, sont des personnes morales de droit public (2). Elles jouissent de l’autonomie administrative et financière pour la gestion des intérêts régionaux et locaux. Ces Ctd s’administrent librement par des conseils élus reflétant les différentes composantes sociologiques et ont pour mission de promouvoir le développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif de ces collectivités.

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