Cameroun: Ce qui s’est réellement passé à la chefferie Bangou le lundi 28 janvier 2019

Droit de réponse à l’article « un nouveau chef supérieur à Bangou » parut dans le journal Cameroon-tribune du jeudi 7 février 2019, sous la plume de son envoyé spécial Vincent Fomo à Bangou. Par le Dr. Assouma Ludovig

En mondovision, des faits inédits ont secoué le groupement Bangou le lundi 28 janvier 2019. Et, comme si ce spectacle éhonté n’indignait personne, des hommes se sont donnés rendez-vous de substituer à la réalité sur le terrain ce qu’ils souhaiteraient que la population dans son ensemble prenne pour vérité absolue, quel gâchis. A-t-on besoin de légitimer un chef en pays Bamiléké par la médiatisation et la publicité à outrance ? Que cache cette machination ? Que dire des dispositions du code successoral ? À qui revient la tâche de désigner le chef ? Est-il nécessaire de vouloir substituer aux traditions le bon vouloir des intérêts individuels des élites ? Qu’est-ce que le village Bangou gagne dans cette posture de victimisation imposée par ce spectacle observé au sein de sa chefferie le lundi 28 janvier 2019 ? Chacun devrait en principe se forger une analyse à la lecture de ses questions. Tel que nous l’avons fait avec indignation et inquiétude à la lecture de l’article parut dans le journal Cameroon-tribune du jeudi 7 février 2019, sous la plume de son envoyé spécial Vincent Fomo à Bangou.

Article du Cameroon Tribune du 07 février 2019 dans lequel le journaliste Vincent Fomo essaye maladroitement de tronquer la vérité

Le 11 mai 1995 avait lieu la première tentative de faire rentrer les restes de Paul Bernard Kemayou auprès des siens au panthéon des rois Bangou. C’est donc dire qu’il existait déjà une « affaire de la chefferie Bangou » qui attendait un dénouement heureux pour les ayants droit. En effet, après plusieurs atermoiements et des reports, avaient lieu à l’esplanade de la chefferie du groupement Bangou les cérémonies visant à désigner le nouvel homme fort de ce groupement des Hauts-Plateaux. Déjà le 24 janvier avaient lieu les obsèques du Roi Paul Bernard Kemayou selon les us et les coutumes Bamiléké. Cette cérémonie selon le code successoral, fut la première étape dans le processus qui s’acheva par la désignation de l’héritier et son initiation au sein du La’akam par des notables prévus à cet effet. Pour rappel, les restes du Roi Paul Bernard Kemayou durent attendre plus de 33 ans pour enfin rejoindre le panthéon des Rois. Le retour des restes de celui qu’on désignait affectueusement par le pseudonyme de « Kemayou l’Africain » sonnait ainsi le glas de la période de vacance qui s’ouvrait dans cette chefferie depuis l’année 1959. Officiellement le roi était de retour et la suite laissait présager le choix dans les brefs délais de son héritier parmi ses descendants.

Le roi n’étant en aucun cas interchangeable, les intérimaires ne pouvaient également en aucun cas, tel que stipule la tradition prétendre à une titularisation. Il était désormais clair aux yeux des notables et des populations que cet acte que venaient de réaliser les notables était le signe de la fin des tensions qui opposaient les descendants de Paul Bernard Kemayou et ceux de Kezembou Marcel allias Tayo II marcel. Ainsi, à la veille du jour fatidique, les populations restèrent suspendues aux lèvres des notables et souhaitaient en toute honnêteté le retour à la légitimité rompu dès 1967, lorsque Djomo Christophe fut appelé à prendre les choses en main après plus de huit ans d’attente.

Ce jour de lundi 28 janvier 2019, les notables tranchèrent. Ils portèrent leurs dévolus sur le prince Maurice Gambou Kemayou, fils du roi Paul Bernard Kemayou âgé de 63 ans. Le choix de ce dernier fut aussitôt perçu par sa présentation aux autorités traditionnelles et administratives. Identification faite et après avoir reçu l’onction du Roi Bazou à qui revient le droit selon la coutume d’adouber le Roi Bangou après son arrestation, il fut conduit dans l’entre du La’akam pour entamer l’initiation. Maurice Gambou Kemayou puisqu’il s’agit de lui ne fut en aucun cas rejeté par ses pairs, au contraire la suite des événements confirme cette thèse. La liesse populaire se substitua à la tristesse qui naguère se lisait sur le visage des populations marquées par le deuil. Aux cris de joie s’associaient des salves d’applaudissements et des signes de respect au fils de « Kemayou l’Africain », longtemps éloigné de ses origines.

Video de l’arrestation du Prince Gambou Kemayou Maurice par le notable autorisé par la tradition

C’est à ce moment qu’une voix dissidente lança la contestation. ( Dans une video on écoute clairement le députe Datouo Théodore dire au roi Bazou: « Dégagez, Dégagez c’est pas lui… « Le refus catégorique d’une frange importante de la population et des princes qui s’indignaient à la fois de la qualité et du rôle que pouvait bien jouer cette élite dans ce processus encouragea ces populations à opposer une fin de non-recevoir à la requête. Quelle qu’en soit la grandeur d’une élite, doit-elle s’immiscer dans les affaires coutumières au point de s’ériger en garant des traditions séculières ?

Le ton monta d’un cran et face aux échauffourées, cette élite décida de l’usage de la force à travers un important dispositif des forces de l’ordre. Ceux-ci s’employèrent au point de profaner ce labyrinthe avec pour seul objectif de déloger l’héritier légitime et coutumièrement désigné par les notables. Il est connu qu’on y pénètre sur invitation et après avoir subi des gestes de purification.

Cependant Monsieur Vincent Fomo, à la lecture de votre article, des incohérences sautent aux yeux. Entre la réalité telle que vécue sur le terrain et les faits dont vous décrivez. Sans le savoir, en voulant faire la part belle à celui que vous jugez de l’extérieur comme celui-là à même capable d’être légitime, vous participez à la désacralisation de nos coutumes et vous portez un grave préjudice à la gestion démocratique des sociétés coutumières africaines.

Cette analyse établie pour les besoins de la cause, un consensus autour de la personne que vous souhaitez voir assumer la régence à Bangou. Plus grave encore, vous fêtes ressortir l’existence de plusieurs familles royales que vous désignez par le pseudonyme de « descendants de Paul Bernard Kemayou », n’est pas là, une manière de reconnaître l’existence d’un problème de fond sur la question successorale. L’idéal aurait voulu qu’on s’y penche pour comprendre la situation préoccupante observée sur l’esplanade de la chefferie en ce jour. Quoi qu’il en soit, dans nos traditions on ne devient pas roi, mais on naît ROI et l’hérédité qui suppose la transmission du pouvoir de père en fils exclut la famille élargie pour se réduire à la famille nucléaire. Vivement que la vérité soit faite sur cette mascarade qui se trouve un allié qu’est le journal Cameroon Tribune.

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