Une succession royale exceptionnelle vient de marquer l’histoire du village de Babone dans le Haut-Nkam. Chualieu Tchualieu Motho Vianney, un jeune lycéen de seulement 16 ans, a été désigné comme le nouveau souverain de ce village situé à 3 km de Bafang, lors d’une cérémonie qui a rassemblé plus de 10 000 personnes le samedi 19 avril 2025. Cette intronisation surprenante intervient quelques mois après le décès de son père, Tchualieu II Fansi Théodore, qui avait régné pendant 37 ans sur ce royaume bamiléké. Un événement qui suscite à la fois fascination et interrogations sur l’avenir de cette jeune tête couronnée qui devra abandonner les bancs de l’école pour assumer ses lourdes responsabilités traditionnelles.
Traditions bamiléké préservées : Comment le testament royal a triomphé des pressions modernes
La désignation du jeune souverain s’est déroulée dans un climat de tension palpable, alors que plusieurs influences tentaient de peser sur le processus successoral. Face aux craintes de manipulation, plusieurs personnalités influentes ont pris la parole pour défendre l’intégrité du processus traditionnel.
« Changer la volonté d’un Roi est un appel à la malédiction et au karma. Qui tue par l’épée mourra par l’épée. Si vous changez la volonté d’un ami, un Roi, vous aussi vous verrez votre dernière volonté être modifiée », a averti Sa Majesté Ngassa Happi, beau-frère du défunt roi, révélant avoir reçu des confidences de Tchualieu II une semaine avant sa disparition.
Le roi des Batié, s’exprimant au nom de tous les souverains de l’Ouest, a dénoncé avec véhémence « le renversement des valeurs autour des chefferies traditionnelles à l’Ouest et surtout les pouvoirs de l’argent qui ont tendance à influencer les destins des royaumes Bamiléké de plus en plus ».
L’authenticité du choix a été confirmée par un processus rigoureux, comme l’explique Ndia Ze Menden, premier notable à Baboné : « La caste des 9 notables s’est retrouvée en présence du Préfet et de quelques observateurs ainsi que les Rois des villages frères regroupés au sein de la confrérie des Nziako. Nous avons demandé que nous soient présentés les testaments laissés par le défunt. Trois personnes se sont présentées avec des documents… Les différentes enveloppes concordaient dans la description de la personne choisie. »
Rituel d’initiation royal : Le jeune souverain entre au La’akam pour neuf semaines d’isolement
Conformément aux traditions séculaires, le jeune roi a immédiatement entamé son processus d’initiation au La’akam, sanctuaire sacré où il restera isolé pendant neuf semaines. Cette période cruciale marque sa transformation de simple lycéen en gardien des traditions et guide spirituel de sa communauté.
« Il y sera retrouvé par une ou des jeunes filles qui seront choisies fraîchement pour lui. Il ne devra sortir du La’akam qu’après la confirmation qu’une de ces filles a enfanté de lui », précise une source proche de la cour royale, soulignant l’importance de la continuité dynastique dans la culture bamiléké.
Cette succession intervient dans un contexte où les traditions ancestrales se heurtent aux réalités de la vie moderne. À 16 ans et en classe de terminale, le jeune souverain se voit contraint d’abandonner ses études pour embrasser pleinement ses responsabilités royales, un sacrifice considérable qui illustre la primauté des valeurs traditionnelles dans cette région du Cameroun.
Michel Cyr Njiena, ami proche de l’ancien roi et lui-même chef de 3ème degré, s’est engagé personnellement à « faire respecter quoiqu’il en coûte ses dernières volontés », soulignant la détermination des gardiens de la tradition à préserver l’intégrité du processus successoral contre toute influence extérieure.
Alors que Babone retient son souffle dans l’attente de la sortie du La’akam prévue en juin, cette succession royale exceptionnelle nous rappelle la vitalité et la résilience des traditions camerounaises face aux défis de la modernité. Comment ce jeune roi parviendra-t-il à concilier son jeune âge avec les lourdes responsabilités qui lui incombent désormais?
