Affaires foncières: Main basse sur le domaine national à Kribi

Terrain du domaine national

Fonctionnaires, élus locaux, Hommes d’affaires et investisseurs véreux s’accaparent jour après jour des terres non immatriculées des mangroves, des marécages et autres espaces du domaine public appartenant à l’État.

Les réserves foncières de la ville sont menacées et le plan d’urbanisme mis en mal. Au rôle du tribunal de première et grande instance de Kribi, les délits d’abus de confiance et d’escroquerie foncière tiennent le peloton. En ce début de semaine, un particulier traîne plusieurs membres d’une famille en justice. Il accuse ces derniers d’avoir revendu le lopin de terre à lui cédé voilà une décennie. Le phénomène a un nom ici. Il s’agit de la « double vente». Seul bémol, la transaction s’est effectuée sur un espace non sécurisé. Aucune des parties n’est détentrice d’un titre propriété. Il s’agit donc du domaine national.

L’ordonnance du 06 juillet 1974 fixant le régime foncier précise en son article 14 que, « Ne sont pas incluses dans le domaine national les terres faisant l’objet d’un droit de propriété privée tel que défini à l’article2 […]» Contre toute attente, le domaine national aiguise tous les appétits à Kribi. Dans l’arrondissement de Kribi 2e, les nouveaux quartiers poussent comme des champignons. Minbougue, Makawum, Antenne orange sont autant de destinations peu connues des Kribiens il y’aquelques années. Le bradage des terres a favorisé leur rapide expansion, et les petites bourses s’en donnent à cœur joie. « J’ai acheté mon terrain pour 1000 F le m2 à l’antenne orange il y’a cinq ans», fait savoir Paul, qui a érigé sa bâtisse sans la moindre garantie de l’obtention d’un titre de propriété. En clair, c’est un investissement effectué à ses risques et périls.

Selon Stéphane Mengong, juriste, « les terres du domaine national ne peuvent faire l’objet d’une transmission à titre gratuit ou onéreux.» Il poursuit en disant que, « ceux qui cèdent ces terres ou les achètent peuvent être poursuivis pour escroquerie foncière et complicité d’escroquerie foncière.» Seules les personnes détentrices d’un titre de propriété (titre foncier ndlr) sont habilitées à vendre leurs terres. L’appât du gain a emmené plus d’un à fourvoyer la loi. De nombreux officiers de police judiciaire signent des actes de vente sur le domaine national en toute « illégalité» de l’avis du juriste.

Occupations illicites

Dans cette course tous azimuts vers la propriété foncière, les zones protégées ne sont guère épargnées. Pourtant interdites par la loi, les constructions en matériaux définitifs se dressent le long des plages de Kribi. « Les pieds dans l’eau » sont à la mode. « Ce sont les pontes du régime, que peut-on faire contre ces barons ?», lance dépitée une source à la communauté urbaine de la ville. La même source ajoute, « qu’ils vont chercher les autorisations au ministère des domaines à Yaoundé et se fichent pas mal du permis de bâtir délivré localement.» Il en est de même pour les zones marécageuses.

L’ordonnance n0 74/2 du 06 juillet 1974 fixant le régime domanial au Cameroun dit en son article 3 que, « les marécages font partie du domaine public naturel de l’État.» À ce titre, ils ne sauraient faire l’objet d’abandon de droits coutumiers. Tout le contraire dans certaines localités à Kribi où les chefs de quartiers et de villages et même certaines autorités administratives dictent «leur loi» en s’arrogeant le droit de propriété sur ces espaces.

Pourtant, « les biens du domaine public sont inaliénables, imprescriptibles et insaisissables. Ils sont insusceptibles d’appropriation privée», précise la même loi en son article 2. Le cas d’école est celui du lycée de Dombe dans l’arrondissement de Kribi 2e. À l’étroit, encastré entre plusieurs maisons d’habitations, l’espace foncier consigné pour le développement de l’établissement scolaire a été vandalisé. Près de 3 hectares occupés désormais par des particuliers au détriment de la communauté éducative. Nous apprenons d’une source que les occupants illégaux sont en majorité des fonctionnaires issues d’une administration dont nous tairons le nom. Une spirale qui n’est pas prête de s’arrêter. La ville en elle-même ne fait pas exception. Kribi manque cruellement de réserve foncière pour la construction d’infrastructures sociales, écoles, centres de santé et autres. À la communauté urbaine, c’est motus et bouche cousue sur le processus d’incorporation des terres acquises sur les innombrables lotissements effectués çà et là.

Landry TSAGA

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