Tchad : pas de politique sans sécurité

Capitale du tchad

Au Sahel, le Tchad, soutenu depuis 30 ans par la France, fait face à une recrudescence d’attentats terroristes et d’attaques à ses frontières. Le gouvernement de transition, et dont certains contestent la légitimité, souhaite œuvrer en priorité pour la sécurité de ses soldats et de ses citoyens, et l’unité nationale.

« Le Sahel a longtemps été le théâtre d’une guerre masquée, qui a progressé à bas bruit. Dès 2001, il y a eu des tentatives d’implantations djihadistes » rappelle Elie Tenenbaum, chercheur à l’Institut français des relations internationales au journal le Monde. Depuis plusieurs années cependant, le phénomène s’est accentué et les groupes djihadistes (État islamique ainsi que Al-Qaïda) appliquent une nouvelle stratégie, après leurs revers au Moyen-Orient : faire de cette immense région, qui s’étend sur trois millions de kilomètres carrés, leur priorité.

La guerre contre le terrorisme est donc devenue, par ricochet, celle des pays de la région (Cameroun, Mali, Nigeria, Tchad, Burkina Faso…), où les attentats sont monnaie courante. Le 5 juin dernier au Burkina Faso, où « 30 % du territoire échappe aux forces de sécurité », 160 personnes ont trouvé la mort. Au Mali, on compte plus de 2700 civils tués entre 2017 et 2020. Au Nigeria, 279 lycéennes ont été enlevées le 2 mars 2021 par le groupe salafiste djihadiste Boko Haram affilié à l’État islamique (EI), et une base de l’ONU a été récemment attaquée.

Tchad : lutte contre le terrorisme et transition politique

Au Tchad, l’armée lutte depuis 2015 contre Boko Haram, qui a multiplié les attentats autour du lac Tchad. Allié de la France, le président tchadien Idriss Déby, mort au combat le 20 avril dernier, était un président « qui a œuvré sans relâche pour la sécurité du pays et la stabilité de la région durant trois décennies », a précisé l’Élysée, qui l’a toujours considéré comme un élément stabilisateur de la région. A la suite de sa mort, son fils, Mahamat Idriss Déby, a annoncé l’instauration d’un Conseil militaire de transition (CMT) de dix-huit mois.

Certains ont crié au népotisme ou au coup de force, quand d’autres y ont vu la nécessaire continuité politique dans un pays en proie à la menace terroriste. Le gouvernement de transition a cherché à rassurer la population, à travers une Charte et la mise en place de trois organes garantissant l’équilibre des pouvoirs : le conseil militaire de transition, le conseil national de transition composé de 93 membres, et le gouvernement de transition qui doit mettre en œuvre les textes, ainsi que l’institution judiciaire. Au bout de 18 mois, une nouvelle Constitution devra être votée et adoptée. Récemment, une trentaine d’associations ont décidé de « surveiller » l’action de l’exécutif à travers un « Observatoire de la transition ».

Réalisme politique et union sacrée pour sauver un pays en guerre

Interrogé sur le cas tchadien, Carlos Lopes, professeur de gouvernance publique et économiste bissau-guinéen, contextualise l’arrivée au pouvoir du CMT : « Sur le plan moral, on ne peut que remettre en question une décision allant contre les préceptes démocratiques. Sauf qu’il faut être réaliste. La politique ne peut se passer de sécurité » résume-t-il à Jeune Afrique. Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères français, appelle quant à lui, à une transition d’une «durée limitée», qui puisse permettre la mise en place d’un « gouvernement civil et inclusif ». 

Dans son ensemble, la communauté internationale mise sur la stabilité politique du pays, à l’image de la classe politique tchadienne : « La mort brutale du maréchal Déby (au pouvoir depuis 30 ans) a créé une situation de chaos au Tchad. Le pays a fait face à une double menace sécuritaire : celle posée par les djihadistes et une autre posée par les rebelles. La situation était si grave qu’il fallait une union sacrée pour sauver le pays » assume ainsi Albert Pahimi Padacké, le chef du gouvernement tchadien.

Le Comité militaire de transition a obtenu le soutien du G5 Sahel, (Tchad, Niger, Burkina Faso, Mali, Mauritanie). En attendant de mettre en place son gouvernement inclusif, le Tchad doit faire face à des attaques de l’armée centrafricaine. Dimanche 30 mai dernier, six soldats tchadiens ont trouvé la mort à la frontière avec la RCA. Ce « crime de guerre d’une gravité extrême et cette attaque meurtrière préméditée, planifiée et opérée à l’intérieur du Tchad (…) ne sauraient rester impunis », déclarait récemment le ministre des affaires étrangères Chérif Mahamat Zene.

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