Cameroun – Extreme-Nord : les conditions d’un retour à la paix dans le Logone et Chari

Le Logone

Le point après l’affrontement dans le Logone entre Arabe-Choas et forces de maintien de l’ordre du 11 janvier dernier suite à l’arrestation d’Acheick Aboukresse, l’ancien maire de Makary et les affrontements intercommunautaires du 5 décembre 2021.

Le calme semble de retour dans le département du Logone et Chari. Petit à petit, les membres des différentes communautés en conflit commencent à fumer le calumet de la paix. Seul hic les exigences faites par les deux communautés Arabe-Choas et Mousgoum à savoir la libération de toutes les personnes arrêtées pendant et après les affrontements d’août et de décembre 2021. Officiellement 46 personnes dont l’ancien maire de Makary ont été interpellées et écrouées à la prison centrale de Maroua ou de Kousseri.

Elles sont accusées de pillages en bandes organisées, incitation à la violence et détention d’armes blanches. Selon les membres des deux communautés, pour parvenir à une paix durable et une véritable réconciliation l’exigence faite est celle de la libération de ces personnes interpellées. « Nous ne pouvons pas parler de libération quand les nôtres sont encore en prison. Ils ont été interpellés dans les villages loin de Kousseri alors qu’on les accuse d’avoir pillé le marché de Kousseri. C’est inconstatable.

Nous sommes prêts à nous réconcilier mais nos enfants et frères doivent être libérés. C’est le préalable pour entamer les négociations », explique Adrinkaye Mahamat, une élite Mousgoum de Kousseri. Une autre élite Mousgoum pense que la solution pour un retour de la paix sociale entre les communautés, il faut des assises et pourparlers francs, sans hypocrisie et honnêtes. « Il faudra que les uns et les autres soient francs et que nous nous parlions yeux dans les yeux les autorités et les hommes politiques doivent être loins » confie-t-il.

Complot

Au sein de la communauté Arabe-Choas, la méfiance est de mise envers les Mousgoum et les autres communautés telles que les Massa et les Kotoko. « Notre communauté a l’impression qu’il y a un complot contre les Arabes-Choas. Cela est répandu par certains complotistes et hommes politiques. Les Arabes-choas veulent vivre en paix avec les autres communautés. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas méfiants vis-à-vis de nos frères Mousgoum, Massa et Kotoko qui complotent contre nous », a affirmé Mahamat Ahmat, une élite de cette communauté. Déclaration confirmée dans un mémorandum de certains chefs traditionnels Arabes-choas adressé au Président de la République. Selon eux, les affrontements intercommunautaires ne sont qu’un prétexte d’une extermination des arabes-Choas qui serait en préparation.

Pour les auteurs de la note adressée au Président de la République, les raids menés contre les arabes-choas par les Mousgoum simultanément dans le Logone et Chari et dans le Mayo-Danay ont été pensés, programmés, financés et bien coordonnés sur le terrain avec pour objectif principal le nettoyage ethnique de la communauté arabes-choas.

« L’on ne peut pas comprendre ce qui s’est passé que par la volonté des idéologues de la communauté Mousgoum d’intégrer les arrondissements de Zina et de Logone-Birni situés dans le Logone et Chari aux arrondissements de Maga et Kaikai, dans le Mayo-Danay. L’objectif étant d’en faire un espace exclusivement dédié à l’expression politique, administrative, traditionnelle et culturelle des Mousgoum », expliquent les chefs traditionnels arabe-choas dans leur correspondance au président Paul Biya.

Et les dignitaires Arabes-choas d’insister sur la volonté exprimée plusieurs fois par les Mousgoum, sans tenir compte de l’existence des autres entités sociologiques dont la présence dans cet espace, est de loin antérieure à la leur. « Malgré cette catastrophe dont nous sommes victimes, nous réitérons notre engagement à œuvrer pour la paix » concluent-ils.

Approché par le Jour, le porte-parole de la communauté Arabe-choas s’est refusé de tout commentaire sur ce mémorandum des chefs traditionnels arabes-choas au président de la République. « Je suis mal placé pour commenter ce document que je n’ai pas vu ou lu. Je l’ai appris comme vous. Ma position actuelle ne me permet pas de m’exprimer si ce n’est pas pour demander aux uns et aux autres d’œuvrer pour le retour de la paix entre nos communautés du Logone et Chari », a déclaré l’honorable Kamsouloum Abba Kabir. Idem pour le porte-parole désigné de la communauté Mousgoum qui appelle ses frères à œuvrer pour le vivre ensemble.

Pour certains élites Mousgoum, « c’est de l’affabulation. Nos frères arabes n’aiment pas la paix. Ils comptent sur leurs richesses pour corrompre les autorités administratives et détourner le débat de fond. Nous voulons vivre avec nos frères Arabes-choas. Mais eux, est ce qu’ils veulent vivre avec nous. Ils ont des armes, nous pas. Les autorités administratives du Logone et Chari le savent très bien. Posez-vous la question pourquoi les arabes sont toujours en conflit avec les autres communautés. Hier c’était les Kotoko, aujourd’hui les Mousgoum demain ça sera qui ? » s’interroge une élite Mousgoum.

Sur le terrain le calme est de retour dans les villes de Kousseri, Logone-Birni fief des affrontements entre Arabes-choas et Mousgoum. Ce calme même s’il est apprécié par les autorités administratives reste précaire. « Sous l’impulsion du gouverneur de la région des rencontres sur le vivre ensemble, la paix sont organisées dans le Logone et Chari. Les collégiens et lycéens sont sensibilisés et nous avons associé les femmes et les jeunes pour parler de paix autour d’eux. La paix est déjà de retour sur l’ensemble du département du Logone et Chari », confie Jean Lazare Ndongo Ndongo, le préfet du Logone et Chari.

Selon l’autorité administrative, le message que nous délivrons au quotidien à nos administrés est celui de la paix et de l’apaisement. « Les coupables des différentes exactions seront sévèrement punis par la loi. Il faut en faire des exemples pour que cela ne se répète plus jamais dans le Logone et Chari » insiste-t-il. Le préfet rassure que l’Etat va œuvrer par tous les moyens pour le retour de la paix et que le vivre ensemble soit renforcé sur l’ensemble du département du Logone et Chari.

Depuis le début du mois de janvier 2022, seulement moins de 10.000 personnes ont rejoint leur domicile. Les réfugiés camerounais au Tchad des affrontements intercommunautaires sont toujours dans les camps installés par les autorités tchadiennes avec le soutien du haut-commissariat pour les réfugiés (Hcr). L’aide gouvernementale envoyé aux 60.000 réfugiés a été distribuée et le Hcr dans une note a lancé un appel à l’aide en faveur des réfugiés camerounais au Tchad. Les déplacés internes sont aussi nombreux.

Dans le seul département du Diamaré ils sont près de 40.000 personnes ayant fui les affrontements. Ils sont répartis dans les arrondissements de Bogo, de Maroua et Petté. D’autres sont installés dans les localités de Guirvidig, des villages de l’arrondissement de Maga dans le département du Mayo-Danay. Selon les estimations des autorités administratives de la région de l’Extrême-Nord près de 50.000 personnes déplacées internes de cette crise ont été dénombrées. Il s’agit pour la plupart des femmes et des enfants.

Adolarc Lamissia / 237online.com

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