Cameroun – Hôpital de la CNPS: Une matinée au chevet d’Essimi Menyé

Dans les rayons et les ombres de la formation sanitaire qui accueille l’ancien ministre, les faits donnent un éclairage qui impose de revoir ce cas avec un œil neuf.
Au deuxième étage du bâtiment D de l’hôpital de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) d’Essos à Yaoundé, derrière une armoire disgraciée, le Pr Philippe Voundi (le chef de rhumatologie) et sa collaboratrice de pôle, Véronique Akono tiennent une petite réunion ce matin du 30 octobre 2015. Entre deux mots, le mandarin de haut vol fouille dans son logiciel et son agenda papier, répond au téléphone. La chronique révèle que c’est lui qui a hissé le service de rhumatologie dans le petit monde des lieux de soins les plus pointus de l’hôpital de la CNPS. Ici, le poste de soins des infirmières est un lieu central. Il y a un va‐et‐vient incessant. C’est le bureau des doléances du service, on vient râler pour tout un tas de raisons. Avec ses «deux têtes et ses mille bras» (selon les mots d’une secrétaire médicale), Véronique Akono qui a reçu Essimi Menyé en début d’après‐midi du 26 septembre 2015, prête une oreille au reporter. Pour elle, autant commencer par la bonne nouvelle. «Le ministre est malade, nous nous employons à stabiliser son état dans la probabilité d’une évacuation sanitaire», dit‐elle. Elle montre du doigt le volumineux dossier médical de l’ex‐ministre des Finances. Toujours tenue en bonne place sur la table centrale du poste de soins, la paperasse confirme que Essimi Menyé a été interné ici une semaine avant le réaménagement du gouvernement du 02 octobre 2015. Selon Véronique Akono, un regroupement de services mutualise les moyens autour du seul cas de l’ex‐Minader. En effet, au chevet de ce dernier, sont aussi intervenus des spécialistes d’orthopédie et de traumatologie. «Il y a plus de cinq spécialistes», lâche la cadre de pôle. Naomie, une infirmière, fait équipe avec Véronique. Naomie est très pro. Face au Pr Philippe Voundi, elle détaille la nuit de l’ancien ministre: «Après les transmissions, j’ai administré le premier produit vers 22 heures et le second vers 04 heures 30. Je n’ai pas noté de mauvais signe.» Question du spécialiste: «Et après, avez‐vous observé si ses mouvements ne suscitent aucune inquiétude particulière?»
Négatif. Cela est sur la ligne des hypothèses médicales. «Le mal de ce patient est celui dont lʹévolution est la plus capricieuse et donc la plus imprévisible. Il est particulièrement difficile de prédire la durée de vie dʹun homme chez qui on découvre cette pathologie. Chaque malade est donc, comme souvent en médecine, un cas particulier. Dans cet ultime combat, lʹépuisement, la douleur, les facultés physiques et intellectuelles varient avec la résistance personnelle du malade et ne répondent à aucune loi statistique.», analyse Pr Philippe Voundi. 237online.com Aux questions insistantes du reporter sur certains détails, le praticien se dit tenu par l’obligation de «respect général et absolue» du secret médical.
Tout au plus, il ironise qu’«il y a une façon de ne pas mentir: cʹest de ne rien communiquer aux tiers à propos de la maladie d’un patient. Cela ne sert à rien d’alimenter la presse en confidences». Toutefois, selon nos informations, l’ex‐Minader a été victime d’un violent mal de dos alors qu’il se trouvait dans une exploitation agricole. Située dans la colonne vertébrale, la douleur a été le seul signe qui a obligé l’entourage à précipiter Essimi Menyé à l’hôpital de la CNPS, selon une source. Laquelle précise d’ailleurs que le dossier d’évacuation sanitaire du statisticien avait déjà reçu le OK de la présidence de la République.
Rencontrés, deux proches du malade le confirment. Même s’ils n’ont toujours pas de nom à mettre sur la maladie dont souffre leur fils. Ils cherchent encore des réponses. Etrangement, tous les parents interrogés ont la même phrase à la bouche, sans doute à force de l’entendre dans celle des médecins.
Ils la répètent en boucle, comme s’ils avaient fini par l’apprendre par cœur:
«Vous savez, en médecine, on est très fort dans tout ce qui est mécanique. Mais pour le reste… on en est aux balbutiements.»  

«ESME»
Pour appeler Essimi Menyé ici, un acronyme est sorti spontanément de la bouche d’anonymes. Au fil de plusieurs conversations avec quelques gardes-malades, l’on apprend que «pour contourner les agents de renseignements infiltrés dans l’hôpital, on a esquissé et balancé un nom impossible.» Au moins, panel après panel, l’improbable bruit de fond policier se confirme ici. Barnabé, un garde malade, pointe du menton trois hommes qui, de l’étage supérieur, toisent l’entrée principale. «Ils sont policiers», dit‐il. Le nez sur le panneau affichant les différents pavillons, d’autres flics, sourire ironique en coin, font semblant de ne rien faire. Georges, préposé à l’accueil, raconte que ces «gens ont patrouillé trois fois hier devant la chambre d’Essimi Menyé». A quelques rares exceptions près, les responsables de la formation sanitaire s’abstiennent dans leurs commentaires, d’insister trop lourdement sur cette présence policière. Dans le parking de l’hôpital, les plaques d’immatriculation parlent d’elles‐mêmes. Beaucoup de voitures appartiennent à «high class». Certainement des amis venus aux nouvelles.

 

Jean‐René Meva’a Amougou

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