Rebecca Enonchong

Rebecca Enonchong : « Internet est l’oxygène de l’économie numérique »

Economie

La Pca de ActivSpaces Rebecca Enonchong déplore les interruptions, le coût élevé de l’Internet et évoque d’autres pesanteurs qui plombent le développement de ce secteur où foisonnent de nombreuses startups.

L’écosystème numérique a-t-elle des caractéristiques particulières en Afrique?

Je dis souvent que ‘’to be an entrepreneur, you have to be crazy, to be an entrepreneur in Africa, you have to be really mad’’ tout simplement parce que le point de départ est tellement loin des besoins de l’entrepreneur que dans les autres parties du monde. Déjà, l’accès à internet qui est très coûteux sur le continent, bien plus coûteux que dans les autres continents. Et je dis toujours que l’internet c’est l’oxygène de l’économie numérique et on doit la rendre plus disponible, moins coûteuse.

Ce sont ces points de départ. Aussi, il y a un problème culturel. C’est-à-dire que nos parents, nos dirigeants ne comprennent pas bien parce que ce n’est pas palpable. On ne comprend pas ce que c’est de créer une application qui a des téléchargements dans le monde entier. On ne comprend pas encore comment on peut gagner nos vies et comment on peut contribuer à l’économie à travers cette économie digitale. Justement, c’est notre devoir de sensibiliser nos parents, nos communautés et les autorités.

Quel est l’impact d’Afrilabs dans l’univers numérique ?

Afrilabs a 320 membres dans 51 pays et ces membres soutiennent une communauté de presque 1,5 millions d’entrepreneurs. C’est une force et on voit l’impact de cette force. Regardez déjà les financements que cette communauté a reçus. Je veux dire les startups qui sont dans cette communauté réussissent. Nous avons vu en 2021 un montant record d’investissement dans les startups africaines. On est à 4 milliards de dollars d’investissements et déjà en 2022, les chiffres sont extraordinaires. On a aussi nos startups ici au Cameroun que nous avons soutenues qui réussissent à lever des fonds en termes de millions de dollars.

Je pense que cet impact est considérable. Et donc nous devons continuer. Les premières étapes ont consisté à soutenir les startups, soutenir l’écosystème, les hubs qui eux soutiennent les startups. Je pense que le prochain pas, et celui sur lequel on travaille le plus en ce moment, c’est justement la collaboration avec les gouvernants pour essayer de les sensibiliser, qu’ils comprennent réellement quelle est la problématique que vit cette communauté (ces startups, ces entrepreneurs) et quels sont les meilleurs moyens de les accompagner.

Vous fustigez la taxe sur le Mobile Money. L’économie numérique est-elle une économie à part ? Les startups font des bénéfices. Pourquoi elles ne devraient pas être taxées ?

Je pense que toute société qui fait un bénéfice devrait payer des taxes, mais on ne parle pas de ça. Ici, on est en train de taxer l’innovation. Quand on a des espèces, est-ce qu’elles sont taxées ? Quand on fait un virement bancaire, il n’est pas taxé. L’argent qui est assis dans notre compte en banque n’est pas taxé. Pourquoi est-ce qu’on va taxer notre portefeuille parce qu’il est numérique ? C’est taxer l’innovation. C’est décourager l’innovation parce que justement avec ces moyens numériques, avec cette innovation, nous arrivons à voir plus de personnes qui ont accès aux services financiers et donc nous devons encourager cette innovation.

Je pense qu’il y a totalement un manque de compréhension. Si on parle justement du Cameroun, je parle du fait qu’en même temps, on a lancé le développement de cette startup Act qui est donc un ensemble de lois qui vont soutenir l’écosystème et les entrepreneurs numériques, en même temps on lance la taxe contre l’innovation parce que la taxe sur le Mobile Money, c’est une taxe contre l’innovation. On ne peut pas faire les deux. Ça veut bien dire que nos gouvernants n’ont pas encore compris l’importance de cette économie numérique. La création de ces emplois, la richesse que l’économie numérique apporte des millions et des millions d’emplois à travers le continent, une plus-value en termes de croissance. Si on a vraiment compris cet impact, on doit traiter l’économie numérique comme une industrie comme une autre.

Sur quels points faut-il travailler pour que l’écosystème de l’innovation soit vraiment en marche ?

La première chose, c’est de respecter l’économie numérique comme une qui peut contribuer autant que le pétrole, l’agriculture, les autres industries que nous connaissons et qui apportent une plus-value. On ne la respecte pas assez. On voit ces jeunes qui sont milliardaires parfois ou en tout cas ont le potentiel de l’être et on les traite comme si des jeunes qui s’amusent. Ensuite, l’encadrement. Parce que cette économie est unique dans le sens où elle bouge très vite. Donc on ne peut pas attendre des mois pour avoir un accord, un agrément. Donc il faut qu’on trouve un moyen de rendre un peu plus fluide et rapide l’obtention des agréments et des documents dont les startups ont besoin pour évoluer.

Quel regard portez-vous sur les restrictions d’internet qu’on observe en Afrique ?

Je pense que les autorités encore une fois ne comprennent pas l’importance de l’internet. Dans l’économie numérique, l’internet c’est notre oxygène. Sans cela, on ne peut pas prospérer. Au lieu de couper et censurer, ils devraient rendre cette oxygène plus disponible, moins couteuse à plus de personnes. C’est un droit. On en a besoin comme on a besoin d’eau, d’électricité. C’est essentiel pour le développement de l’économie numérique.

Mathias Mouendé Ngamo / 237online.com

Tagged

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *