Pulcherie Feupo : “Les Eton ont leurs ancêtres dans les Bamboutos”

L’auteure installée en Suisse et qui dedicace L’âme meurtrie d’Anouck vendredi prochain à l’Institut francais de Douala propose des assises nationales contre la montée du tribalisme au Cameroun.

Vous avez écrit des nouvelles par le passé, pourquoi aujourd’hui « L’âme meurtrie d’Anouck » ?

Dans le cadre de mon travail, j’ai rencontré des jeunes entre 15 et 17 ans qui, lorsqu’on leur posait des questions sur leurs origines, ils étaient perdus. Ils n’étaient ni Suisses ni Noirs et se sentaient rejetés par tous. Lorsqu’ils rencontraient des autres jeunes qui étaient de chez eux et qui parlaient leur langue, ils étaient également perdus. Ce constat c’est fait aussi ici au Cameroun où j’ai rencontré des jeunes dont les familles vivaient comme si elles étaient en Occident. Ceci m’a donné l’envie d’éveiller les consciences sur les difficultés que peuvent rencontrer des jeunes ici et là-bas, ceci à travers le personnage d’Anouck.

Il y a tout de même un message d’espoir malgré la meurtrissure ? Comment pouvez-vous le formuler pour mettre en appétit les lecteurs?

Il y avant tout un message de sensibilisation. En effet, l’immigration et l’intégration d’Anouck n’ont pas été faciles parce qu’elle n’y a pas été
préparée. Pour les familles qui envoient des enfants en Occident, il est important qu’elles s’interrogent sur les mécanismes d’intégration auxquels
leurs enfants seront confrontés, sur les chemins à parcourir avant de trouver sa place en Occident. Il y a des gens qui n’y arrivent pas, se perdent et
souvent, plus tragiquement, se suicident. Depuis la sortie du livre, je rencontre plein de gens, des associations qui ont des questions autour de
l’immigration et de la meilleure manière d’y préparer leurs enfants ; ce qui montre la gravité de cette problématique qui grandit tous les jours.
D’ailleurs, Mme Danielle Manin, responsable de la Coordination asile et migration riviera à Vevey (Suisse) s’inquiétait encore, il y a une semaine, du
devenir de tous ces jeunes dont elle a tenu à ce que j’en parle lors de ma dédicace. Néanmoins, il y a un message d’espoir parce qu’Anouck fini par y
trouver sa place et même, à trouver dans la société occidentale où elle s’est installée, des ressemblances avec les valeurs de chez elle.

La question des identités que vous abordez est au coeur de l’actualité au Cameroun, comment vous situez-vous dans ce débat ?

Le climat actuel fait état d’une montée du tribalisme et invite à une mise en place des assises des identités nationales. Il est important en pareil
circonstance, d’oeuvrer pour le renforcement du sentiment d’appartenance nationale, à travers une prise de conscience réelle des identités
régionales, afin d’y déceler ce qui nous rassemble plus que nous divise. Quand on sait que les Bétis sont des peuples Bantou et les Bamilékés, des
peuples Bantou-soudanais, on s’aperçoit vite que ce sont des peuples cousins ; et lorsqu’on sait que les peuples Eton ont leurs ancêtres dans les
Bamboutos, on est plus prudent dans le propos. Pourquoi pas faire travailler de manière collégiale plusieurs corps de métiers (enseignants,
anthropologues, historiens, sociologues) autour d’un manuel scolaire et revenir à la 15 de minutes quotidiennes comme par le passé, consacrées à la morale, mais pour cette fois, la consacrer aux identités nationales ? Propos recueillis par Claude Tadjon

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