Envoûtements, rituels mystiques, sacrifices, disparitions inexpliquées… Depuis quelques années, le Cameroun est pris dans la tourmente de l’occulte, notamment avec le développement du commerce des « portefeuilles magiques » et autres fétiches aux promesses de gains faciles. Mais derrière ces espérances se cachent bien souvent désillusions et drames, comme le montre le témoignage de Martine, rescapée de cet engrenage mystique.
« Ton portefeuille ne sera jamais vide. Dès que tu prends un billet, il est automatiquement remplacé ». C’est par ce genre de phrases alléchantes que démarre bien souvent le pitch des féticheurs, ces individus aux pratiques occultes promettant richesses et succès rapides grâce à certains objets ou rituels surnaturels. Parmi leurs produits phares : les fameux « portefeuilles magiques » qui se rempliraient continuellement de billets.
Prise dans la spirale, Martine a vécu un enfer Comme beaucoup de Camerounais en proie à des difficultés financières, Martine, la cinquantaine, a un jour cédé à ce discours enchanteur. « Ma boutique battait de l’aile, je n’arrivais plus à nourrir mes trois enfants », explique-t-elle. « Un ami m’a mise en contact avec ce féticheur, un certain Professeur Salim, qui m’a promis monts et merveilles. Il m’a vendu son portefeuille 300.000 Fcfa en échange de quoi je devais effectuer certains rituels…«
Le début de la spirale. Car très vite, les choses se corsent. « Au bout de quelques mois, le portefeuille ne fonctionnait toujours pas. Mais à chaque fois le féticheur me demandait plus d’argent pour effectuer de nouveaux sacrifices… J’ai vendu ma boutique, puis ma voiture pour continuer à le payer. Mais rien n’a marché ». En 5 ans, Martine lui aura versé plus de 15 millions Fcfa, avant de finir ruinée, endettée et dépressive.
Des promesses illusoires aux conséquences dramatiques Comme Martine, des milliers de personnes au Cameroun et en Afrique tombent chaque année dans ce genre de spirale, victimes de féticheurs sans scrupules. Mais le plus terrible dans ces affaires ne sont pas tant les arnaques financières. Ce sont surtout les dérives que ces pratiques engendrent : meurtres rituels d’enfants, sacrifices humains, trafics d’organes et autres horreurs sont bien souvent commis dans l’ombre pour alimenter ce commerce impitoyable de l’occulte, au nom de la mystique.
Le sociologue Hubert Nzoutsi a mené une enquête approfondie sur ces réseaux. Selon lui, la majorité des adeptes sont des personnes vulnérables qui croient dur comme fer à ces solutions surnaturelles. Et sont prêtes à tout, par crédulité ou désespoir. Avec au final bien souvent désillusions, malheurs et descente aux enfers…
Le Cameroun doit briser l’omerta autour de ces pratiques rétrogrades et leurs conséquences tragiques. Tant que tabous et croyances continueront d’alimenter l’emprise de ces charlatans, la spirale continuera. Seule une prise de conscience collective permettra d’enrayer ce phénomène dramatique à la source.