Les forces de sécurité nigérianes ont arrêté, samedi dernier, 600 membres d??une secte islamiste dénommée Darul Islam, à l??ouest du pays. Mieux vaut prévenir que guérir, dit-on. Visiblement, les autorités auront choisi de retenir la leçon administrée par les affrontements qui ont opposé, il y a quelques semaines, la police aux insurgés de Boko Haram et qui avaient causé des centaines
de morts. Nul doute que Abuja veut étouffer dans l??oeuf toute velléité du genre et cela explique l??immensité des moyens déployés : pas moins de 1500 policiers pour l??opération, sans doute pour parer à toute éventualité.Mais l??arbre ne devra pas cacher la forêt. Cette affaire classée, le problème demeure cependant et il est évident qu??il faudra lui trouver, tôt ou tard, de vraies solutions. Les ersatz utilisés, pour spectaculaires qu??ils soient, ne sont que des palliatifs qui ne durent qu??un temps et en tout état de cause ne résoudront pas de manière durable un problème pourtant bien présent et malheureusement récurrent. On se rappelle Ken Saro Wiwa, dans sa lutte pour la reconnaissance des droits de la minorité Ogoni. Lui en mourra, mais la question lui survivra. Les revendications du MEND sont d??actualité même si elles semblent s??être calmées ces derniers temps. Une immense majorité des jeunes qui adhèrent aux sectes sont des étudiants qui se sont sentis contraints d??abandonner l??université. Autant de sentiments d??ostracisme, autant de potentiels foyers d??explosion.Le Nigéria devra, tôt ou tard, se résoudre à s??attaquer à la grosse question des inégalités, génératrices de frustrations et de sentiments d??injustice et qui, toutes, constituent un terreau fertile où prennent facilement racine des extrêmismes de jeunes désoeuvrés qui rêvent d??une vie meilleure. La religion, dans ce contexte, sert bien de paravent facile que des gourous profiteurs et manipulateurs agitent et brandissent à leur propre profit. Elle devient alors un fonds de commerce et le mécontentement des jeunes désoeuvrés, une puissance qu??ils canalisent pour le service d??intérêts bien égoïstes. On peut malheureusement prévoir que tant que le pouvoir au Nigéria n??aura pas résolu ces questions difficiles de disparités sociales qui font se côtoyer des personnes immensément nanties et d??autres qui croupissent dans la misère, tous les efforts déployés pour résoudre le problème ne feront en fait que le déplacer.Celui qui n??a plus rien à perdre peut avoir tout à gagner en se révélant intransigeant. Le pouvoir d??Abuja doit prendre le taureau par les cornes et avoir le courage de réellement s??attaquer aux vraies difficultés. Et pour cause. Dans un pays où même les plus simples broutilles prennent vite des dimensions gigantesques, à la taille du pays lui-même, il vaut mieux ouvrir l??oeil et le bon. Ce ne sera pas une sinécure, mais il faudra inévitablement s??y atteler. C??est la stabilité du Nigéria qui l??exige.
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