MRC: Décryptage d’une volte-face audacieuse

Une caravane du MRC

Le 15 novembre dernier, le MRC prend au dépourvu la communauté nationale et internationale en annonçant in extrémiste sa non-participation au double scrutin législatif et municipal.

Ce désistement pour le moins rocambolesque est diversement appréhendé par les leaders d’opinion. Même si nul pour l’instant n’est en mesurer d’en prédire les conséquences, il va de soi que c’est un acte très fort qui impactera forcement la suite du processus démocratique au Cameroun.

Qui ne risque rien n’a rien pourrait-on dire, au égard de la décision du MRC (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun), de boycotter l’élection couplée du 09 février prochain dont l’enjeu comme on le sait n’est autre que le renouvèlement de la classe politique à l’Assemblée Nationale et au sein des collectivités territoriales décentralisées, en l’occurrence les communes. Une décision d’autant plus spectaculaire qu’elle survient quelques heures seulement avant le délai butoir de dépôt des dossiers de candidature des partis politique auprès d’ELECAM, l’organe en charge des élections au Cameroun. C’est pourquoi certains ont vite fait de qualifier ce volte-face de coup de jarnac c’est-à-dire un coup violent, habile et inattendu.

Toutefois, il convient de rappeler que le rejet de ce scrutin, dont l’importance est capitale pour tout parti politique sérieux, n’est pas l’apanage exclusif du MRC. On ne fera pas une digression en parlant du Social Democratic Front qui fut la 1ère formation politique à annoncer son retrait, avant de revenir à des meilleurs sentiments. Par contre, le leader du Front Révolutionnaire, Aimé Cyprien Olinga, et Edith Kha Walla de Stand Up for Cameroun ont été formels quant à l’idée qu’ils se font de cette échéance. À travers différents réseaux de communication, ils n’ont cessé de prêcher de manière inlassable le boycott pur et simple de cette consultation qui a leurs yeux n’a pas sa raison d’être, en raisons de nombreux griefs. Les mêmes griefs qui en fin de compte ont poussé le MRC à jeter l’éponge, si l’on s’en tient à la quintessence du point de presse accordé aux médias le 25 novembre dernier par son Président. À savoir, la non résolution de la crise qui sévit dans les deux Régions anglophone du pays et l’absence d’un code électoral consensuel.

Mais Paradoxalement, nombreux sont ceux qui dans le camp d’en face, notamment certains militants du RDPC et quelques alliés, n’accordent aucun crédit aux insinuations de Kamto. Ils soutiennent bec et ongle qu’elles sont erronées et ne devraient pas être pris pour argent comptant. Ces derniers prétendent que si Kamto et ses militants avaient tant à cœur le problème anglophone, ils n’auraient jamais attendu le dernier jour de dépôt de dossier à Elecam (Election Cameron) pour annoncer cette démission.

Le cas le plus illustratifs de cette thèse est celui du Ministre Délégué Jean De Dieu Momo qui n’a pas raté l’occasion de titillé son frère de l’Ouest : « le Présidant du MRC a évité une écrasante et humiliante défait » affirme-t-il avant de continuer « monsieur Kamto proclamait à tout vent qu’il est le président élu tant et si bien que certains ont cru à cette fable ubuesque. À l’épreuve de la constitution des dossiers de candidature, qui est le plus grand casse-tête de la politique, il s’est vite rendu compte qu’il avait rêvé trop grand et qu’il allait au-devant d’une raclée électorale mémorable qui achèvera à coup sûr son rêve en couleur d’accéder à la magistrature suprême à partir de sa tribu. » Toujours selon cette publication attribué Fo’o Dzakeutonpoug, le MRC n’a pu constituer que 36 listes sur 360 communes et 17 listes pour les législatives. Cette information est également relayée par Simon Meyanga, l’un des communicateurs du RDPC qui au passage va saler l’addition en ajoutant que le boycott du double scrutin serait un cache s*e*xe qui confirme la logique insurrectionnelle dans laquelle entend désormais s’inscrire le MRC.

Néanmoins, Tout ce qui vient d’être énoncé, devrait être pris avec des pincettes d’autant plus que l’un des cadres du MRC rencontré, va formellement démentir ses allégations en faisant savoir que son parti, rien que dans les seules Régions de l’Ouest et du Littoral, était très largement au-dessus de ces chiffres. Encore que, même en cas de fiasco, le MRC aurait eu la latitude de brandir une fois de plus le prétexte somme toute légitime du hold-up électoral, dans la mesure où le code électoral décrié par tous n’a pas été modifié. Les mêmes causes ne pouvant que produire les mêmes effets. D’autre part, les confidences de Bibou Nissak porte-parole du Président Kamto à certains de ces camarades du parti confirment à suffisance que le retrait du MRC n’était pas une décision de dernière minute : «je suis au courant de cela depuis une semaine que nous n’irons pas aux élection. Il fallait garder le secret. » Toute chose qui fait conclure Xavier Messe : « kamto n’a pas agi sur un coup de tête, même s’il n’avait pas consulté sa base, sa décision a été prise avec un comité très restreint des fidèles », c’est-à-dire bien longtemps avant la date butoir de dépôt de dossier.

Coup de tonnerre

Pour quelques observateurs moins rigolos, à l’instar du politologue Mathias Owona Nguini, il faut faire attention car ce boycott n’est pas gratuit. Il s’agit d’un stratagème de diversion bien concocté par Kamto et ses alliés de la communauté internationale, dont l’objectif est d’endormir le régime, son chef et les forces sociales qui le soutiennent, « afin de lancer de nouvelles mobilisations insurrectionnelles usant de la revendication du code électoral comme alibi, opérant de connivence avec les hooligans armés ambazoniens qui durciraient leurs actions guerrières et terroristes, avant que les voyou sectaristes de la RFG (République fédérale des Grass Fields) qui envisagent Douala comme capitale, s’invitent éventuellement dans la partie. » En outre, il fait prévaloir l’idée selon laquelle il s’agit pour MRC de rendre le Cameroun ingouvernable afin d’empêcher les élections et lancer une dynamique insurrectionnelle robuste qui mise sur le soutien des Etats-Unis. Dans ses analyses il va jusqu’à entrevoir dans ce désistement l’intention de poussé le Président Biya à la porte avec l’aide des services d’intelligence occidentale.

Les libres penseurs quant à eux font une analyse dénuée de tout sentiment partisan ou idéologique. Le Dr Richard Makon par exemple est plutôt admiratif : « sincèrement on peut difficilement faire plus noble, car cette décision acte le passage d’une solidarité passive à une solidarité active et agissante. Notre pays en a bien besoin par ses temps sombres » il fait ici allusion à la crise anglophone. Sur le motif de l’iniquité des règles électorales, le boycott du MRC se justifie aussi largement dans la mesure où il s’inscrit en fidélité des récriminations que le parti fait depuis plusieurs années maintenant. Sur ce point le MRC est cohérent avec lui-même. Dieudonné Essomba comme bien d’autres analystes s’inscrivent sur la même longueur d’onde que le Dr Makon.

Il faut reconnaitre que ce boycott qui est l’actualité la plus consommée de l’heure, fait également des remous et des gorges chaudes au sein du MRC. Les militants de ce parti qui se compte aujourd’hui par centaine de milliers se sont mobilisés avec abnégation et dans un enthousiasme qu’on avait plus vu depuis les années de braise, pour ce challenge. Certains d’entre eux qui avaient postulé à la députation et ceux qui souhaitaient être maires ou tout au moins conseillers municipaux, ont vu leur rêve volé en fumée. Mais à tous ses aigris, Le Pr Kamto à qui on attribut désormais le manteau d’autocrate répond sans ambages : « je vous donne la position du parti : le MRC n’est pas là pour distribuer des postes aux politiques, mais pour le bien-être des camerounais… Nous allons opérer un changement dans la paix… Pour cela le MRC ne part pas aux élections. » En d’autres termes, ce grand homme veut faire savoir à ses partisans qu’on ne peut pas en même temps vouloir le beurre et l’argent du beurre. C’est l’un ou l’autre. Il est donc hors de question pour ceux qui aspirent à un réel changement d’aller aux élections, pour quelques sièges, et selon le bon vouloir du RDPC. Aller aux élections dans le contexte actuel c’est cautionner et approuver la politique du renouveau diamétralement opposé à tout changement.

Stratégiquement, et quoi qu’on dise ou pense de ce boycott, le coup de jarnac de Maurice Kamto est un coup de maître, dont la portée semble échapper au simples d’esprit. Paul Biya, est dans l’œil du cyclone. « Son extrême longévité lui a confectionné l’image d’un régime dictatorial totalement anachronique … Sa fermeture d’esprit l’a poussé à prendre de mauvaises décisions sur le problème anglophone, transformant en un cancer ce qui n’était qu’une petite cicatrice. Son entêtement alimenté par sa rigidité idéologique l’a sevré de toute capacité de prospective et d’anticipation. » Contester pour ses mauvais résultats économiques, menacé par les USA, harcelé par la sécession, décrié par les ONG, il n’y avait pas meilleur moment pour clouer au pilori le régime de Yaoundé. In fine, Le retrait du MRC est un très mauvais coup pour la stratégie du régime de redorer quelque peu un blason terni. Ce refus de participer qui sera certainement suivi par une frange de l’opposition est une terrible pression sur le régime de Biya.

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