Le Cameroun : Une énigme économique

Voici un pays qui est une véritable intrigue. Classé 21e à l’Indice de Développement Humain, soit quatorze places devant la Côte d’Ivoire classée au 35e rang, le Cameroun étonne.

L’IDH est un indice du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) qui classe les pays en fonction de la qualité de vie des citoyens. En somme, les IDH permettent de comparer les pays en fonction des niveaux de développement humain.

Plus les IDH sont élevés plus on pourra considérer que les habitants de ces pays vivent bien. Par exemple, en haut du classement mondial on retrouve des pays comme la Norvège, la Suisse et Hongkong, Singapour etc.

En Afrique c’est évident les pays émergents comme Maurice et l’Algérie qui sont au sommet. L’Afrique du Sud, la Tunisie, le Cap Vert et le Maroc sont aussi parmi les 10 premiers.

Dans l’espace CDEAO, le Ghana 14e occupe la meilleure place, devant le Sénégal et la Côte d’Ivoire 34e. Pour classer le Cameroun au 20e africain, le PNUD a pris en compte l’accès aux soins, à l’éducation, à l’électricité, les revenus par habitant et même l’espérance de vie.

Retrouver le Cameroun dans de tels domaines essentiels à la dignité humaine, devant la Côte d’Ivoire peut étonner. Voici les critères qui sont pris en compte pour effectuer cette moyenne :

  • la disponibilité d’eau potable,
  • l’alimentation saine,
  • disponibilité en logements décents,
  • la bonne hygiène,
  • le niveaux des soins médicaux,
  • le niveau d’éducation de la population,
  • la longévité (mesurées par l’espérance de vie à la naissance) etc.

En la matière le pays de Paul Biya, SUR L’ENSEMBLE DE SON TERRITOIRE, est loin devant la Côte d’Ivoire. Beaucoup seront surpris, mais c’est la réalité. Il faut le savoir, la première économie d’Afrique Centrale (CEMAC) est aussi l’une des plus diversifiées du continent noir.

C’est la grande force du Cameroun. Cacao, coton, banane, ananas, oui ils sont très forts, mais aussi industrie, service, commerce et pétrole. Ils ont su grâce au secteur privé diversifier les pans essentiels de leur économie.

Le Cameroun performe, et il le fait sans véritablement s’endetter. À 33% du PIB (2018), le Cameroun est tout simplement l’un des pays parmi les moins endetté du continent africain. Encore plus étonnant !

Vous avez bien lu : le ratio de la dette publique au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Ghana, en Angola, et même au Rwanda est supérieur pour chacun de ces pays à celui du Cameroun. Par exemple le Congo est trois fois plus endetté que le Cameroun.

Le Tchad l’un des pays parmi les plus pauvres d’Afrique, est lui aussi plus endetté que son voisin camerounais. Et depuis 2017 cette situation s’est empirée, puisque le Tchad qui tire l’essentiel de ses ressources financières de l’exploitation du pétrole n’a pas pu résister à l’effondrement des cours à l’international en 2016.

Et selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI) qui a traîné les pieds pour aider, le pays d’Idriss Deby Itno, le Tchad a été obligé de contracter un prêt de 30 milliards de Fcfa auprès du Cameroun pour assurer les salaires des agents publics. De mémoire je ne me souviens pas d’un pays d’Afrique noire qui a prêté de l’argent à un autre au cours des 10 dernières années, hors situation exceptionnelle.

Biya comme Houphouët en son temps, qui paye les salaires de ses voisins. Ça c’est fort, et c’est surtout concret en termes de solidarité panafricaine. Bon la réalité géopolitique est que du même coup, Biya s’assure du soutien immédiat de la puissante armée tchadienne en cas de troubles sécuritaires. Donnant donnant …

En proie à une terrible rébellion à l’ouest et dirigé par un pouvoir clanique, vieillissant et corrompu, le Cameroun tient malgré tout à flot grâce à une économie diversifiée et résiliente. La baisse des cours du pétrole n’a pas freiné l’essor du pays qui étonne tous les observateurs.

Incapable de maintenir les délais de construction des stades, le Cameroun s’est vu retirer la CAN. Après le sentiment de honte nationale, les camerounais dont l’humour est aussi satirique que celui des ivoiriens, ont eu un slogan : « mieux vaut un bon Ndole crevette sur la table, qu’une fausse CAN ». En somme ils ne mangent pas CAN.

Maigre consolation, mais c’est un fait, l’économie du pays, pour ce qui a trait à l’IDH, se porte étonnement très bien. Le taux de pauvreté qui accompagne ces données est de 10 points supérieurs en Côte d’Ivoire, notamment au Nord, en partie due à la longue période de crise 2002 – 2011 (37 % de taux de pauvreté au Cameroun contre 46% en Côte d’Ivoire selon l’INS).

Jean Christian Konan

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *