Joseph Le, fraîchement installé à la tête du RDPC dans la région de l’Est du Cameroun le 22 avril, hérite d’une mission presque impossible. Face à une fronde ouverte des caciques régionaux et des fractures historiques entre clans, le ministre de la Fonction publique doit rassembler un parti divisé à quelques mois de la présidentielle. Entre démission spectaculaire d’un ancien ministre et rivalités tenaces, cette nomination révèle les profondes fissures qui menacent l’unité du parti au pouvoir dans cette région stratégique.
Tensions explosives et réseaux d’influence : les coulisses d’une ascension contestée
La cérémonie triomphale orchestrée à Bertoua sous l’égide de Jean Nkuete n’a pas suffi à masquer les divisions. « On ne boude pas une décision supérieure », a martelé le secrétaire général du comité central, dans une tentative à peine voilée de calmer la fronde. Les signes de fracture sont pourtant évidents, notamment avec la démission fracassante de Michel Ange Angouing, qui a publiquement récusé sa participation à la délégation du Haut-Nyong pour ne pas « embarrasser » le nouveau chef régional.
Derrière cette investiture se cache une longue bataille d’influence qui remonte à 2018, après le décès de Mongui Sossomba. Joseph Le, ambitieux et déterminé, s’était déjà positionné pour le poste, avant que Paul Biya ne lui préfère Bernard Wongolo. Sa persévérance a finalement payé, cinq ans plus tard, malgré l’opposition farouche des élites locales.
Les échecs électoraux de ses protégés en 2020 illustrent parfaitement cette résistance. « Les membres du parti se sont offusqués de ses méthodes jugées irrespectueuses, notamment lorsqu’il a invité le patriarche Ze Nguele via une simple lettre manuscrite. En Afrique, c’est un crime de lèse-majesté », confie un responsable local du RDPC.
L’atout majeur de Joseph Le reste son réseau à Yaoundé, notamment sa loyauté indéfectible envers la Première Dame, Chantal Biya. Son parcours, de journaliste à la CRTV jusqu’au gouvernement, doit beaucoup à cette connexion privilégiée, initiée par Anne Marthe Mvoto qui l’introduisit auprès de Rosette Mboutchouang, mère de Chantal Biya.
À 60 ans, cet amateur de VTT et de bons vins dispose désormais d’un pouvoir considérable, mais la tâche s’annonce ardue. Peut-il véritablement rassembler un parti fracturé alors que ses détracteurs lui reprochent d’être un technocrate parachuté n’ayant jamais affronté le verdict des urnes ? La présidentielle qui approche constituera le véritable test de cette nomination controversée.
Saura-t-il transformer ses réseaux d’influence en véritable leadership régional capable de mobiliser massivement pour Paul Biya ?