Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la scène des relations internationales semble devenue le théâtre d’un festival de démence dont les airs musicaux ne sont pas sans rappeler la danse de Saint-Guy ; « ça va dans tous les sens », comme on a coutume de le dire trivialement.
Le bureau de la Fédération Internationale de Football Association, sous la férule de son Président Gianni Infantino, parce que « grandement attaché aux principes du droit », a donc décidé, sur « recommandations du Comité International Olympique », des mesures suivantes à l’encontre de la campagne militaire ukrainienne de Poutine :
« – Aucune compétition internationale ne sera disputée sur le territoire de la Russie, les matches à domicile, devant dorénavant se jouer sur terrain neutre et à huis clos ;
- Quelle que soit la compétition à laquelle elle sera amenée à participer, l’association membre qui représente la Russie se présentera sous le nom de « Fédération Russe de Football » (« RFU ») et non celui de Russie ;
-Aucun drapeau ni aucun hymne de la Russie ne seront utilisés lors des matches auxquels participeront des équipes de la Fédération de Football de Russie ».
Sans faire droit à Vladimir Poutine de son aventure géostratégique en cours, ni de sa volonté de puissance, il faut s’indigner de ce que la FIFA, en se fendant d’un tel charabia juridique et de cette surprenante confusion des genres, a déplacé son ballon de football là où il n’aurait jamais dû se retrouver.
La FIFA est certes un sujet de droit international, mais son terrain de jeu n’est pas celui-ci !. De quoi la FIFA, ce sanctuaire de la corruption et de la prévarication (qui curieusement, se dit « grandement attachée aux principes du droit ») se mêle-t-elle ? Créée en 1904 au 229 rue Saint-Honoré à Paris, est-ce en 2022, plus d’un siècle après sa création et ses sacro-saints principes, que l’institution faîtière du football mondial est témoin sur la scène du monde d’une violation flagrante et grossière du droit international, en l’occurrence l’invasion, voire l’annexion d’un Etat souverain par un autre, au mépris de la Charte des Nations Unies ? Où était la FIFA, pour ne citer que cet exemple, lorsque sous la bannière de l’OTAN fut détruite la Libye de Kadhafi, au mépris du mandat du Conseil de Sécurité des Nations Unies, fragilisant dans un dramatique effet domino une moitié du continent africain ?
Le Comité International Olympique, duquel la FIFA prétend recevoir « des recommandations », s’est-il indigné lorsque Adolph Hitler, en 1936 à Munich, a dédaigné serrer la main du médaillé d’or américain Jesse Owens, parce qu’il était nègre, parce qu’il était petit-fils d’esclave nègre ? Non ! Hitler était en passe de se hisser sur le toit du monde. La FIFA qui se dit « grandement attachée aux principes du droit », n’a-t-elle pas attribuée l’organisation de la prochaine coupe du monde au Qatar, cette pétromonarchie où les principes du droit et les droits humains sont l’exception, parce qu’elle dispose d’un trésor de guerre qui achète tout, y compris les saints et les plus puissants ?
On pourrait expliquer ces errements opportunistes de la FIFA sur le terrain glissant et miné du droit international par les ennuis judiciaires de son Président actuel. Gianni Infantino pourrait se retrouver à tout moment dans les filets du FBI et de la justice américaine. Il le sait. Sa décision à l’endroit de la Russie, ce précédent inédit, fâcheux et dangereux, cette position hors-jeu comme on en a jamais connue, affaiblira davantage cette institution multilatérale dont l’aura et la respectabilité, sont chaque jour un peu plus ternies par des parfums de scandales et d’insoupçonnables pactes de corruption.