Une bouffée d’oxygène controversée vient d’être accordée à l’une des institutions financières les plus fragilisées du pays. Le Crédit Communautaire d’Afrique-Bank (CCA-Bank) a obtenu un financement de 15 millions d’euros (environ 7 milliards FCFA) de la Société islamique pour le développement du secteur privé (SID), filiale de la Banque islamique de développement. Cette opération, annoncée le 24 avril 2025, intervient alors que l’établissement traverse une crise de liquidité préoccupante qui suscite des interrogations sur sa viabilité.
Financement bancaire : une perfusion qui masque des problèmes structurels
Ce prêt accordé par la SID est officiellement destiné à soutenir les PME locales dans trois secteurs stratégiques : l’agroalimentaire, les transports et les soins de santé. Une ambition louable mais qui soulève des questions.
« Ce financement ambitionne de soutenir les PME locales en facilitant des investissements productifs ayant un impact notable sur le développement », indique le communiqué conjoint publié par les deux institutions.
Cependant, des sources internes au secteur bancaire camerounais révèlent que CCA-Bank fait face à des difficultés structurelles majeures depuis plusieurs trimestres. L’établissement, autrefois fleuron de la microfinance avant sa transformation en banque commerciale, peine à assurer ses engagements.
« Leur ratio de solvabilité est préoccupant et plusieurs clients institutionnels ont retiré leurs dépôts ces derniers mois », confie sous couvert d’anonymat un analyste financier à Douala.
Les difficultés de trésorerie se manifestent notamment par des retards dans le traitement des opérations courantes et des restrictions sur les retraits importants, provoquant la méfiance d’une clientèle déjà échaudée par les précédentes défaillances bancaires au Cameroun.
Plusieurs agences dans les villes secondaires ont discrètement réduit leurs activités, et le personnel, qui n’a pas souhaité s’exprimer officiellement, évoque des retards de salaires et une ambiance de travail tendue.
L’annonce de ce financement s’accompagne d’une volonté affichée de développer la finance islamique au Cameroun, un secteur encore embryonnaire. CCA-Bank affirme avoir mis en place une structure dédiée avec comité de conformité islamique et solutions technologiques spécifiques.
Cette diversification pourrait-elle être une stratégie de survie plus qu’une véritable vision de développement? La question mérite d’être posée, alors que l’institution doit faire face à une concurrence accrue dans un marché où les grandes banques panafricaines gagnent du terrain.
Dans un contexte où les PME camerounaises, représentant 99% du tissu entrepreneurial et générant 67% des emplois, peinent à accéder au financement traditionnel, ce nouveau partenariat avec la SID pourrait néanmoins offrir des alternatives, si toutefois la banque parvient à surmonter ses propres défis.
Pensez-vous que ce financement suffira à redresser la situation de CCA-Bank ou s’agit-il simplement d’un pansement sur une plaie plus profonde?