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Conseil constitutionnel : Cet outil de légitimation des coups d’Etat en Afrique

lieutenant-colonel Damiba

La prestation de serment hier mercredi 16 février du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui a renversé le 24 janvier 2022 Roch Marc Christian Kaboré, soulève des questionnements réels sur la place de cet instrument dans la stabilisation des institutions républicaines.

Une situation burlesque transmise par la radiotélévision du Burkina Faso. Le nouvel homme fort du pays, tout juste lieutenant-colonel, emmitouflé dans sa tenue militaire, le béret rouge vissé au crâne, seules les couleurs nationales portées en bandoulière indiquent la solennité du jour, est assis en retrait, les traits tirés. Comment celui qui en renversant le président Roch Marc Christian Kaboré, réélu avec 57,74% des voix au premier tour de l’élection présidentielle du 22 novembre 2020, a-t-il réussi le tour de passe-passe pour prêter serment devant tout un Conseil constitutionnel qui avait été déchu avec la suspension de la constitution le jour du coup d’Etat avant d’être réhabilité par la suite ? Cette institution dont la mission est de veiller au respect scrupuleux de la Constitution, autant dire la protéger, a reçu ce jour le serment donné de veiller sur son application par celui qui hier la piétinait sans vergogne.

Pour réussir son gris-gris, il avait dans un premier temps réhabilité la constitution, juste comme on peut le penser, pour donner une légalité à cette structure qui à son tour devrait légaliser ou légitimer le coup de force. Les putschistes avaient au préalable forcé le président déchu de signer sa lettre de démission, comme il en avait été au Mali et en Guinée. C’est donc cette lettre de démission présidentielle qui fonde la Cour constitutionnelle à constater la vacance au sommet de l’Etat du Burkina Faso. Mais contrairement à ce qu’on se serait attendu dans la logique même de la protection des prescriptions constitutionnelles, on a vu plutôt les sages de cette auguste juridiction, sombrer dans la forfaiture.

En premier lieu, la Constitution burkinabè adoptée par référendum, le 02 juin 1991, est très claire en son article 43. « En cas de vacance de la Présidence du Faso pour quelque cause que ce soit, ou d’empêchement absolu ou définitif constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement, les fonctions du Président du Faso sont exercées par le Président du Sénat. Il est procédé à l’élection d’un nouveau président pour une nouvelle période de cinq ans », prescrit-elle. Dans ce cas, on se demande comment le gouvernement démis a pu saisir le Conseil constitutionnel.

Vacance du pouvoir

Ensuite, en restant fidèle à la constitution rétablie, les putschistes n’entrent pas dans la ligne des personnalités légitimées à assurer la transition en cas de démission du président de la République. L’autre difficulté qui embarrasse tous les légalistes avec cette prestation de serment, est le fait que le nouvel homme fort n’indique en rien un chronogramme de retour à l’ordre constitutionnel comme le veut la Constitution en pareille circonstance. « L’élection du nouveau président a lieu soixante jours au moins et quatre-vingt-dix jours au plus après constatation officielle de la vacance ou du caractère définitif de l’empêchement », prescrit toujours l’article 43. Le Conseil constitutionnel a fermé les yeux sur cette exigence, fragilisée lui-même par le coup de force.

Le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba avec les siens, viennent d’arracher à nouveau un pan de légitimation, après celle obtenue par la force légitime, voici celle obtenue par la force de la loi. Toute chose qui indique que la junte a tout son temps pour faire comme bon lui semble, la loi fondamentale étant dans une sorte d’antichambre clair-obscur, misuspendue, mi- rétablie. Qu’on se souvienne en Côte d’Ivoire à l’élection présidentielle contestée du 28 novembre 2010. Le 3 décembre 2010, Yao N’dré, le président du Conseil constitutionnel, avait proclamé Laurent Gbagbo réélu avec 51,45% des suffrages. Dans la foulée, il prêtait serment le samedi 4 décembre. Devant le même homme, Alassane Ouattara, prêtera serment, pour la même élection remportée, cette fois au mois de mai 2011.Le Conseil constitutionnel est de ce fait au cœur de tout le bazar.

Léopold DASSI NDJDIDJOU / 237online.com

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