Coin du droit: La place du témoin dans la procédure pénale au Cameroun

Palais de justice de Douala

En droit camerounais, il existe plusieurs modes de preuves. Le témoignage fait partie des plus utilisées en générale.
Il peut être entendu comme l’acte par lequel une personne atteste l’existence d’un fait dont elle a eu personnellement connaissance. Il n’a de valeur juridique que si la personne qui le délivre a prêté serment (article 325alinéa 2 du Code de Procédure Pénale). Par sa déposition le témoin éclaire le juge ; il représente les yeux et les oreilles de la justice. Besoin d’aide juridique ? Contactez nous à [email protected] Ce mode de preuve occupe une place de choix en procédure pénale. Et plusieurs raisons militent en faveur de cette importance :
La première raison de fond tient du fait que le témoignage des tiers parait toujours moins suspect que les déclarations de la personne poursuivie, qui pour des raisons plus ou moins avouées ou avouables peut toujours avoir tendance à s’accuser des choses qu’elle n’a pas commise ou à essayer de se dégager d’accusation dont elle fait l’objet.
La seconde raison de forme, est que le témoignage est un mode de preuve qui convient très bien au type de procédure orale et contradictoire qui prévaut à l’audience pénale.
La troisième raison de fait tient à l’étendu des questions sur lesquelles on peut témoigner au procès pénal.  Il est bien rare en effet qu’il n’y ait pas de témoin dans une affaire donnée alors qu’il peut n’y avoir ni déclaration de la personne poursuivie, ni pièce à conviction, ni indice. C’est la raison pour laquelle toute personne ne peut témoigner. Ainsi, quelles sont les conditions à remplir pour avoir la qualité de témoin ? Quels sont les droits et obligations qui y sont rattachés ? Et quelles en sont les formalités ? On distingue deux catégories de témoins :

Témoins privilégiés
Ce sont ceux qui sont liés à la justice de par leurs fonctions. Il en est ainsi des avocats, greffiers, magistrats pour les matières dont ils ne sont pas juge ou partie. C’est aussi le cas des Officiers de police judiciaire et des Agents de police judiciaire.

Témoins ordinaires
Ce sont des personnes physiques qui peuvent être appelées à éclairer la justice par leur disposition. Mais ils peuvent être frappés d’incompatibilité ou d’incapacité de témoigner.
Pour ce qui est des incompatibilités, et en considération du rôle qu’ils jouent dans une cause, certains membres des tribunaux ne peuvent être admis comme témoins. C’est ainsi qu’un juge, un greffier ou un membre du Ministère Public ne peut témoigner dans une cause à propos du jugement où il participe à la composition de la juridiction saisie. Il existe même une incompatibilité entre la qualité des personnes poursuivies dans une cause et celle des témoins. Caron ne peut être témoin de sa propre cause. Ainsi, les co-inculpés et les co-prévenus ne peuvent être témoins. Mais il peut arriver qu’une personne dans une affaire puisse successivement avoir la qualité de témoin et d’accusé. Besoin d’aide juridique ? Contactez nous à [email protected] En ce qui concerne les incapacités de témoigner, elle se justifie tantôt par l’idée de suspicion, tantôt par l’idée d’impartialité. C’est ainsi que se verront d’une part refuser la qualité de témoin les personnes présentant un lien d’alliance ou de parenté avec l’une des parties au procès. Il s’agit des ascendants et des descendants de la personne mise en cause ; ses frères er sœurs ou alliés, sa femme ou son mari même après le divorce. Toutefois, ces personnes néanmoins être entendues comme témoin si le Ministère Public, la partie civile ou le prévenu ne s’y oppose pas. Ne peuvent avoir la qualité de témoin les vieillards, les déments et les mineurs de moins de 14 ans (article 322 du Code de Procédure Pénale), sauf si ce dernier est victime de l’infraction. A la qualité de témoin sont rattachées les droits et les obligations.

Obligations du témoin
L’obligation du témoin est prévue par l’article 188 du Code qui dispose «  toute personne convoquée pour être entendue comme témoin est tenu de comparaitre  et de prêter serment avant de déposer. Si le témoin convoqué ne comparait pas, le juge d’Instruction peut décerner contre lui un mandat d’amener sans préjudice des dispositions de l’article 173 du Code Pénal ». La prestation de serment doit être faite selon la formule prévue par l’article 183alinéa 2 qui dispose que « je jure de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité ». Ce serment est obligatoire et son inobservation entraine la nullité de la déposition et même de la décision du juge lorsque celle-ci aura visé même partiellement  cette déposition qui est entachée de nullité.
Le témoignage doit être sincère. Sinon on encourt les sanctions prévues par l’article 164 alinéa 1 du Code Pénal pour faux témoignage. L’alinéa 2 du même article sanctionne la subordination du témoin (dire au témoin ce qu’il va rapporter).

Droits du témoin
D’après l’article 190 du Code de Procédure Pénale, tout témoin a droit à une indemnité fixée conformément à la législation en vigueur. Il s’agit de la taxe à témoin qui est constituée des indemnités à couvrir les frais de séjour et de voyage du témoin. Cette taxe s’ajoute au frais et dépend du procès. Elle est payée par le greffier de la juridiction devant laquelle le témoin a comparu.

Formalités du témoignage
Dans la phase d’instruction préparatoire, le témoin est entendu et non interrogé. Il doit donc parler librement. Le juge doit éviter qu’il ne se perde dans les détails et les déclarations inutiles. A la fin  de l’audition, un procès-verbal est rédigé et signé par le juge d’instruction, le greffier, le témoin lui-même, l’interprète s’il y en avait un, et éventuellement l’inculpé en cas de confrontation.
Dans la phase de jugement, le législateur camerounais a instauré dans les articles 331 et suivants des formalités empruntées au droit anglo-saxon. Il s’agit de « l’examination-in-chief » interrogatoire d’un témoin par la partie qui l’a fait citer ; de la «cross-examination »interrogatoire d’un témoin par la partie autre que celle qui l’a fait citer ; et de la « re-examination » nouvel interrogatoire du témoin par la partie qui l’a fait citer. Ces différentes formes d’interrogatoires se font selon l’ordre ci-dessus établi. Les témoins sont entendus séparément. Ils se retirent dans la salle des pas-perdus et sont introduit un à un. Il peut dans certains cas avoir la possibilité de confrontation des témoins.

Estelle Djomba Fabo
Conseiller juridique
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