Un événement protocolaire s’est subtilement métamorphosé en démonstration de loyauté politique. La cérémonie de baptême du nouveau siège de l’Assemblée nationale du Cameroun, organisée vendredi dernier à Yaoundé, a rassemblé près de 7 500 personnes pour une manifestation aux allures de meeting électoral. Loin d’une simple formalité administrative, le président de l’Assemblée nationale, Cavayé Yéguié Djibril, a orchestré un spectacle politique soigneusement calculé dans un contexte pré-électoral de plus en plus palpable.
Campagne présidentielle : le clan des « conservateurs » se positionne
Cette cérémonie, initialement présentée comme un simple dévoilement du nom « Assemblée nationale Paul Biya », s’est transformée en véritable plateforme de positionnement politique pour les tenants du pouvoir.
« Nous célébrons quelqu’un qui a très bien travaillé et nous pensons qu’il peut continuer à faire davantage », a déclaré sans ambiguïté Théodore Datouo, vice-président de l’Assemblée nationale et président du comité d’organisation de l’événement.
Le message politique était limpide lorsque Cavayé Yéguié Djibril a solennellement affirmé être prêt à « s’engager tant que ses forces le lui permettront » auprès de Paul Biya, s’affichant ainsi comme le chef de file des « conservateurs », ces partisans d’une nouvelle candidature du président sortant.
En l’absence du chef de l’État, représenté par son Premier ministre Joseph Dion Ngute, probable futur directeur de campagne, l’événement a pris une tournure hautement symbolique. Le dévoilement d’une stèle en marbre portant en lettres dorées le nom du président actuel évoque étrangement l’inauguration du palais de l’Unité par Ahmadou Ahidjo en 1982, quatre mois avant sa démission.
Dans une mise en scène méticuleusement orchestrée, Cavayé a stratégiquement décoré Bonaventure Mvondo Assam, dit « Bonivan », député du Dja et Lobo, mais surtout neveu et conseiller officieux de Paul Biya sur les questions parlementaires.
Parmi les participants triés sur le volet figuraient le lamido de Garoua, Ibrahim El Rachidine, et le sultan des Bamouns, Nabil Njoya, récemment intégrés au comité central du RDPC. Une parade de moto-taximen, groupe courtisé par les politiques, s’est également déroulée sous les yeux des partis alliés du RDPC, des associations de personnes en situation de handicap et des membres du clergé, avec à leur tête Jean Mbarga, évêque de Yaoundé.
Cette démonstration s’inscrit dans un contexte politique effervescent où les appels à candidature du président sortant se multiplient, tandis que Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence, a récemment effectué une tournée politique remarquée.
À quelques mois d’une élection présidentielle cruciale, cette cérémonie illustre la bataille souterraine qui se joue entre les partisans du statu quo et ceux favorables à un passage de témoin au sein du parti au pouvoir.
Pensez-vous que cette démonstration de force de Cavayé Yéguié Djibril pourrait influencer la décision de Paul Biya concernant une éventuelle candidature pour un neuvième mandat?