Cameroun: Voici comment le Fonds spécial Covid-19 est géré

Le premier ministre Joseph Dion Ngute

Depuis deux semaines, la gestion de l’argent consacré à la lutte contre le coronavirus au Cameroun est au cœur d’une vaste polémique. Le Premier ministre Joseph Dion Ngute vient de trancher.

À l’origine, l’affaire éclate après une publication du député du Social Democratic Front (Sdf), Jean Michel Nintcheu, largement relayée par les médias et partagée abondamment sur les réseaux sociaux. Le député de l’opposition dénonce des surfacturations et soupçonne des détournements dans les contributions financières reçues par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. Dans ce contexte, le silence officiel de rigueur n’empêche pas la gêne face à la polémique, d’un bord à l’autre de l’échiquier politique. C’est ainsi que le 22 juillet 2020, le Premier ministre Joseph Dion Ngute, signe un décret qui fixe la répartition de la dotation du Fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le Coronavirus et ses répercussions économiques et sociales au titre de l’exercice 2020.

Le montant global des ressources affectées à ce fonds est de 180 milliards de F dont presque 132 milliards de F consacrés aux dépenses de fonctionnement et 48 milliards de F destinés aux dépenses d’investissement. Il est attendu des 24 chefs de départements ministériels, bénéficiaires desdites dotations, qu’ils produisent chaque trimestre un rapport d’activité à transmettre au ministère des Finances pour consolidation. Le Minfi, précise le décret du chef du gouvernement, produit et publie un rapport semestriel sur les dépenses liées à la lutte contre la Covid-19, trente jours suivant la fin de chaque semestre. Le 23 juillet 2020, au cours de la dix-septième réunion hebdomadaire du Comité interministériel chargé d’évaluer et de suivre la mise en œuvre de la stratégie gouvernementale de riposte contre la pandémie, présidée par Joseph Dion Ngute, trois points étaient à l’ordre du jour dont celui des « modalités d’organisation, de fonctionnement et de suiviévaluation du Fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le Covid-19 ».

Au terme de la concertation qui s’est faite par vidéo-conférence, le chef du gouvernement prescrit au ministre des Finances, « de s’assurer de la bonne gestion des fonds mis à la disposition des administrations bénéficiaires et de la transparence des opérations s’y rapportant ». Ce d’autant plus que cette « gestion fera l’objet d’un contrôle semestriel et d’un audit de la Chambre des comptes de la Cour suprême ». En clair, le ministre des Finances est celui à qui incombe la gestion financière de la lutte contre la Covid-19.

Fonds alloués au Minsanté

La sortie de l’honorable Jean Michel Nintcheu emmène à s’intéresser à la gestion des fonds qui leur sont alloués au ministère de la Santé publique. Contactés par Le Messager, plusieurs responsables au sein du ministère de la Santé se sont refusé à tout commentaire sur le sujet. « Je ne suis pas le porte-parole du Minsanté, mais je crois que la dernière sortie du ministre de la Santé est très claire », a déclaré chef de service au Messager. Plus tard, nous tombons sur une décision du ministre de la Santé, Manaouda Malachie, datée du 4 mai 2020.

La décision porte création et constatation de la composition d’un groupe de travail chargé d’examiner et d’émettre un avis technique sur les projets de marchés spéciaux préparés en vue de l’acquisition des équipements, des consommables et de la réalisation des prestations dans le cadre de la mise en œuvre du plan de riposte national contre la Covid-19 au Cameroun.

L’on y apprend par exemple que le groupe de travail qui est placé sous l’autorité du ministre de la Santé, est chargé « d’examiner et émettre un avis technique sur les projets de marchés transmis, de suivre la procédure de contractualisation, d’assurer le suivi de la mise en œuvre des recommandations, et d’adresser au chef de département des rapports d’atapes sur l’évolution des dossiers ». On y retrouve des personnels des ministères de la Santé, des Marchés publics, ainsi que des experts.

Détails

Face à des soupçons sur l’utilisation des fonds décaissés pour son département ministériel, Manaouda Malachie profite du point de presse qu’il tient le 24 juillet 2020, pour apporter des détails sur les poches dépenses. D’après lui, le ministère de la Santé a jusqu’ici dépensé 20 milliards 204 millions 325 mille 314 F. En clair, explique-t-on, il s’est agi de la construction des unités d’isolement dans les villes de Bertoua, Ngaoundéré, Garoua, Ebolowa, Mandjou et Douala (Hôpital Laquintinie), et du poste de santé aux frontières de Yaoundé-Nsimalen qui ont coûté près de 2 milliard F. Egalement, la réhabilitation, rénovation et l’extension de certains pavillons à l’Hôpital central, l’Hôpital Jamot et l’Hôpital général de Yaoundé, pour les rendre aux normes d’isolement pour un montant de près 1,8 milliard de F. Le Minsanté évoque aussi l’aménagement du centre de prise en charge de Orca, y compris la centrale et le réseau de distribution de l’oxygène qui a coûté près de 800 millions de F. le membre du gouvernement indique également que l’aménagement des centres spécialisés des stades militaire et Mbappe Leppe, y compris l’équipement en matériel médical et mobilier hospitalier ont coûté près de 900 millions de F.

Tout comme l’aménagement des sites d’isolement des logements sociaux d’Olembe et Mbanga Mbakoko, y compris l’équipement en mobilier hospitalier et en matériel médical, ainsi que la réfection et l’équipement d’une formation sanitaire ont valu près de 2 milliards de F. En apportant les autres détails sur les poches de dépense, le Minsanté a soutenu que ces dépenses ont permis au Cameroun d’éviter une situation catastrophique de la pandémie. L’on retient également que 145 000 tests ont été réalisés entre mars et le 24 juillet 2020. « En y rapportant le nombre de cas positifs, on se rend compte que le Cameroun enregistre un taux de sévérité de 1,7%. En ce qui concerne le taux de guérison, le Cameroun affiche 87,5% contre un taux de létalité de 2,3%. A ce propos, on relève que le taux d’occupation des lits dans les structures destinées à assurer la prise en charge des patients est de 11,9%, soit 409 lits occupés sur les 3.500 prédisposés pour le suivi des personnes affectées par le Covid-19 », a également précisé Manaouda Malachie.

Ahmed MBALA

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