En choisissant de prononcer son allocution dans la langue de Molière, le chef de l’Etat qui s’exprime par ailleurs bien en anglais, a-t-il voulu en profiter pour faire un passer un message à ses compatriotes et davantage au monde entier? [pagebreak]Plutôt une surprise qu’une évidence, le discours du chef de l’Etat à l’occasion de la 60e Conférence de l’Association des parlementaires du Commonwealth (Apc), le 06 octobre, au palais des congrès de Yaoundé, l’aura été. C’est que le président de la République a choisi opportunément, pense-t-on, de lire son discours en français devant des parlementaires venus des quatre coins du monde d’expression anglaise, ceci à la suite des allocutions, en anglais, du président de l’Assemblée nationale Cavaye Yeguié Djibril, du délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé Gilbert Tsimi Evouna et du président du Sénat, Marcel Niat Njifendji. On se croyait donc à un exercice d’examen, mais que nenni ! Paul Biya, le chef de l’Etat, ne s’est prêté à ce jeu. En patron, il a plutôt opté pour la langue française.
Pour de nombreux observateurs pointilleux, peu importe la langue utilisée par Paul Biya qui aurait même s’exprime en foufouldé, douala, éwondo… sans que cela ne pose problème. L’essentiel n’étant pas la langue, mais le message contenu dans le discours. Surtout qu’il n’est nulle part mentionner qu’il faille absolument parler l’anglais au cours d’une assise du Commonwealth. Le président de la République a apparemment voulu lancer un message à ses compatriotes et au monde entier. D’abord, que le Cameroun est un pays bilingue avec pour langues officielles, le français et l’anglais. Des langues de travail et pas plus, qui démontrent à suffire que les Camerounais sont d’abord et avant tout un peuple uni et indivisible, ayant sa culture dans la diversité. D’ailleurs, lors de son discours à l’occasion de la célébration du cinquantenaire de la Réunification du Cameroun, à Buea, le président camerounais dans ses discours en français et en anglais, n’avait pas manqué de mettre un accent particulier sur le pluralisme linguistique camerounais. «Lorsque nous parlons d’unité nationale, nous ne négligeons pas pour autant notre pluralisme linguistique et culturel. Notre diversité fait partie de notre identité. C’est elle qui permet au Cameroun de s’adapter plus facilement aux changements induits par la mondialisation, en particulier grâce au bilinguisme », soutenait-il alors.
Pénétration. En décryptant le choix du président, de nombreux chroniqueurs avertis soutiennent que Paul Biya appelle tout citoyen à être bilingue pour son épanouissement, voire sa réussite professionnelle. Bien plus, pour eux, l’homme du 6 novembre 82 a semblé dire que le Cameroun fait effectivement partie du Commonwealth ; que le club des gentlemen n’est pas une affaire du Cameroun anglophone, c’est-à-dire, une affaire des Camerounais originaires des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. «En tant que président de tous les Camerounais, sans exception, il a voulu indiquer qu’aucune langue officielle ne saurait prendre le dessus sur l’autre», commente un enseignant. Déjà, au palais des congrès, le président du comité exécutif de la Cpa, l’Australien Sir Alan Haselhurst, qui a pris la parole avant le premier camerounais, et à la surprise de tous, a lu son discours d’abord en français, puis en anglais. Comme s’il savait que Paul Biya allait lire le sien en français et qu’il fallait lui donner raison.
Pour d’autres commentateurs, le chef de l’Etat a également voulu appeler à plus d’actions pour une plus grande pénétration du bilinguisme dans les habitudes et au modelage d’une culture nationale originale. Car sur le terrain, on constate que pendant que les anglophones fournissent des efforts pour parler le français, sans gêne des railleries, certains francophones partisans du moindre effort et de la paresse, refusent de faire de travailler en apprenant à parler la langue de Shakespeare. La journée du bilinguisme au Cameroun, célébrée le premier vendredi de chaque mois de février au cours de la semaine de la jeunesse, démontre à suffire la volonté des pouvoirs publics à encourager les Camerounais à faire usage des deux langues. Et, surtout à savoir parler et écrire l’anglais. Car, quoiqu’on dise, ou qu’on fasse, l’anglais est devenu la langue commerciale et donc, la plus répandue dans le monde. Et le « thank you very much » du chef de l’Etat, à la fin de son discours, semble confirmer son engagement en faveur du statut égalitaire entre les langues française et anglaise.
Cameroun – Sommet du Commonwealth: les dessous d’un discours d’ouverture en français
