Le clergé, les élites du Grand Nord, etc. condamnent la posture du président de la Conférence épiscopale nationale (CEN) sur les résultats du scrutin présidentiel.
Dans ce refus de soutenir les allégations de l’archevêque de Douala, son homologue de Yaoundé semble porter la voix du camp d’en face. Jean Mbarga porte la contradiction à Samuel Kleda qui met en doute la crédibilité des résultats et la transparence de la présidentielle 2018. «Avec la décision du Conseil constitutionnel, tout débat cesse», tranche le chef de la province ecclésiastique du Centre à l’édition de 13 heures du journal parlé de la Cameroon Radio and Television (CRTV) le vendredi 26 octobre 2018.
La sortie médiatique du patron de l’église catholique à Yaoundé survient trois jours après celle de Mgr Samuel Kleda qui, depuis quelques temps, se fait remarquer par des prises de position partisanes, parfois va-t-en guerre, mais toujours en porte à faux avec celles des pouvoirs publics. Lors de la conférence de presse du mardi 23 octobre 2018 à Douala, Mgr Samuel Kleda se dit «surpris par le score très élevé (89%) du président sortant à l’Extrême-Nord, une Région marquée par la pauvreté et les affres de la guerre contre Boko Haram. Qu’on nous dise que ces gens ont voté pour ceux qui les dirigent à 89 % pose sérieusement un problème». Au sujet de l’élection dans les Régions du Nord- Ouest et du Sud-Ouest, où Paul Biya a récolté respectivement 81% et 71% des suffrages exprimés, Mgr Kleda estime que «[parce que] ces Régions se sont presque vidées de leurs populations à cause de l’insécurité, les candidats n’ont pas pu faire campagne là-bas». Et s’interroge : «Alors, tous les pourcentages qu’on annonce sortent d’où ?» Sur les verdicts du Conseil constitutionnel lors des audiences concernant le contentieux post-électoral, le président de la CEN donne également son avis : «Les mots «rejeté et irrecevable». Voilà ce que la majorité de la population a retenu de ces audiences. On devrait examiner en profondeur les requêtes de l’opposition. Il y a par exemple ce recours du candidat Joshua Osih concernant l’organisation des élections dans des régions anglophones en crise. Une situation qui menace l’unité de notre pays».
MALHONNÊTETÉ INTELLECTUELLE
Même si le successeur de Cardinal Christian Tumi à la tête de l’archidiocèse de Douala appelle la population à «éviter tout recours à la violence pour résoudre des revendications de droit», dans l’opinion publique, le mal est déjà fait. L’information claire et nette. Au point que, dans une tribune publiée par le site internet , le Professeur Jean Gatsi s’interroge : «Mgr Samuel Kleda, homme de Dieu ou opposant politique ?». L’enseignant de droit à l’université de Douala pense qu’«il est inintelligent, pour un haut responsable religieux, président de la CEN, de prendre des positions publiques hasardeuses, au lendemain d’une décision de justice rendue par une haute juridiction, compétente, et dont les décisions ne font l’objet d’aucun recours. La décision de justice est une vérité dite par les magistrats. Recourir à des insinuations, à la limite scolaires, pour critiquer une décision définitive, relève de la malhonnêteté intellectuelle ».
LÂCHÉ PAR LE GRAND NORD
L’attitude de «l’archevêque de Douala [qui] refuse d’accepter que l’offre politique du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) soit plébiscitée sur une partie du territoire national» est perçue par le Pr. Gatsi comme «une insulte à l’endroit des populations de cette région». Celles-ci estiment que «Mgr Samuel Kleda ne peut pas prétendre avoir les résultats de cette partie du pays parce qu’il n’a jamais été commis observateur dans le Grand nord». Du côté de certaines élites que nous avons approchées, l’on affirme que «nous n’avons jamais mandaté ce prélat pour défendre nos intérêts parce que notre soutien à Paul Biya n’est pas conditionné ». L’illégitimité de Mgr Samuel Kleda, qui, de l’avis de plusieurs, «veut absolument ressembler à son mentor Cardinal Christian Tumi», n’est pas seulement établie dans la partie septentrionale du Cameroun. «Il est impopulaire au sein de l’église catholique où il ne peut pas gagner un élection transparente », souffle une source au sein du clergé à Douala. «Il est alors obligé de prendre des postures proches de ceux qui ne portent pas Paul Biya dans leur cœur pour s’attirer leur sympathie», poursuit notre source. Qui conclut : «Malheureusement, ça ne marche pas à tous les coups».