Cameroun: Qui est kamikaze et qui ne l’est pas ?

Le durcissement sécuritaire après les attentats-suicides à Maroua pourrait susciter des interpellations au faciès et des règlements de compte.Vendredi dernier, la nouvelle faisant état de l’arrestation d’un « Blanc » porteur de bombe a traversé Yaoundé. Informée d’une présence suspecte à la Grande mosquée de Tsinga, la police s’est immédiatement déportée sur les lieux. Après une fouille minutieuse du suspect, il s’est avéré qu’il s’agissait d’une fausse alerte. Les riverains et certains médias croyaient pourtant déjà tenir une bombe humaine à lyncher. Mal leur en a pris, car le « Blanc » en question a été tout simplement relâché.
En réalité, dresser le portrait-robot d’un kamikaze n’est pas chose aisée. Cependant, de son profil psychologique à son aspect physique et comportemental, la science a tenté de dresser un profil de ces anges de la terreur d’un autre genre. Il ressort de certaines de ces études que « contrairement à l’image du fanatique inculte, désespéré et isolé qui caractérise la plupart des perceptions à leur endroit, les kamikazes ont souvent un niveau socio-culturel relativement élevé, sans tendance naturelle au suicide. Ils sont donc malheureusement difficiles à profiler et pour corser les choses, une bonne partie des candidats aux attentats suicides recensés depuis 2001 sont originaires du pays frappé. L’état ne peut donc pas se contenter de fermer ses frontières et les meilleurs moyens de préventions sont l’espionnage et les services de renseignements », renseigne Robert Pape, politologue à l’université de Chicago.
Pour lui « Dans plus de 95 % des cas, les attentats suicide s’expliquent non par le religieux mais par l’opposition aux forces militaires étrangères». Les astuces indiquées dans ces différentes recherches pour identifier et reconnaitre un candidat à l’attentat suicide, s’ils sont importants et méritent d’être divulguées, restent cependant généraliste et décrivent pour la plupart un profil masculin, généralement adolescent, dont en proie à la révolte intérieure et en mal d’expression.

[b]Accoutrements[/b]
Les attaques récentes à Fotokol et Maroua semblent ne pas obéir à cette description faite par ces recherches. Par exemple le critère âge. Les chercheurs le définissent dans la vingtaine, or, les bombes humaines qui ont explosé au Cameroun étaient principalement des jeunes filles, dont on estime l’âge entre 12 et 17 ans. Elles se fondent ainsi dans la masse aves une certaine aisance, dans des accoutrements familiers au milieu dans lequel leurs cibles ont été identifiées. Ce qui fait dire au docteur Jean Pierre Kamga, médecin psychiatre à l’hôpital Jamot de Yaoundé, qu’ « il est très tôt pour définir le profil du kamikaze qui opère en ce moment dans l’Extrême-nord Cameroun. Il faut au préalable réunir certains éléments objectifs qui vont de l’appartenance socio-ethnico-réligieuse, au contexte qui est celui de cette partie du territoire. Et le seul fait que ce soit des enfants de s*e*xe féminin est en soi révélateur », explique-t-il. Le kamikaze a-t-il en ce moment une logique ?
Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, des études psychologiques ont montré que « les terroristes surtout kamikazes, se présentent tantôt comme des silhouettes de l’ombre, tantôt au premier plan, bombes humaines imposant à travers le sacrifice consenti l’image magnifiée de la cause défendue ». Les chercheurs affirment par la suite que « leur logique implique une panoplie significative trouvant ses repères dans des références politiques, religieuses, idéologiques, etc. : martyrs, héros, djihadistes ou soldats de Dieu assez fréquemment, ils tentent d’apparaître comme des icônes de la vérité et de la justice ».
De telles théories, la morale, les études sur la criminologie, la psychiatrie ou même la religion, n’expliquent pas ce phénomène dans sa spécificité. Elles le décrivent mais ne rendent pas compte de ses caractéristiques essentielles : spectacularisation, théâtralisation, dramatisation, médiatisation, etc. La logique terroriste vise en priorité la mise en scène « des symboliques » à travers des évènements spectaculaires comme ceux que notre pays a connu dans sa partie septentrionale ces derniers jours, et qui se trouvent être les formes les plus achevées de cette expression. La logique du kamikaze obéit ainsi à deux critères, l’atrocité et le spectaculaire. Une étude du psychologue américain Mannoni montre que « le principe suprême de la logique du kamikaze se focalise, au niveau psychologique, à un maniérisme de l’atrocité et de l’horreur ».

[b]Georges Parfait Owoundi[/b]

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