Cameroun : Questions autour de la déclaration d’un collectif de Chefs Traditionnels à l’ouest

Chefferie bamilekés

La déclaration signée le 29 janvier 2019 par « dix » gardiens de la tradition défraie toujours la chronique. Elle est vivement critiquée par la majorité qui crie à la manipulation grossière.

Manipulation. C’est en ces termes que plusieurs chefs traditionnels caractérisent la déclaration des dix Chefs Traditionnels de la région de l’ouest signée le 29 janvier 2019 qui continue de défrayer la chronique. L’action des gardiens de la tradition tels que leurs majestés Maurice Tchio, le président du Conseil régional, Pierre Tchio (chef supérieur Bafounda), Ngompe Njitack (chef supérieur Bafoussam), Jean Marie Tanefo( Chef supérieur Bamendjinda), Mittérand Moumbe (chef supérieur Bamougoum), David Fô Fondjo, Théodore Tchouainkam (chef Batié), Teigni Detio (chef supérieur des Bamessingué) réaffirmant leur engagement à la préservation de la paix et à l’indivisibilité du Cameroun continue de battre son plein. Précisant la position des chefs traditionnels de l’ouest, ces derniers ont condamné avec la dernière anergie de ces actes barbares; inviter au respect des institutions, lois et des règlements en vigueur dans notre pays et des personnes qui les incarnent. « Réitérons notre soutien indéfectible à ses institutions et aux personnes qui les incarnent et, rappelons que toutes manifestation ou toutes revendications dans notre pays doivent s’effectuer impérativement dans un cadre légal afin que la paix soit préservée indéfiniment ». Alors les questions fusent de toutes parts.

Qui est à l’origine de cette déclaration ? Les véritables signataires ?

Sur les vrais ressorts de cette déclaration lue en grand renfort de publicité sur la Crtv la semaine dernière, la plupart des chefs traditionnels qui ont apposé leur signature sur la feuille hésite à se prononcer. Joint à plusieurs reprises hier mardi 5 février 2019, Maurice Tchio, le président du Conseil régional des chefs traditionnels de l’Ouest a affirmé qu’ « il s’agit des choses délicates. Je suis à l’Ouest et il serait bien qu’on en parle à tête reposée. On ne peut pas en parler au téléphone ». Après insistance, il a confirmé la tenue de cette réunion au cours de la cérémonie des voeux au gouverneur de la région de l’Ouest. « On avait déjà pensé à faire quelque chose mais sur place, les circonstances ont précipité les choses », a-t-il précisé.
Flaubert Nana, le chef supérieur Batchingou qui n’a pas signé ladite déclaration s’est voulu clair. « Je suis mal placé pour juger les êtres humains. Le problème véritable est celui-ci. Les gens ne doivent pas s’engager à la place des autres. En même temps, nous devons protéger notre pays. Sur la quête des prébendes ou des intérêts, il a déclaré : « je ne peux pas me prononcer. Ils savent seuls pourquoi ils l’ont fait ! J’insiste en même temps que notre pays est ce qui nous unie ». Un autre chef traditionnel qui n’a pas signé explique que les raisons sont claires. « Vous constatez bien qu’il y a un chef traditionnel qui est sénateur. En assurant au président de la République leur concours inlassable pour le maintien de la paix et de la stabilité dans notre pays, les signataires veulent s’attirer
les faveurs du prince. Nous ne sommes pas dupes. La question de fond est celle de la démarche ? En vertu de quoi dix les chefs traditionnels
peuvent-ils parler au nom de plus de cent autres détenteurs du pouvoir traditionnel ? L’autre problème est celui du timing ! A l’effet de dénoncer les manoeuvres insidieuses qui mettent à mal la paix sociale dans nos communautés ? Il s’agit là de la face invisible de l’iceberg », a-t-il déclaré. A la suite des événements malheureux survenus le 26 janvier 2019 à l’intérieur et à l’extérieur de notre pays, les chefs traditionnels de la région de l’ouest ont réitéré leur attachement à l’ordre public, à la paix et à la sécurité sociale. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la déclaration signée par ces dix gardiens de la tradition. Une source digne de foi parmi ces chefs précise que « les chefs traditionnels n’ont pas signé ce document pour l’usage qu’on en a donné. Il s’agit en fait de la feuille d’acte de présence de la cérémonie des voeux au gouverneur de la région de l’Ouest; cette lettre ne peut être authentique que s’il y a des cachets ».

Du pur montage finalement ?

« C’est un piège contre les chefs traditionnels de la région de l’Ouest et particulièrement d’un département précis. C’est un montage grossier. Où est le cachet du président du Conseil régional des chefs de l’Ouest ? Du secrétaire général ? Une véritable roublardise mensongère et politique », a ajouté un chef traditionnel puissant dans la région. Ce qui se dégage des échanges avec les gardiens de la tradition, c’est l’omerta qui les caractérise. Ceux dont les noms figurent hésitent à se prononcer sur leur signature ou implication sur ce document.
On leur reprochera irréfutablement. L’autre chose, c’est qu’en dénonçant publiquement ce faux document ou en se prononçant, ils se dressent
contre le régime et tombent selon un chef traditionnel dans « le piège de ceux qui sont à l’origine du montage ou de la manipulation ». Dans cette veine, le silence est donc recommandé. Un véritable piège contre la chefferie. En rappel, Maurice Kamto a été arrêté au domicile d’Albert Dzongang en compagnie de M. Christian Penda Ekoka le lundi 28 janvier à Douala. 117 personnes ont été arrêtées lors des manifestations non autorisées qui ont eu lieu dans plusieurs villes du Cameroun, dont l’ex-directeur de campagne Paul-Eric Kingue et le rappeur pro-Kamto Valsero. Au moins six personnes avaient également été blessées, dont l’avocate Michele Ndoki, première vice-présidente des femmes du parti. Sa majesté Jean Marie Tanefo du palais Royal Bamendjinda dont le nom apparaît dans la déclaration est plutôt lucide dans son ouvrage La chefferie traditionnelle : hier, aujourd’hui et demain. Entretien avec Prince Théophile Tatsitsa. Il exprime bien la collusion actuelle entre le pouvoir politique et les chefferies traditionnelles. « De nos jours, il est important que le peuple comprenne la difficulté qu’ont les chefs traditionnels à agir sous la casquette d’un parti politique et pas d’un autre. Ceci étant, il revient toujours au peuple de veiller à ce que le chef traditionnel garde sa neutralité pour renforcer son pouvoir de rassemblement en vivant à la fois en collaboration avec les forces publiques et en harmonie avec tous les groupes d’opinion », écrit-il. Ainsi dans l’accomplissement de leurs chefs traditionnels dans l’accomplissement de leur mission, les gardiens des traditions sont de plus en plus inféodés et manipulés.

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