Cameroun: Pour une écologie de la vertu

Aïe ! on va encore se faire taper sur les doigts, de dire des choses qui fâchent.

Mais bon, souffrons de mourir pour un sillon, si tenu soit-il, pourvu qu’il soit raison ou simplement raisonnable. Et puis, à quoi cela peut-il servir d’avoir les doigts s’ils ne peuvent griller au feu l’action…
Quoiqu’il en coûte, on sait désormais que, Paul Biya, Président de la République, usant de ses prérogatives régaliennes, a instruit l’élargissement, ainsi que l’interruption de toute procédure de justice contre la journaliste d’Equinoxe TV, précédemment tombée sous les rigueurs de la loi. On n’en attendait pas moins, encore fallait-il l’obtenir. Du coup, l’affaire fait des gorges chaudes dans les chaumières, et au-delà. Hosanna au plus haut des cieux !
Du signe à la chose, Paul Biya, en orfèvre des symboles, fixe probablement là, pour ce qui le concerne, la première grande opportunité du septennat naissant, sous la forme d’une plus grande humanisation de l’Etat. Tant s’en faut !

De son coté, et ceci entrainant cela, la bourse nationale des libertés s’est singulièrement emballée, au détour de cette affaire. Ses enchères ont grimpé au vertige, au point de brouiller son taux directeur, tellement, tous, journalistes, avocats, entrepreneurs politiques et activistes sociaux, en tout genre, ont tenu à rivaliser de lyrisme exalté sur l’heureux aboutissement. Tout cela a eu le don de rafraichir quelque peu une atmosphère rendue pesante, ces derniers temps, par le jeu de la présidentielle et l’enjeu du pouvoir.

Finalement, cette affaire marquera longtemps les esprits par sa singulière tripartite. Il y a d’un côté, Paul Biya, l’homme d’Etat, le candidat du tweet qui, après avoir dénoncé ces followers passifs qui se sont fait le métier de nuire à leur pays, est allé les challenger sur leur propre terrain, en prenant le monde entier à témoin du contentieux électoral camerounais, pour mieux se revêtir aujourd’hui, en toute légitimité, la tunique séduisante du président de tous les camerounais, à qui il adresse cette invitation, « aidez-moi ». C’est peu, mais c’est déjà beaucoup de dire, je ferai avec vous.

De l’autre côté, il y a une citoyenne, femme, anglophone, exerçant le ministère de la parole, et poursuivie pour des délits de paroles… Puis il y a une société camerounaise qui trépigne l’ivresse des libertés, alors que se tient, simultanément, un séminaire pour réconcilier le journalisme traditionnel avec l’hydre des réseaux sociaux. Le piège était grand, mais Paul Biya l’a su éviter, en prenant de témoigner d’un pouvoir à visage humain, pour jeter les jalons d’un nouveau pacte républicain pour l’émergence, comme il le dit lui-même dans son discours de prestation de serment.

Par ce fait présidentiel, la femme camerounaise, le journaliste, l’anglophone, autant que le francophone sentent poindre l’aurore d’une période de renforcement de toutes les libertés, notamment en matière d’expression, sans préjudice, bien entendu, du nécessaire respect des lois.

Reste les différentes réserves

Pour le pouvoir, il est surtout question de cesser de casser le thermomètre chaque fois que la température monte. Car, si les journalistes sont des révélateurs souvent zélés, la vraie source des débordements imputés aux journalistiques est toujours dans la société. C’est donc la société qu’il faut soigner, pour rompre avec cette fabrique facile de victimes starisées.
A la vérité, le droit des journalistes à la libre expression n’est pas négociable ; et chaque entorse ici se paie chère sur le crédit pays. Toutefois, ce droit cohabite avec d’autres, dont certains lui sont supérieurs, tels, le droit à la vie, à la santé, à l’éducation, à la sécurité collective, à l’alimentation… Il serait donc hasardeux de considérer que le journaliste est le point d’aboutissement et d’accomplissement maximal de tous les droits dans le cadre de son métier. Erreur ! Dans aucun pays du monde, les questions de sécurité collective ne sont de l’ordre de la libre opinion. De même, ce n’est pas par de l’immoralité de masse que l’on corrige les insuffisances d’une organisation étatique, au contraire…

L’Etat peut aujourd’hui être souple, et demain virer à la rigidité. Attention ! Dans un cas comme dans l’autre, c’est de la qualité de notre éthique d’implication que dépendront les opportunités promises, dans le cadre bien pensé d’une nouvelle écologie de la vertu.

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