Un illustre fils du Dja-et-Lobo s’est éteint hier Mardi 07 Juin 2015. L’Ancien député-maire de Sangmélima et accessoirement grand operateur économique national s’en est allé, laissant une florissante entreprise de transport, BUCA VOYAGES en l’occurrence, qui sillonne les quatre coins du triangle national. C’est ainsi l’occasion pour moi, observateur et témoin de cet envol, de rendre hommage à ce brave fils du Cameroun.
Il y a des destins qui survolent la vie. D’autres moins. Et survoler la vie peut aller de soi, parce que l’environnement s’y prête : on hérite par exemple d’une œuvre familiale multi-décennale. Ou alors on est propulsé au-devant de la scène par une combinaison d’éléments favorables exogènes à l’être humain. Etrangers à nos efforts personnels. Mais quand domestiquer le destin, le réduire, se fait alors qu’on part d’une posture des plus improbables, l’on se rend compte que les trajectoires existentielles ne sauraient se valoir.
Dans le cas particulier de l’Honorable Essame Francois, la postérité retiendra la hargne, la détermination, la vélocité, l’engagement de cet homme au caractère trempé. L’on retiendra de lui l’édifice personnel qu’il aura bâti, partant de rien ou presque, pour en faire une fierté nationale. C’est avec admiration qu’on observe les bus, estampillés « BUCA VOYAGES », serpenter les routes et pistes du Cameroun.
L’on retiendra l’éclat de génie qui a inspiré à l’auteur de cette grande réalisation, de célébrer, sur chacun de ses bus, les grandes figures nationales. L’on retiendra que le tout petit enfant anonyme du tréfonds de l’équateur, a su se défaire des handicaps inhérents à sa trajectoire initiale, pour se frayer, pas-à-pas, une esquisse de boulevard – et ce à la sueur de ses mains et de son front – pour finir par s’installer dans la posture de référence régionale et nationale.
Mais au-delà du génie ancré dans l’ADN du businessman qu’il était, c’est surtout pour autre chose qu’il survivra à la postérité dans la conscience collective de tous ceux qui l’ont vu à l’œuvre au cœur de l’Equateur, dans le pays natal, dans notre ville : Sangmélima. Il va conquérir la mairie de la ville en 1996 et va rapidement amorcer la transformation totale de « la belle du Dja-et-Lobo ». Sangmélima va vivre ses heures de gloire en termes de gestion des détritus, de propreté, d’urbanisation, de civisme. Les « Djalobiens » allaient, grâce à l’action de celui qu’on appelait affectueusement Bernard Tapie, recouvrer une forme de fierté, celle d’appartenir à cette bourgade si agréable, si propre, si entrainante…
Et pour asseoir sa légitimité au-delà des confins du Dja-et-Lobo devenu trop minuscule pour sa hargne d’en découdre, de conquérir de nouveaux lauriers, Tapie va aussi se faire élire Député de Sangmélima – et ce, non sans avoir dû batailler ferme pour faire prévaloir l’évidence naturelle – celle de son leadership incontestable, faisant de lui, l’une des voix incontournables du tréfonds de l’équateur.
L’homme qu’il a été a brillé par ses réalisations multiples. Mais dans chaque parcours de vie, dans chaque histoire personnelle, l’être humain évolue dans une logique de société, car c’est avec et par les autres qu’on parvient à singulariser son destin. Dans ces interactions, tout ne va pas toujours sans écarts, sans contrariétés éparpillés par-ci par-là, sans rancœurs qui s’expriment ou se ruminent, sans empoignes qui, au demeurant réaffirment le caractère simplement humain de tout un chacun. C’est l’occasion de dire que nul ne peut être exempt de reproches. Nul ne peut avoir vécu aussi longtemps sans être le temple de travers qui sont consubstantiels à l’être. Cela s’appelle simplement être HOMME engagé dans le réel.
Ces généralités établies, je m’en vais maintenant vous adresser un message personnel Monsieur le Maire. J’aurais aimé vous connaitre. Apprendre à vos côtés. Bénéficier de votre vision, de votre intelligence brute, de votre capacité d’anticipation et de réaction. Vous aurez montré et démontré à satiété que les valeurs de la vie résident d’abord dans la volonté de s’accomplir. Une vie n’a de sens que, lorsque le soir du parcours vient sonner à notre porte, on se laisse aller vers le repos éternel sans regrets, avec le sentiment d’avoir contribué, comme le disait St Exupéry, « [i]à bâtir le monde.[/i] »
J’aurais aimé vous connaitre personnellement pour écrire de mes mains, de ma plume, l’histoire qui fut vôtre et qui a vocation à inspirer des générations. Car voyez-vous Monsieur le Maire, c’est en s’abreuvant des contes de la nature du vôtre – conte parce que votre parcours semble si irréel– que des destins se forgent, que des vocations naissent, que des ambitions se nourrissent et que des grandeurs amorcent leur élan d’envol.
J’aurais aimé vous connaitre pour vous dire merci. Merci pour ce que vous avez fait de ma ville. Merci de la fierté que vous avez restaurée en moi en tant que « [i]Djalobien[/i] ».
Merci surtout d’avoir été un père qui laisse des êtres merveilleux. Des êtres d’avec lesquels j’ai eu la chance de connaitre une certaine communauté de destins à l’école d’abord, mais aussi au-delà. En eux, en ces descendants de votre sang, scintillera toujours votre éclat. Celui d’un grand homme, d’un baobab que, comme disait François Soudan, «[i] les bucherons de la mort ont voulu abattre.[/i] »
Votre œuvre restera le phare qui répandra l’éternité de votre mémoire. A conditions que ceux qui en auront la lourde charge puissent suivre vos pas en protégeant, en faisant grandir ce qui aura été votre raison d’être. Comme Guy Moquet, ce jeune communiste français assassiné par les Allemands en 1941, vous tirez votre révérence avec cet appel solennel, péremptoire : « [i]vous tous qui restez, soyez dignes de moi[/i]. »
Reposez paisiblement dans la quiétude éternelle Monsieur le Maire.
[b]Hervé Blaise Menguele[/b]