Cameroun: L’équilibre régional n’est pas le tribalisme

Le tribalisme au Cameroun

Mais, il est apparu, avec le temps, que les deux sphères avaient entrepris de se prendre mutuellement en charge, par interpénétration,
mutualisation, jusqu’à la déviation, puis à ce qui ressemble aujourd’hui à une authentique dépravation.

Et l’on peut considérer que l’ENAM n’en est devenue le symbole crasse du mauvais exemple que parce que l’État légal s’est laissé piéger par certains calculs des États indigènes, si ingénieux dans leur organisation pour contrôler tous les pouvoirs et le Pouvoir ! Il n’est pourtant pas si difficile de mettre en lumière les deux niveaux de déséquilibre qui en ont résulté. Déséquilibre I, la démission. Le Décret N° 75/496 du 3 juillet 1975, et son additif N°82/407 du 7 septembre 1982 sont clairs, qui consacrent une politique publique de quotas à l’entrée dans les grandes écoles. Ce faisant, dans la lettre et l’esprit des dispositions réglementaires ainsi approvisionnées, l’État n’entendait engranger aucune niche de passe-droit ; au contraire, Ce qui était en œuvre renvoyait à la nécessité d’ajuster la justice du Droit à la justesse des États.

Le Cameroun consentait ainsi à décliner le devoir éthique de tout État au monde, celui de réguler les opportunités entre des citoyens ne disposant pas toujours des mêmes capitaux au départ. Ceci, pour dire qu’au commencement, l’équilibre régional était un levier de justice sociale et d’équité républicaine, au cœur d’un environnement composite de grande complexité. Malheureusement, pour des raisons que l’on ignore, certains États traditionnels ont entrepris de subvertir cette vision de sécurisation du vivre ensemble de l’État central, en organisant des classes de prépa à base de discrimination communautaire et d’exclusion. L’État central ayant laissé faire, le résultat n’a pas attendu ; de nombreuses grandes écoles sont ainsi devenues la chasse gardée de certaines communautés, avec des listes d’admissions au faciès, comme l’appel des enfants du village. L’équilibre régional venait ainsi d’être troué au cœur, par la prédation des États ancestraux.

L’exemple le plus caricatural, sans être le plus significatif, est le cas du tout premier concours d’entrée à l’ENS de Maroua, avec l’exigence communautaire de laisser passer tous les enfants du village… Cela s’est fait, pour le bien des bénéficiaires et de leur terre natale ; quant à la République commune, il faudra repasser… Déséquilibre II, par excès ! Il traduit une guerre sourde entre les deux États indiqués plus haut. En fait, les États indigènes qui avaient fini d’asseoir leur hégémonie sur différents secteurs techniques (génie-civil, médecine, technologie, barreau…) voulaient désormais étendre leur toile sur les autres secteurs. Or, au même moment, l’État central, un moment endormi, soudain prend la mesure de la grave injustice. Et pour tenter une correction, il va décider de compenser son retard par l’injection d’importants flux communautaires dans des écoles apparentées au pouvoir… Cris de rage, tribalisme !

Bref, une faute vient se superposer à une autre, sans que les deux puissent faire vertu. Après avoir laissé les États traditionnels dévoyer le principe républicain de l’équilibre régional, l’État central ne peut le corriger par un nouveau déséquilibre à base d’injection massive de certains enfants dans des écoles ciblées. La solution est dans un nouveau départ. Il conviendrait ainsi de tout remettre à plat, en considérant qu’aujourd’hui plus que jamais, l’équilibre régional est une voie de salut; il conviendrait donc d’en renforcer les mécanismes, pour le plus grand bien de tous. Au demeurant, la décentralisation ne dit pas autre chose. Aussi, le concours de l’ENAM, celui de polytech, autant que tous les autres se devraient-ils de mettre en compétition des quotas régionaux, par affectation de principe, à l’intérieur de chaque Région, et non pas de poursuivre l’actuel jeu trouble de la libre compétition.

On espère ainsi contenir la compétition sauvage des communautés, autant que la ruse des certains sur les opportunités communes. C’est l’essence du principe de régulation propre à tout État soucieux de sa survie. Tous les États du monde sont fondés sur la régulation, à des degrés divers ; le Cameroun est un État, donc le Cameroun doit réguler de droit !

Sire Ateba Ndoumou

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