La flambée des cours des matières premières et du fret, le risque d’une implosion sociale donnent des insomnies aux pouvoirs publics et au patronat camerounais, celui-ci hésitant entre la hausse des prix à la vente et sa résilience patriotique habituelle.
Que vont faire les promoteurs d’entreprises camerounaises pour contenir la flambée actuelle des cours du fret maritime et des matières premières à l’importation ? Seuls les jours à venir nous le diront. Et, en tout état de cause, la réponse finale à cette question cruciale dépendra de l’issue du dialogue amorcé entre le gouvernement camerounais et les opérateurs économiques relativement à cette hausse généralisée à l’origine d’une crise qui se répercute, telle une trainée de poudre, dans toutes les économies du monde. Cette situation justifie du reste le déplacement en urgence effectué le vendredi 1er octobre 2021 à Douala par le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Arangana, à l’effet d’échanger avec le patronat sur la question dans la continuité du dialogue public-privé.
C’est donc en sapeur-pompier que ce membre du gouvernement s’est rendu au chevet d’un patronat dépassé et essoufflé, dans un contexte où de folles rumeurs annoncent depuis quelques jours la hausse des prix de certains produits de consommation courante, à l’instar du gaz domestique. Une augmentation qui ne serait que logique, si l’on s’en tient au tableau sombre dressé par le président du Groupement inter-patronal du Cameroun pour traduire le calvaire des opérateurs économique en ce moment. En effet, les cours des matières premières et des intrants connaissent à l’heure qu’il est une augmentation exponentielle comprise entre 30% et 200% selon les produits. La hausse du fret frôle les 400%, ce qui fait dire à Célestin Tawamba que « les temps sont extrêmement durs pour les entreprises, les Pme et pour tout le monde ».
Le fret en hausse de 417%
Selon le président de la principale organisation patronale camerounaise, deux raisons expliquent cette situation. D’une part, il y a la survenue de la pandémie du Covid-19 avec pour conséquence évidente la baisse de la production à l’échelle mondiale et plus particulièrement dans des pays dépendant largement de la production extérieure comme le Cameroun. Une situation qui a convaincu certains grands producteurs mondiaux, à l’instar de la Russie, à limiter les exportations par l’institution de taux de taxation élevés à la douane, dans un contexte aggravé par des perturbations climatiques. D’autre part, le plan de gestion post-Covid-19 annoncé en grandes pompes par les pouvoirs publics camerounais n’a pas suivi, contrairement à ce qui a été fait ailleurs dans le monde : des milliards d’euros ont été injectés par exemple dans les économies européennes pour amortir les chocs de cette crise sans précédent.
Quelques morceaux choisis dans l’exposé des motifs par le président du Gicam, illustrent cette situation alarmante et d’implosion. Dans le secteur de la sidérurgie, le fer est en augmentation de 97% voire plus, l’aluminium de 50%. L’industrie agroalimentaire n’est pas en reste, avec un taux de 43% pour le blé tendre et presque le double pour le blé dur. L’huile de palme franchit la barre de 77% et les engrais 72%. Quid de la filière brassicole ? Le maïs est en hausse de presque 72% et l’orge de 65%. Les promoteurs de cimenteries se plaignent également de la barre de 87% franchie dans un environnement où le pays est en plein chantier dans la perspective de la prochaine Coupe d’Afrique des Nations (CAN Total 2021) et de l’émergence 2035. Tout ceci porte le taux du fret à 417%, d’après les chiffres exposés par Célestin Tawamba.
Emeutes de 2008
Que faire ? « Lorsque les coûts de production augmentent, les entreprises doivent répercuter. Mais est-ce possible de répercuter 400% de fret et 200% pour les matières premières ? », s’est interrogé le président du patronat, pour qui « cette crise est plus importante que celle de 2008 ». A son avis, cette solution n’est humainement pas envisageable, car ce faisant, les entreprises ne pourront plus vendre leurs produits à moyen terme, faute de pouvoir d’achat. Finalement, les parties prenantes sont unanimes sur la nécessité de partager les responsabilités. Encore une fois, le patronat sollicite des allègements fiscaux, la suspension des contrôles, des taxes parafiscales et de certaines taxes portuaires, et de l’acompte sur certains secteurs. Des mesures d’accompagnement dont le gouvernement devra discuter dans un cadre plus approprié, selon les promesses du ministre du Commerce. En contrepartie, les entreprises sont appelées à plus de responsabilité. Car de cette responsabilité dépendra la stabilité et l’apaisement d’un climat social déjà très tendu, hanté par le spectre des émeutes de février 2008.