Cameroun: Le préfet et Hevecam S.A au cœur d’un scandale

Hevecam

L’enfouissement avorté d’un important stock de déchets toxiques de la société agro-industrielle sur les rives du fleuve Lokoundje suscite des interrogations dans l’opinion.

L’autorité administrative et l’entreprise accusées d’avoir voulu mettre en danger la vie des populations. L’affaire fait grand bruit dans la ville de Kribi et ses environs. De bouche à oreille, les Kribiens se posent des questions sans trouver des réponses depuis le déclenchement de cette histoire. Les faits quant à eux, sont suffisamment graves pour rester impunis. La localité d’Ebea habituellement paisible et reposante a connu une matinée tourmentée ce jeudi 30 avril 2020. « J’ai été informé par un message WhatsApp qu’une société s’apprêtait à enfouir des déchets toxiques dans le village Ebea et ce, au bord du fleuve Lokoundje. Je me suis immédiatement déporté sur les lieux pour m’enquérir de la situation», résume le maire de la commune de Lokoundje, Vendelin Nkoa. « Enfouir des déchets toxiques», c’est peu dire. Au bout d’une piste sinueuse dans l’immensité de la forêt, Vendelin Nkoa, le maire, et son équipe découvrent l’horreur. Un site est emménagé à quelques mètres du cours d’eau. Des ouvriers à l’aide d’engins creusent des fosses. 534 bonbonnes de gaz toxiques sont disposées çà et là avec légèreté. Certaines bouteilles ont commencé à être mises sous terre. Selon le responsable développement durable de Hevecam S.A, Anicet Jienkoube, « il s’agit de l’ammoniac. » Un gaz hautement toxique. C’est une catastrophe environnementale ! Les opérateurs sur place ne disposent d’aucun document administratif ou technique qui leur permette de mener une telle opération. Ordre est donné de stopper l’opération. Les ouvriers s’exécutent immédiatement.

Origine des déchets

Les bonbonnes de gaz toxiques proviennent de l’usine de Hevecam S.A. Une société agroindustrielle située dans l’arrondissement de Nye’été, à 45 km au Sud-est de la ville de Kribi. Elle a pour spécialité, la culture d’hévéa et la transformation du latex. Hevecam S.A a passé un marché pour se débarrasser de ces déchets plutôt encombrants. C’est la procédure. Le marché est acquis par la société Besti. C’est donc cette dernière qui va transporter le demi millier de bouteilles depuis les plantations d’hévéa dans l’arrondissement de Nye’été, jusqu’aux rives du fleuve Lokoundje dans l’arrondissement éponyme. Un trajet long d’une centaine de kilomètres. La société Besti entreprend de détruire ici les bouteilles contenants du gaz dangereux pour l’homme et la nature. François Xavier Leukoua, responsable de l’entreprise affirme que, «notre protocole faisait état de la destruction de bouteilles de gaz. Aucun produit n’était mentionné.» Du côté de Hevecam S.A, l’on clame son innocence tout en tentant de rassurer les populations. Le directeur général adjoint, Alain Christian Bikoe affirme que : « les lois et règlements applicables ont été respectées jusque-là. Ces bouteilles ne seront pas détruites tant que toutes les garanties de respect de l’environnement et de l’intégrité des biens et des personnes ne sont pas obtenues. De plus, les populations du village concerné devront automatiquement donner leur OK. » Une position qui contraste avec la réalité. Sur le terrain, l’enfouissement des bouteilles avait commencé sans la moindre consultation des populations et au mépris des usages en matière de protection de l’environnement.

Du rôle du préfet

Technocrate chevronné, le préfet Antoine Bisaga qui est à la tête du département de l’océan depuis 8 ans n’admet aucune responsabilité de sa part dans ce scandale. Pourtant, dans un message porté circulant dans les réseaux sociaux, l’autorité administrative instruit clairement le sous-préfet de Lokoundje, les forces de l’ordre, le délégué départemental des mines et le chef du village Ebea d’assister à la « séance de destruction de ces bouteilles de gaz périmés » en ces lieux.L’arrêté n 002 du ministre de l’environnement, de la protection de la nature et du développement durable du 15 octobre 2012 fixant les conditions spécifiques de gestion des déchets industriels (toxiques et dangereux) en son article 4, alinéa 1 stipule que : « tout transporteur de déchets industriels est tenu d’utiliser un manifeste de traçabilité conforme au formulaire en vigueur. » Dans l’alinéa 2, le même arrêté nous apprend que, « le manifeste de traçabilité des déchets précise notamment la provenance, les caractéristiques, la nature, les quantités, la destination et les modalités de transport, de stockage et d’élimination ainsi que les entreprises concernées par ces opérations. Le produit (déchet) doit être remis à un expert ayant son permis de destruction environnemental de manière à le détruire écologiquement. » Les populations appelle le ministre Hele Pierre à la rescousse.

Landry TSAGA

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