Dans une période charnière de son histoire, le Cameroun se trouve à la croisée des chemins, comme le révèle une enquête approfondie de Jeune Afrique. Alors que le président Paul Biya entame sa 42e année au pouvoir, les récentes rumeurs sur son état de santé ont brisé un tabou longtemps considéré comme inviolable : celui de l’après-Biya.
Les failles dans la muraille d’Étoudi
Le séjour prolongé du chef de l’État à Genève, en septembre et octobre 2024, a créé une onde de choc sans précédent dans les cercles du pouvoir. Comme le rapporte 237online.com, même les ministres et hauts gradés se sont retrouvés dans le noir total concernant l’état de santé du président. « Chacun demandait à l’autre s’il savait comment allait le patron », confie une source proche du palais d’Étoudi, illustrant une situation inédite où l’incertitude a gagné jusqu’aux plus hautes sphères de l’État.
L’armée en première ligne : Le jeu des trois forces
La question de la succession a fait émerger un scénario militaire complexe, centré autour de trois forces principales. La Garde présidentielle, le Bataillon d’intervention rapide (BIR), et la Brigade du quartier général, respectivement dirigés par les colonels Raymond Charles Beko’o Abondo, François Pelene et Charles Alain Matiang, se retrouvent au cœur des spéculations stratégiques.
Le BIR : Un État dans l’État
Le BIR, avec ses 9 000 hommes et son équipement sophistiqué, occupe une position particulière. Fort de ses hélicoptères d’attaque Mi-24 basés à Yaoundé et de ses capacités d’écoute israéliennes, ce corps d’élite pourrait théoriquement contrôler le ciel de la capitale. Cette supériorité aérienne inquiète certains gradés qui appellent à un rééquilibrage des forces.
La danse des prétendants
L’absence prolongée du président a déclenché une véritable effervescence politique. Dans l’ombre, des conseillers font la promotion de leurs candidats, vantant leurs capacités à « éviter la fracture du pays » ou à « stopper la guerre » dans les régions anglophones. La question de l’influence française reste également centrale, plusieurs acteurs estimant que Paris conserve une carte maîtresse dans le jeu successoral.
L’option constitutionnelle
Une solution émergente propose la création d’un poste de vice-président, permettant d’élire un « ticket » à la tête de l’État. Cette modification constitutionnelle faciliterait une transition en douceur tout en préservant les équilibres politiques actuels.
Les défis de la transition
La situation actuelle met en lumière les faiblesses institutionnelles du Cameroun. Le président du Sénat, Marcel Niat Njifenji, théoriquement appelé à assurer l’intérim en cas de vacance du pouvoir, serait lui-même en mauvaise santé, compliquant davantage les scénarios de succession.
Un Pays, deux mondes politiques
Cette crise révèle la coexistence de deux réalités politiques distinctes : d’un côté, le RDPC où chacun se positionne pour une succession hors élection, de l’autre, une opposition qui espère une élection présidentielle libre en octobre 2025.