Dans un contexte économique alarmant pour l’Afrique centrale, les chefs d’État de la CEMAC se réunissent ce 16 décembre 2024 à Yaoundé pour un sommet extraordinaire d’une importance capitale.
La situation est critique : les réserves de change de la CEMAC ne couvrent plus que 2,1 mois d’importations, bien loin des 4,5 mois initialement projetés pour fin 2024. Cette dégradation brutale des indicateurs économiques met en péril la stabilité macroéconomique de toute la sous-région.
La présence annoncée de Kristalina Georgieva, Directrice générale du FMI, souligne l’extrême gravité de la situation. Les enjeux sont colossaux : sans un engagement fort des chefs d’État pour des réformes structurelles, le Cameroun, le Congo-Brazzaville et la République Centrafricaine risquent de voir leurs soutiens budgétaires du FMI gelés.
Une zone économique en état d’urgence
Les origines de cette crise sont multiples et complexes. Le faible rapatriement des recettes d’exportation en devises du secteur extractif – seulement 35% des recettes ont été effectivement rapatriées – constitue l’une des principales causes de l’érosion des avoirs extérieurs. Cette situation est aggravée par des décisions financières nationales aux conséquences régionales désastreuses.
Le remboursement anticipé par le Gabon de 180 milliards FCFA d’un eurobond, en puisant dans l’épargne domestique, a contribué à fragiliser davantage les réserves communes. Plus inquiétant encore, le projet de reprofilage de la dette du Congo-Brazzaville, portant sur 2314 milliards FCFA, fait planer une menace sérieuse sur tout le système bancaire de la CEMAC, déjà fragilisé par la hausse des créances en souffrance.
Un sommet aux absences remarquées
L’absence du président tchadien Mahamat Idriss Deby Itno, qui s’est fait représenter par son ministre des Finances, ajoute une dimension politique à cette crise économique. Cette défection intervient dans un contexte de tensions diplomatiques entre le Tchad et le Cameroun, notamment autour de l’affaire Savannah Energy.
Le retour sur la scène publique du président Paul Biya, après une période de relative discrétion, donne une dimension particulière à ce sommet initialement prévu à Bangui. La présence du nouveau président de transition du Gabon, Brice Clotaire Oligui Nguema, marque également un tournant dans les dynamiques régionales.
La situation rappelle étrangement celle de décembre 2016, lorsqu’un sommet similaire avait abouti à 21 résolutions pour consolider la stabilité macroéconomique de la zone. Huit ans plus tard, le retour à la case départ pose la question de l’efficacité des réformes entreprises et de la capacité des États membres à mettre en œuvre des solutions durables.
Le système bancaire de la sous-région montre des signes inquiétants de fragilité. Au Cameroun, première économie de la région, les créances en souffrance ont augmenté de 11% en un an, atteignant 774,11 milliards FCFA au 30 juin 2024. Cette détérioration du portefeuille bancaire complique davantage la recherche de solutions à la crise actuelle.
Face à ces défis multiples, les chefs d’État devront prendre des décisions courageuses pour éviter une asphyxie financière de la zone. La réunion de Yaoundé pourrait marquer soit le début d’un nouveau cycle de réformes efficaces, soit l’accélération d’une crise systémique aux conséquences imprévisibles pour toute l’Afrique centrale.